Un signe de « dysfonctionnement ». C’est ainsi que Gérard Collomb a qualifié hier la situation d’Adam Djaziri, mort dans la tentative d’attentat des Champs-Elysées du 19 juin. L’homme était fiché S et dans le même temps, détenteur de plusieurs armes à feu, en toute légalité. Un cas de figure qui n’est malheureusement pas isolé.
Comme il l’avait annoncé les jours suivants, le ministre de l’Intérieur a écrit à l’ensemble des préfectures afin que des cas similaires soient identifiés au sein du FSPRT, le fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste, et qui comprend environ 15.000 noms.
« Nous en avons repéré une centaine et donc les préfets sont en train d’agir pour faire en sorte que l’on revienne à un état normal », a déclaré le ministre, auditionné par les sénateurs ce mercredi :
« Une centaine » d’individus radicalisés autorisés à détenir des armes, selon l’Intérieur
En cause, des problèmes d’accès aux fichiers, qui ne sont pas ouverts à n’importe quel fonctionnaire de police, mais aussi l’absence, il y a encore peu, de croisement entre les différentes listes.
De nombreux fichiers qui ne sont pas interconnectés
Si l’enquête administrative, en lien avec la police et la gendarmerie, est systématique en cas d’une demande de détention d’armes, ce n’est en revanche pas le cas du croisement de la demande avec le fichier des personnes signalées S ou le FSPRT.
« En France, on a beaucoup de fichiers, qui fonctionnent avec des logiciels différents, et qui ne sont pas interconnectés », explique Christophe Rouget, du syndicat des cadres de la sécurité intérieure.
« Il arrive qu’une seule personne soit accréditée au fichier dans un service, et cette personne peut être absence. Le logiciel est difficile, il faut s’y habituer. Quand vous multipliez le nombre de fichiers, cela rend les recherches très complexes, alors qu’elles ne devraient pas l’être. »
Christophe Rouget (syndicat des cadres de la sécurité intérieure)
Désormais, les demandes de détention d’armes sont « automatiquement ciblées par les services de renseignement », une démarche que certaines préfectures avaient déjà anticipé, selon Christophe Rouget.
Un point dont devrait se saisir le gouvernement à travers le futur projet de loi antiterroriste, appelé à prendre le relais de l’état d’urgence cet automne, est d’avis un autre représentant syndical :
« Dans le cadre du projet de loi antiterroriste il faut bien évidemment que toutes les questions sur les dysfonctionnements qui se sont posés antérieurement, que toutes ces questions soient abordées pour voir comment on peut avoir une plus grande transversalité, une plus grande souplesse dans la consultation de ces fichiers », espère Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative Police CFDT.
Détention d'armes : Denis Jacob espère "Que toutes les questions sur les dysfonctionnements soient abordées" dans la future loi (Alternative Police CFDT)
Images : Cécile Sixou
« C’est alarmant »
L’information dévoilée par Gérard Collomb choque maître Samia Maktouf, qui représente plusieurs victimes d’actes terroristes. « C’est très grave, c’est alarmant », réagit l’avocate, pour qui l’attentat manqué des Champs-Élysées représente « un constat de dysfonctionnement, d’échec dans la politique de lutte contre le terrorisme ».
La prise de conscience, arrive bien tard, selon l’avocate, qui estime que les contrôles auraient dû être renforcés dès le lendemain de la tuerie de Nanterre, en 2002 :
« Ce qui est grave, c’est que c’est une situation qui dure depuis très longtemps. Il est plus que jamais nécessaire, pour ne pas dire qu’il est un peu trop tard malheureusement, de se pencher sur ces autorisations de port et de transport d’armes dans le cadre de tir sportif. »
Me Samia Maktouf
Fichés S et détention d'armes : "C’est très grave, c’est alarmant ", réagit Samia Maktouf
Images : Flora Sauvage
Après l’identification de cette « centaine » de personnes radicalisées susceptibles de posséder des armes à feu, les services de renseignement vont mener des enquêtes complémentaires et pourront procéder à des convections, selon Christophe Rouget. Ils rendront leurs décisions au cas par cas.