Un gouvernement d’union nationale en cas de réélection de Macron ? « De la politique fiction » pour l’opposition

Un gouvernement d’union nationale en cas de réélection de Macron ? « De la politique fiction » pour l’opposition

En cas de réélection, jusqu’où Emmanuel Macron pourrait-il faire l’élargissement ? Le député LR Guillaume Larrivé souhaite que son parti participe « à construire une nouvelle majorité » en cas de défaite de Valérie Pécresse. Mais à droite, comme à gauche, personne ne croit à une union nationale. Reste des individualités, qui pourront une nouvelle fois se rallier.
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Rassembler le plus grand nombre, parce que la situation l’exige, ou pour asphyxier toute opposition ? Cinq ans après avoir rassemblé des élus issus de la droite et de la gauche, Emmanuel Macron ne compte pas changer de formule. Une formule qui gagne, si l’on en croit les sondages, qui placent le Président sortant en bonne voie pour le moment.

Macron veut « continuer » à « élargir »

Alors que beaucoup de choses peuvent encore se passer d’ici le premier tour, certains prennent les devants. Le député LR Guillaume Larrivé souhaite que sa famille politique travaille avec le Président, en cas de défaite. « Je constate qu’à l’évidence, il y a désormais de fortes convergences entre le projet présenté par LR et le projet présidentiel d’Emmanuel Macron », soutient dans un entretien au Point le député de l’Yonne, qui appelle à « être responsable ». Guillaume Larrivé ajoute : « Si Valérie Pécresse est éliminée au soir du premier tour, je m’engagerai pour qu’Emmanuel Macron soit à nouveau président et pour que les Républicains participent, à l’Assemblée, à construire une nouvelle majorité pour la France ». Cet ancien sarkozyste imagine « une coalition » dans le cadre « d’une vraie réconciliation nationale ». Ce n’est pas « l’union nationale », à laquelle le député LR avait déjà appelé en avril 2020, en pleine crise du covid, mais on n’en est pas loin.

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S’il ne parle pas d’union nationale, Emmanuel Macron lui-même entend plus que jamais continuer à ouvrir les portes. On le voit par les ralliements qui continuent, surtout à droite et un peu à gauche. Interrogé lors de la présentation de son projet sur la possibilité de travailler avec Valérie Pécresse, Emmanuel Macron n’a pas dit non. « Je n’exclus rien », a-t-il lâché, avant d’ajouter : « Il faut rassembler plus largement tous les responsables politiques sincères qui partagent le projet qui est présenté aujourd’hui, […] qu’ils viennent de droite ou de gauche ». La candidate LR a déjà balayé d’un revers de main ce qui s’apparente plus à un baiser de la mort. Reste qu’Emmanuel Macron ne veut pas s’arrêter en chemin : « Je n’ai cessé d’élargir et de rassembler dans ce quinquennat qui s’achève. Je continuerai à faire cela ».

« On est vraiment dans le phantasme »

Face à l’effroi de la guerre en Ukraine, aux conséquences géopolitiques et économiques en France, l’union nationale est-elle plausible ? Elle semble en réalité difficile pour ne pas dire impossible. « C’est de la politique fiction. On ne sait même pas le résultat du premier tour, et certains sont sur ceux du 4e tour… » raille Franck Louvrier, maire LR de La Baule et conseiller politique de Valérie Pécresse, pour qui « c’est mettre la charrue avant les bœufs ». « Quel que soit le résultat il y aura une recomposition législative. Maintenant, savoir si ça sera les macronistes qui vont partir en morceaux, car ils seront en trois morceaux, ou si LR auront des gens qui vont partir chez je ne sais pas qui, on n’en sait rien », ajoute l’ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy.

L’idée est reçue tout aussi froidement par Dominique Estrosi Sassone, sénatrice LR des Alpes-Maritimes, elle aussi conseillère politique de Valérie Pécresse. « C’est très mal venu et complètement décalé de faire ce genre de déclaration maintenant. On est dans une campagne, à deux semaines et demie du premier tour, rien n’est encore joué », soutient la vice-présidente du groupe LR du Sénat, pour qui « le timing est particulièrement déplorable ». Elle continue : « Pour l’instant, notre famille politique continue d’être rassemblée et d’être unie derrière Pécresse. Il n’y a pas lieu de se projeter dans une quelconque stratégique de ce qu’il va se passer après les 10 et 24 avril ». « Il n’y a aucune raison, pour l’heure, de se projeter dans ce gouvernement d’union nationale », ajoute encore Dominique Estrosi Sassone. A voir ses propos, elle semble cependant ne pas fermer la porte à 100 %… Mais elle reste très circonspecte. « On est vraiment dans le phantasme. Pas du côté des LR mais du côté de Macron ou de quelques personnalités qui se projettent plus loin. Il n’y a aucune raison à l’union nationale, quand bien même il y a un contexte particulièrement lourd ».

