Face aux "fake news" et la crise de confiance qui mine les démocraties, Reporters sans frontières a chargé une commission indépendante composée de prix Nobel, journalistes et juristes de rédiger une "déclaration internationale sur l'information et la démocratie", 70 ans après la déclaration universelle des droits de l'Homme.
Cette déclaration aura pour objet "d'énoncer des principes, de définir des objectifs et de proposer des modalités de gouvernance". Elle pourra aussi servir de référence à "tous ceux qui sont attachés à préserver un espace public libre et pluraliste, condition de la démocratie", explique RSF dans un communiqué.
Pour la rédiger, RSF a constitué une commission indépendante, présidée par l'iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix, et son secrétaire général Christophe Deloire.
Elle comprend 24 personnalités éminentes de 17 pays : l'essayiste Francis Fukuyama et l'ex-président du Sénégal Abdou Diouf y côtoieront Marina Walker, directrice adjointe du Consortium international des journalistes d'investigation, ou encore Can Dündar, ex -rédacteur en chef du quotidien turc Cumhuriyet, et plusieurs autres prix Nobel (Amartya Sen, Joseph Stiglitz, Mario Vargas Llosa).
"L'objectif ultime de l'initiative est d'obtenir un engagement international d'Etats, d'entreprises privées et de représentants de la société civile. RSF entend qu'un processus politique soit lancé à l'initiative de plusieurs dirigeants de pays démocratiques, sur la base de la déclaration qui sera rédigée, pour aboutir à un +Pacte international pour l'information et la démocratie+", affirme l'association.
Alors que la déclaration universelle des droits de l'Homme avait été en gestation pendant deux ans, avant d'être adoptée à Paris par l'assemblée générale des Nations Unies, en 1948, le calendrier de cette initiative est nettement plus serré : la commission, qui se réunira pour la première fois cette semaine, a deux mois pour aboutir à un texte et des consultations ont déjà été lancées afin de nourrir ses travaux.
RSF souhaite en effet que des dirigeants du monde entier puissent s'engager "dès la mi-novembre" sur l'élaboration d'un tel "pacte mondial", a indiqué à l'AFP M. Deloire.
Des membres de la commission seront reçus ce mardi à l'Elysée pour présenter ce projet au président français Emmanuel Macron.
"Nous lançons un mouvement de reconquête pour la liberté d'opinion", résume M. Deloire, face à "une crise systémique" qui affecte le débat public, entre multiplication des attaques à l'encontre des médias et crise de confiance dans les démocraties, et développement d'une "jungle informationnelle avec des problèmes de désinformation".
Il s'agit également de réfléchir à la "structure du débat public" sur les plateformes numériques, dit-il. "Elles ont posé leurs tables et leurs chaises sur la place du village mondial, et c'est elles qui décident désormais qui peut s'asseoir et où", sans les garanties et les systèmes de régulation qui accompagnaient les médias traditionnels.
Autre mission, contrer les discours violemment anti-médias qui se multiplient notamment aux Etats-Unis ou en Europe centrale.
"Les journalistes américains se sentent attaqués par leur propre gouvernement à un niveau jamais vu, en tout cas de mon vivant", a dit à l'AFP la journaliste américaine Ann Marie Lipinski, ex-rédactrice en chef du Chicago Tribune, dirigeante de la Nieman foundation for journalism à l'université de Harvard, et membre de la commission mise en place par RSF.