Déjà critiquée pour son bilan à la tête du ministère de la Culture, Françoise Nyssen se retrouve dans la tourmente après l'ouverture jeudi d'une enquête sur des travaux présumés illégaux menés lorsqu'elle dirigeait les éditions Actes Sud.
Deux mois après avoir été épinglée par le Canard enchaîné pour l'agrandissement non autorisé du siège d'Actes Sud à Arles avant son entrée au gouvernement en 2017, la ministre est mise en cause dans une affaire similaire qui fragilise encore plus sa position au sein du gouvernement d'Emmanuel Macron.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour déterminer si les travaux d'agrandissement des bureaux parisiens d'Actes Sud en 1997 et à partir de 2012 respectaient le code de l'urbanisme.
Mercredi, Le Canard enchaîné avait révélé que celle qui était la patronne d'Actes Sud avait à l'époque augmenté de 150 m2 la surface des locaux de la maison d'édition à Paris "sans autorisation de travaux ni déclaration au fisc".
- Plainte d'une association -
En pleine rentrée gouvernementale, les détracteurs du président de la République se sont saisis de l'affaire, des représentants de La France Insoumise ou Les Républicains ironisant sur "l'exemplarité" prônée par l'exécutif.
"#Benalla, #Kohler, et maintenant #Nyssen. Les amis du président sont-ils au-dessus de la loi?? La loi est elle encore la même pour tous en #Macronie?", a twitté Bastien Lachaud, député LFI.
"#Benalla #Kohler Nyssen, Pénicaud, Goulard, Bayrou,... Le nouveau monde des donneurs de leçons et des passe droits d' @emmanuelmacron n'est finalement que l'ancien, en pire. Très loin de la fameuse République irréprochable de sa campagne!", s'est indignée de son côté Lydia Guirous, porte-parole du parti Les Républicains.
Interrogé mercredi, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a rappelé que lorsqu'un ministre était mis en examen, il devait quitter le gouvernement.
Après les révélations du Canard enchaîné, Actes Sud a annoncé qu'elle allait entreprendre "les démarches qui s'avèreraient nécessaires" pour régulariser la situation de ses bureaux.
Jeudi, la maison d'édition a précisé dans un communiqué qu'elle "apportera tous les éléments d’explication nécessaires au bon déroulement de l’enquête".
"Je ne doute pas qu’Actes Sud aura à cœur de faire toute la lumière dans le cadre de cette enquête", a réagi de son côté la ministre dans une déclaration à l'AFP.
"Pour ma part, je me tiendrai évidemment à la disposition du parquet si je peux être d’un quelconque concours pour le bon déroulement de l’enquête", a-t-elle ajouté.
Mme Nyssen avait auparavant affirmé à l'AFP, après 24h de silence, qu'"aucune entreprise n'est au-dessus des lois" et que "la mise en conformité par Actes Sud est une évidence", se disant très attachée "à la préservation du patrimoine".
Peu avant l'ouverture de l'enquête, une association de défense du patrimoine, Sites & Monuments, a annoncé qu'elle allait déposer plainte contre la ministre.
L'association accuse Mme Nyssen de s'être "affranchie des règles du droit du patrimoine et de l’urbanisme" et "a décidé de déposer une plainte" en début de semaine prochaine, selon un communiqué.
En juin, la ministre avait regretté une "négligence" lorsque l'affaire d'Arles a éclaté.
Françoise Nyssen a dirigé à partir du début des années 80 les éditions Actes Sud, fondées à Arles en 1978 par son père Hubert Nyssen (1925-2011), et en a fait l'un des fleurons de l'édition française.
En arrivant au gouvernement, la ministre avait laissé à son mari, Jean-Paul Capitani, les rênes d'Actes Sud.
Nommée ministre en mai 2017, Mme Nyssen fait souvent l'objet de critiques.
- "Elément de fragilité" -
Son plan pour lutter contre les déserts culturels s'était attiré en avril les foudres des Centres dramatiques nationaux. Le quotidien Libération avait alors consacré sa Une à la ministre et aux "maladresses sur les dossiers dont elle a la charge".
Depuis, la ministre a multiplié les annonces, dont la présentation début juin de premières pistes pour réformer l'audiovisuel public.
Selon le politologue Bruno Cautrès, la polémique "ajoute très certainement un élément de fragilité" à l'image de Mme Nyssen.
Surtout, selon ce chercheur au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), compte tenu "de l'espérance du renouvellement de la vie politique qu'Emmanuel Macron a porté durant sa campagne électorale, le moindre détail concernant une personnalité proche de lui, fut-elle de parfaite bonne foi, prend un écho très fort".
D'après lui, un éventuel remaniement pourrait viser "certaines personnalités qui ont été affaiblies ou qui se sont trompées sur un dossier".