« Ça ne donne pas forcément une bonne image à la classe politique »

« Je ne suis pas sûr que ce soit le moment de parler de tout ça », pense aussi Jean-François Husson, rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, « Aujourd’hui, ce n’est pas le temps de la course à celui qui essaie de changer de camp ou de débaucher. Ça ne donne pas forcément une bonne image à la classe politique », regrette le sénateur LR.

Au centre droit, le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, exprime aussi de sérieux doutes. « On peut toujours faire toute sorte de conjectures. Pour l’instant, on n’a pas encore abordé le premier tour », tempère le sénateur UDI, dont le groupe compte quelques soutiens du chef de l’Etat. « La question est de savoir si un Président élu organise une majorité sur une base d’un projet qui rassemble peut-être au-delà de ce qu’est son camp naturel », ajoute Hervé Marseille, « on verra bien comment ça se déroule. C’est un problème qui se règle lors des élections législatives ».

« Pour un vrai socialiste, c’est de la politique fiction »

A gauche, le président du groupe PS dénonce depuis le début les « débauchages » des macronistes. Alors l’idée d’un rassemblement encore plus large ou d’union nationale, il la rejette d’autant plus. « Pour un vrai socialiste, c’est de la politique fiction. Tout d’abord parce qu’on n’est pas en guerre. Et l’union nationale est quelque chose qui s’élabore par des éléments exogènes exceptionnels. On n’est pas dans la tradition d’alliance comme en Allemagne », soutient celui qui est aussi directeur de campagne adjoint d’Anne Hidalgo. Au passage, il raille les socialistes ralliés : « Si Madame Touraine devait être ministre pour défendre la retraite à 65 ans, je lui souhaite bien du plaisir, ou si François Rebsamen veut redevenir ministre pour défendre la conditionnalité du RSA à des heures de travail forcé… Ce sont des mesures de droite ». Patrick Kanner ajoute :

Soutenir aujourd’hui Macron, c’est fondamentalement être de droite. Il n’y a pas d’union nationale avec un tel programme.

Au sein même de la majorité présidentielle, l’idée n’a pas la cote. « L’union nationale est toujours souhaitable mais je n’y crois pas. Mais je ne crois pas non plus qu’on sera dans des débauchages individuels, en cas de réélection d’Emmanuel Macron », pense le président du groupe Agir de l’Assemblée nationale, Olivier Becht. Le député du Haut-Rhin précise sa vision des choses, dans l’hypothèse où le chef de l’Etat conserverait l’Elysée. « Après la présidentielle, je vois un mouvement en trois blocs chez LR. Un bloc qui ira recomposer la nouvelle droite autour de Zemmour, Ciotti et peut-être ce qu’il restera du RN. Ils iront recomposer la droite dure et l’extrême-droite. Un bloc qui fera le mouvement inverse et viendra dans la majorité, de manière un peu similaire à 2017. Et un bloc qui reste LR pour la vie. C’est comme les anciens partis – car aucun grand parti n’a disparu comme le montrent le Parti radical, le PCF et maintenant le PS – à la manière d’une étoile morte qui a épuisé son carburant », soutient le président du groupe Agir.

« Tout va commencer au soir du premier tour »

Si ce ne sera pas le bing bang, reste que des élus peuvent encore bouger. « Tout va commencer au soir du premier tour » prédit un parlementaire, « il y aura les premières fractures entre ceux qui vont appeler à voter Macron, s’il est face à Le Pen, et ceux qui ne le feront pas ». Des évolutions sont aussi à attendre après le scrutin de juin. Chez les LR, un parlementaire reconnaît que « bien évidemment, il y aura des ralliements en cas de défaite. Mais l’hémorragie ne sera pas importante. D’autant plus qu’il y a des législatives, deux mois après », qui amèneront les élus de droite à ne pas bouger. « Mais ce sera encore des coups à encaisser pour LR », admet le même.

« Certains, qui ne sont pas venus lors du premier quinquennat, le feront s’il y a un second, car la poutre aura suffisamment travaillé », pense un membre de la majorité. « Il peut y avoir d’autres socialistes ou des gens de droite qui le rejoignent. Macron va continuer à grignoter des parts de marché de chaque côté », pense aussi un sénateur d’opposition. Mais pas de quoi de faire l’union nationale.

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