Pas contents. Les sénateurs ont réagi toute la journée du mardi à la petite phrase d’Emmanuel Macron sur le Sénat, dans sa lettre aux Français. Le chef de l’État a évoqué une transformation possible de la Haute assemblée.
« Si cette phrase n’était qu’une phrase portant sur la représentation des territoires et des organisations professionnelles, elle ne poserait pas en elle-même problème » estime le constitutionnaliste Bertrand Mathieu. « Mais c’est vrai que dans le contexte, avoir souligné que parmi les réformes, il y avait le Sénat, est quand même assez significatif. »
Pour Didier Maus, le chef de l’État fait « une double erreur dans [s]a formulation » : « La première, c’est de ne pas avoir posé la question du Parlement en tant que tel. Comment est-ce que le Parlement doit travailler pour être efficace au XXIe siècle ? Et donc cela inclut l’Assemblée nationale. Et la deuxième erreur, c’est d’avoir mis dans la même phrase le Sénat, qui est une assemblée parlementaire, et le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui n’est pas une assemblée parlementaire (…) Il y a d’un côté les sénateurs qui ont une légitimité démocratique, de l’autre des membres du CESE, qui ont une légitimité globalement associative, professionnelle ou de nomination. »
Mais est-ce faisable juridiquement de toucher au Sénat, sans son accord ? C’est la question qui est posée aux deux constitutionnalistes.
Bertrand Mathieu considère qu’« on peut imaginer de le faire comme l’avait fait le général de Gaulle, en utilisant directement le référendum de l’article 11 ». Mais, pour lui, ce n’est pas là, le vrai problème : « Il y a finalement un porte-à-faux dans ce débat » explique-t-il. « Le problème n’est probablement pas essentiellement institutionnel dans la crise que l’on connaît. Je crois que le pouvoir politique a très largement perdu la réalité du pouvoir et que c’est probablement l’une des crises. »
De son côté, Didier Maus ne croit pas qu’il soit aujourd’hui possible de toucher au Sénat, sans que celui-ci en soit partie prenante : « Officiellement, ce n’est pas possible. L’article 89 de la Constitution est très précis là-dessus. Une révision constitutionnelle, c’est le vote par une assemblée, puis l’autre assemblée, en termes concordants. Puis soit le Congrès, soit le référendum. Alors c’est vrai qu’on a utilisé deux fois l’article 11 directement (…) Les avis juridiques, qui ont été rendus publics depuis, montrent (…) que l’article 11 ne doit pas être utilisé pour la révision de la Constitution (…) Mais le vrai problème est politique. Est-ce que ça vaut le coup pour un président de la République aujourd’hui, qui est dans une situation un petit peu compliquée - c’est un euphémisme - de se mettre à dos le Sénat ? Derrière le Sénat, il y a 550 000 élus locaux. »
Vous pouvez voir et revoir ce match des idées, en intégralité :
Match des idées avec les constitutionnalistes Didier Maus et Bertrand Mathieu