En 2015, un rapport du Sénat pointait déjà la baisse du stock de masques détenu par l’État. Pour son auteur, l’ancien sénateur LR du Val d'Oise Francis Delattre, la pénurie actuelle est due à une stratégie du « court terme ». Il nous explique pourquoi.
Un rapport du Sénat dénonçait dès 2015 la diminution des stocks de masques
En 2015, un rapport du Sénat pointait déjà la baisse du stock de masques détenu par l’État. Pour son auteur, l’ancien sénateur LR du Val d'Oise Francis Delattre, la pénurie actuelle est due à une stratégie du « court terme ». Il nous explique pourquoi.
Par Sandra Cerqueira
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Francis Delattre, ancien sénateur LR du Val d'Oise
Sandra Cerqueira : Francis Delattre, en 2015, un rapport dont vous êtes l’auteur lance l’alerte sur le stock de masques de protection. Vous dites déjà à l’époque que la « situation est catastrophique » ?
Francis Delattre : Oui, en dix ans la France est passée d’un stock d’État de 723 millions de masques filtrants (de type FFP2) à la pénurie complète ! Parce que les stocks de l’État ont été considérablement revus à la baisse en raison d’un changement de stratégie, de doctrine. C’est ce que nous expliquons dans le rapport du Sénat de 2015. En 2007, est créé l’EPRUS (l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) pour faire face aux catastrophes sanitaires de grande ampleur. Son objectif est de constituer un stock suffisant pour faire face aux prochaines épidémies. Ce qui arrivera dès 2009 avec la grippe A H1N1. Puis l’EPRUS est dissout en 2016 dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé. Ses missions sont intégrées au sein d’un nouvel établissement public : Santé publique France regroupant également l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national de prévention pour la santé (INPS).
S.C : Pour vous ce fut le point de bascule ?
F.D : Oui, on renonce alors à un outil efficace face à l’urgence sanitaire qui permet d’agir à tout moment, d’être opérationnel et d’anticiper. L’Eprus était une administration de mission, une force de frappe disponible 24 heures sur 24. C’était une petite unité, le bras armé de l’urgence, avec un réseau de volontaires disponibles rapidement, capable de mobiliser en 48 heures 1 500 professionnels : brancardiers, chirurgiens, médecins, infirmiers. L’équipe comptait aussi des militaires dans ses rangs… Une structure souple, solide qui fonctionnait en système commando, très efficace en termes de logistique, pour assurer la distribution. A la place, l’État a décidé de transférer la gestion du stock de masques de protection FFP2 aux établissements de santé (CHU notamment). Or on connaît le manque de moyens des hôpitaux depuis des années. Résultat aujourd’hui : 78 % des soignants n’ont pas de masques FFP2 et sont exposés au risque de contamination. Il a aussi été décidé à l’époque de ne pas renouveler certains stocks arrivant à péremption dans la mesure où la production de masques était gigantesque et qu’on pourrait s’alimenter en temps venu, notamment en Chine, en qui nous avons eu une confiance aveugle au détriment de nos entreprises françaises. C’était une erreur ! Ces décisions ont été dictées par une vision comptable, pour réaliser des économies de coût d'achat, de stockage. On a tout simplement baissé la garde pour des raisons budgétaires. C’est la stratégie du court terme qui a prévalu. Et voilà où nous en sommes aujourd’hui à cause d’un dysfonctionnement majeur de l’État.
SC : Vous vous étonnez encore aujourd’hui que ce genre de décisions n’ait pas relevé du législatif ?
FD : Quand j’ai procédé aux auditions en 2015 des grands fonctionnaires de la direction générale de la Santé (DGS) et de la direction générale des Finances publiques (DGFP), on m’a fait comprendre que le travail du Sénat était apprécié mais que ces décisions relevaient du réglementaire…Une façon de dire que le débat était clos. Or, encore aujourd’hui, je me dis que ce sont des décisions politiques importantes qui ne peuvent pas être prises dans l’ombre des bureaux et qui ont conduit à un vrai désengagement de nos pouvoirs publics sur un sujet aussi crucial que la protection de la population en cas d’épidémie grave.
SC : Peut-on parler d’un scandale d’État ?
FD : C’est le syndicat des infirmiers qui a été le premier à utiliser cette expression et c’est le cas. Il y aura un avant et un après Covid-19. Le ministre de la Santé Olivier Veran a eu beau reconnaître que la France a changé sa doctrine sur les masques il y a dix ans, il faudra une commission d’enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. Il nous faudra comprendre pourquoi la défense sanitaire de notre pays n’a pu être assurée, pourquoi nous étions si mal préparés alors qu’en 2011, le Haut conseil sur la santé publique considérait qu’en cas de crise importante telle que le Sras, la protection des masques de soins était d’une « efficacité préventive élevée ». Certains auront des comptes à rendre. Tout ça va laisser des traces.
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