« Cette image est incontestablement au top 3 des saloperies politiques que j’ai croisées dans ma vie. » La sénatrice PS Laurence Rossignol, ancienne ministre de François Hollande, ne mâche pas ses mots sur le réseau social X pour exprimer son indignation après la diffusion par La France insoumise d’un visuel mettant au même plan le Parti socialiste et le Rassemblement national. Les visages souriants de Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN, et d’Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, y apparaissent dos à dos, devant celui d’Emmanuel Macron. Et ce slogan : « 2 censures non votées par le PS et le RN – Les nouvelles alliances ».
Ce montage, dont les dominantes bleu blanc rouge ainsi que l’articulation des différents éléments ne sont pas sans rappeler la flamme tricolore qui sert de logo au Rassemblement national, a été rapidement supprimé. Auprès de BFMTV, une source interne de LFI assure qu’il a été « non validé et a été posté par erreur ».
Pas de mea culpa
« Viendra sans doute le moment des excuses », a sobrement commenté Olivier Faure. Pour autant, de nombreux responsables insoumis on fait le choix d’assumer cet amalgame, reprochant au parti à la rose de ne pas avoir voté la motion de censure débattue mercredi contre le gouvernement de François Bayrou. « Il va attendre longtemps [les excuses] ! », a commenté la députée LFI Danièle Obono. « Quand on vient de sauver Bayrou Macron et Retailleau et d’arranger les affaires du RN on ne se risque pas à demander des excuses pour un visuel », a renchéri sa collègue Sarah Legrain.
« Je ferai des excuses à Olivier Faure lorsqu’il aura fait des excuses pour avoir fait passer un budget aussi violent que celui-ci », a déclaré sur BFMTV Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale.
Depuis des semaines rien ne va plus entre LFI et le PS, depuis que celui-ci est entré en négociation avec le gouvernement de François Bayrou autour d’un pacte de non-censure. Au Sénat, où la majorité des 65 élus du groupe PS a toujours montré un positionnement très critique vis-à-vis du rapprochement entre la gauche radicale et les socio-démocrate au sein du Nouveau Front populaire (NFP), ce nouvel épisode marque une étape supplémentaire vers une rupture définitive entre les deux alliés.
« Je n’ai jamais considéré que Monsieur Mélenchon et ses proxis pouvaient amener la gauche au pouvoir »
« Tout cela ne me surprend même plus, nous sommes dans une forme d’outrance incontrôlée. LFI est devenue la formation politique de l’injonction et de la communication », réagit auprès de Public Sénat Patrick Kanner, le chef de file des sénateurs socialistes. « Je rappelle que la députée Sophia Chikirou avait déjà comparé le hollandisme aux punaises de lit. Finalement, ce visuel n’est que la traduction physique du communiqué très brutal qui a été publié par LFI hier ».
Ce document considère que le PS et le RN « se sont rendus complices » de l’adoption du budget « le plus anti-social et anti-écologique depuis 25 ans ». « Le PS rompt unilatéralement et sans aucune discussion collective préalable le cadre du Nouveau Front populaire, crée pour proposer une alternative au macronisme et non pour sauver ses gouvernements illégitimes. Le mouvement insoumis refuse d’être confondu si peu que ce soit avec une telle forfaiture », y lit-on.
« Je ne suis pas en colère, je suis soulagé », commente Patrick Kanner. « Je n’ai jamais considéré que Monsieur Mélenchon et ses proxis pouvaient amener la gauche au pouvoir ».
« Il y a un phénomène sectaire chez LFI »
En meeting à Angers mardi soir, Jean-Luc Mélenchon a encore qualifié les socialistes de « trafiquants » et de « menteurs ». « Les résistants d’aujourd’hui, ils sont dans cette salle. […] Je sais très bien quelle comparaison je fais et si ça ne leur plait pas, je m’en fiche », a-t-il ajouté. « C’est la même rhétorique que ‘la République c’est moi’. Il y a un phénomène sectaire chez LFI. Nous savons que les sectes meurent par la mort de leur gourou. Et la mort politique de Mélenchon, à l’occasion de sa prochaine défaite électorale, clarifiera le paysage politique à gauche », prédit Patrick Kanner.
Notons que quelques élus excommuniés de LFI ont dénoncé ce visuel, ceux que l’on surnomme les « insurgés » au PS, contraction des termes « insoumis » et « purgés ». « Jamais depuis 1945, même lors des pires renoncements du PS, pendant la guerre d’Algérie et Guy Mollet, et beaucoup d’autres sombres moments, jamais une orga de gauche n’a fabriqué un visuel mettant sur le même plan un fasciste et le chef du PS. Cette ligne de ‘3e période’ doit cesser », a appelé le député Alexis Corbière, ancien porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. « Mettre sur le même plan graphique, symbolique, et donc politique, le PS et l’extrême droite, c’est une faute morale », a pour sa part estimé sa collègue Clémentine Autain.
Du côté des autres partenaires du NFP, certains ont également fait montre de leur solidarité avec le PS. « Réserver ses coups les plus durs à ses partenaires politiques, même si ce soir on est fâché, c’est un peu dommage », a taclé Marine Tondelier, la patronne des écologistes, sur BFMTV.