« On m’a imposé le 49.3 ». Moment de flottement hier lors de « L’Emission Politique » sur France 2. En rejetant la responsabilité de son utilisation à six reprises lors de l’examen des projets de loi Macron et Travail sur « les frondeurs » socialistes, Manuel Valls a réactivé les critiques sur l’un des points de crispation de son passage à Matignon. En quelques minutes, l’ancien Premier ministre a illustré le délicat dilemme auquel il doit faire face depuis son entrée en campagne : rassembler sans se renier.
« Utilisation dépassée » et « brutale » : le mea culpa de Valls
La campagne éclair de la primaire de gauche et l’entrée tardive dans la bataille de Manuel Valls suite au renoncement surprise de François Hollande pousse l’ancien locataire de Matignon à l’écartèlement. La polémique réactivée autour du 49.3 est symptomatique du défi presque insurmontable qu’il devra relever dans les prochaines semaines. Manuel Valls a bien essayé de déminer rapidement le terrain en reconnaissant, dès le mois dernier, sur France Inter « les effets pervers » de cette prérogative constitutionnelle. « Je suis lucide et puis j’ai appris, et puis on prend du recul (…). Son utilisation est dépassée et apparaît comme brutale ». Depuis, il poursuit sur sa lancée et propose dans son projet le maintien du 49.3 uniquement dans « les cas des textes budgétaires ». Mais Manuel Valls ne se démarque pas pour autant de ses concurrents. Arnaud Montebourg et Benoît Hamon souhaitent la même réforme avec l’avantage pour eux de ne jamais l’avoir utilisé.
Vincent Peillon n’était « pas là »
Interrogé sur cette question, Vincent Peillon n’a pas manqué d’enfoncer le clou, ce vendredi, sur Public Sénat et Sud Radio : « Je n’étais pas là. J’ai de la chance (…) Je donnais des cours de philosophie à Neufchâtel, je m’occupais d’affaires internationales au Parlement européen, et j’écrivais un roman policier » a-t-il éludé non sans malice.
Vincent Peillon sur l'utilisation du 49.3 par Manuel Valls : "Je n'étais pas là"
Quand Valls ne voulait pas renoncer à ce « moyen constitutionnel »
« Bien sûr que j’ai changé. Je n’ai pas changé de conviction, mais j’ai changé, j’ai mûri » s’est justifié, hier soir, Manuel Valls reprenant à son compte une expression maintes fois utilisée par Nicolas Sarkozy. Audacieux, là encore, tant le timing est serré pour l’ancien Premier ministre. Comment faire passer en quelques semaines une maturation de l’esprit ce qui semble être un revirement ou de l’opportunisme pour ses détracteurs ? En effet, en mai dernier, sur Public Sénat, l’ancien Premier ministre affirmait qu’il ne fallait « jamais renoncer à un moyen constitutionnel ». Puis quelques jours plus tard, sur RMC, il voyait dans l’utilisation du 49.3 « tout l'inverse d'un passage en force» et même « un acte démocratique ». « Il y a un discours pour la candidature et une pratique pour le gouvernement, c’est bien là le problème de Manuel Valls » a résumé sur France 2, ce vendredi, son concurrent Arnaud Montebourg.
49.3: "il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel" Manuel Valls
« Prix de l’humour politique »
Sur Twitter, Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), prend les justifications de Manuel Valls avec ironie et demande qu’on lui décerne le prix de l’humour politique. Le député frondeur socialiste, Pouria Amirshahi est sur la même tonalité humoristique. Plus sérieusement, le député PS, Sébastien Dénaja, proche de Vincent Peillon, rappelle à l’ancien Premier ministre la philosophie du 49.3.
Farine
Comment rassembler sa famille politique après l’avoir divisée il y a encore quelques mois par le recours au 49.3 ? Dès la semaine prochaine, lors des premiers débats de la primaire de gauche, la question reviendra aussi vite que la farine qu’il a reçue sur la tête pendant les fêtes. Comme le scandait l’auteur de cet enfarinage : « 49.3, 49.3, on n’oublie pas ! ».