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Un rapport du Sénat préconise de faire de la santé au travail « un service universel pour l’ensemble des travailleurs »
Par Public Sénat
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Mieux organiser le système de santé au travail pour améliorer, in fine, les conditions de travail. La sénatrice LR de l’Aisne, Pascale Gruny, et le sénateur RDSE de Saint-Pierre-et-Miquelon, Stéphane Artano, se sont penchés sur ce sujet qui touche des millions de Français.
L’enjeu pour la société et l’économie est de taille. Le coût des accidents du travail, des accidents de trajet et des maladies professionnelles est de 12 milliards d’euros en 2018. En 2017, cela représente un total de 58.095.626 journées perdues, en augmentation, par rapport à 2013, de 11,2 % pour les accidents du travail, de 5,7 % pour les accidents de trajet et de 13,5 % pour les maladies professionnelles. Des « arrêts de travail qui augmentent au niveau national, quelles que soient les tranches d’âge » souligne Pascale Gruny, lors d’une conférence de presse ce jeudi.
« Contexte de prise de conscience de la complémentarité entre santé et performance »
Le rapport d’information des sénateurs, que Public Sénat a pu consulter, s’appuie sur 51 auditions. Il multiplie les propositions, en bonne partie techniques (voir le rapport complet sur le site du Sénat). Le travail des sénateurs complète un rapport réalisé en 2018 à l’Assemblée. Dans « un contexte de prise de conscience de la complémentarité entre santé et performance », Pascale Gruny et Stéphane Artano font le constat d’un système « jugé peu lisible et fragmenté entre de nombreux acteurs à l’articulation insuffisante ».
« On a voulu clarifier la gouvernance au niveau national, (…) que la santé au travail soit un système universel pour l’ensemble des travailleurs, salariés ou non-salariés, que les gens qui contrôlent aient des moyens renforcés. Et que la santé au travail soit inscrite dans le parcours de soins » résume Stéphane Artano. « Il y a beaucoup trop de strates au niveau national et régional », pointe aussi le sénateur, « mais nous ne sommes pas pour un bing bang. (…) Nous voulons un service de proximité, avec un maintien sur nos territoires des services de santé au travail » (voir la vidéo).
En termes d’organisation, les sénateurs déplorent que « le système de santé au travail reste piloté par le ministère du Travail, avec pour principale conséquence un périmètre de la santé au travail historiquement centré sur la lutte contre des risques professionnels traditionnels associés aux secteurs de l’industrie et du bâtiment et des travaux publics ». Ils ajoutent :
« Le ministère de la Santé n’est aujourd’hui pas en capacité de peser sur les orientations de notre politique de santé au travail »
Un système qui ne couvre pas tous les travailleurs. « Le système français de santé au travail est, de façon inhérente, profondément inégalitaire » écrivent les sénateurs dans leur rapport, car « certaines catégories de travailleurs restent exclues de la médecine du travail ». Il s’agit de « la plupart des travailleurs non-salariés (TNS), notamment les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, ainsi que les professions libérales, soit environ 2,8 millions de personnes ». « Pour nous, il est aberrant qu’ils ne soient pas intégrés au système » lance Stéphane Artano.
Les sénateurs proposent donc d’« intégrer les chefs d’entreprise dans l’effectif suivi par le service de santé au travail d’une entreprise, sans majoration de la cotisation versée », ainsi que le « rattachement obligatoire des travailleurs non-salariés (…) au service de santé au travail de leur choix, moyennant une cotisation individuelle ». Ils souhaitent aussi que « les salariés de sous-traitants » soient suivis. Les sénateurs ne se penchent pas sur les indépendants des plateformes de mise en relation, comme Uber, un autre rapport sénatorial étant à venir sur ce sujet spécifique.
Au final, « la santé au travail sera consacrée comme un service universel pour l’ensemble des travailleurs, et concernera obligatoirement les chefs d’entreprise et les travailleurs indépendants » écrivent les sénateurs, la gouvernance du système étant « confiée à une agence nationale de la santé au travail ».
Face au manque de médecins du travail, les sénateurs veulent renforcer l’attractivité du métier. Ils proposent d’autoriser les étudiants du deuxième cycle de médecine « à effectuer une partie de leur stage obligatoire de médecine générale en alternance (avec) un service de santé au travail », et d’autoriser les médecins du travail à exercer « une spécialité complémentaire (…) étroitement liée à la prévention (allergologie, addictologie, nutrition, médecine du sport…) ».
« Organisation du travail adaptée aux besoins et contraintes des salariés »
Pascale Gruny et Stéphane Artano abordent aussi un sujet très contemporain : les risques psychosociaux et l’amélioration de la qualité de vie au travail. « Quelqu’un qui est bien dans son travail, forcément travaille mieux et ça se ressent dans les résultats financiers de l’entreprise. (…) C’est un vrai sujet dont il faut s’emparer avec force » souligne Pascale Gruny sur Public Sénat. Regardez :
Dans leur rapport, les sénateurs décrivent une situation où le sujet n’est pas encore suffisamment pris en compte. « Le monde contemporain du travail présente aujourd’hui un paradoxe. La préservation de l’état de santé des travailleurs impliqués dans des formes pénibles de travail, en particulier dans le secteur industriel, a tendance globalement à s’améliorer. En revanche, l’intensification du travail et les pressions qui lui sont associées, en termes de performance, d’engagement et de responsabilisation des travailleurs, se manifeste par une certaine réticence de la part des employeurs à consentir à plus de souplesse dans l’organisation du travail : le présentéisme est bien souvent encore privilégié par rapport au télétravail, et la délégation de responsabilités s’accentue sans pour autant que les collaborateurs concernés se voient accorder les moyens et marges de manœuvre correspondants » peut-on lire.
Pour « faire du travail un facteur d’épanouissement individuel et collectif », les sénateurs sont allés s’inspirer des pratiques du Danemark. Elles semblent très loin de ce que vivent beaucoup de salariés en France. Dans ce pays de Scandinavie qui connaît le plein emploi, c’est à l’entreprise de faire des efforts pour s’adapter aux besoins du travailleur, et non l’inverse.
« Le déplacement effectué par vos rapporteurs au Danemark leur a permis de prendre la mesure du retard accumulé par notre pays dans l’adaptation des modes d’organisation du travail aux besoins des travailleurs. La prévention de l’usure professionnelle, ou burn out, et le développement d’une culture d’entreprise misant sur un management bienveillant et à l’écoute se sont imposés au Danemark où le bien-être au travail est devenu un enjeu réputationnel pour les entreprises ».
Les entreprises danoises attachent ainsi « une grande importance à la mise en œuvre de modes d’organisation du travail adaptés aux besoins et contraintes des salariés ». Les Danois n’en sont pas moins confrontés, malgré tout, aux problèmes psychosociaux, comme en France. Mais « là où ils sont meilleurs que nous, c’est que chacun s’occupe de son voisin. Ce n’est pas que le problème de l’encadrement, mais aussi un sujet abordé entre collègues » explique Pascale Gruny.
Dans l’immédiat, les rapporteurs préconisent simplement « une meilleure sensibilisation, par la voie de la formation, des encadrants, de l’ensemble des salariés mais aussi des personnels de l’inspection du travail à la prévention des risques psychosociaux et à l’importance de l’organisation du travail sur l’état de santé des salariés ». « Les risques psychosociaux sont grandissants » ajoute Stéphane Artano. D’où l’importance de « mettre en place un plan national pour former les salariés et les encadrants, car le management peut poser question ».