Marseille: Protests after Nahel’s murder

« Une véritable guerre dans les rues de France » : les émeutes vues par la presse européenne

La mort de Nahel a entraîné un déferlement de violences dans tout le pays. La presse européenne s’est largement saisie du sujet. Entre une « humiliation » pour Emmanuel Macron, la « tentative d’assassinat » d’un maire ou le « potentiel de violence libérée » de la foule, la France s’engouffre dans le « chaos » selon plusieurs médias européens.
François-Xavier Roux

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Il est encore trop tôt pour réaliser un bilan politique et social des évènements de ces derniers jours. Mais la presse étrangère assure une forte couverture sur les tensions qui secouent le pays. L’image de la France s’est fortement dégradée, à en lire les articles de presse des pays voisins. Le journal espagnol La Vanguardia parle ainsi du « chaos qui s’empare de la France ». Tous les acteurs – Emmanuel Macron, émeutiers, forces de l’ordre, maires – sont l’objet de portraits ou d’analyses, pour comprendre la réalité de la violence qui s’est exprimée. Et cela au détriment du pays. « Les scènes de violences et de pillages ternissent l’image de la France » écrit La Tribune de Genève. Sur ce point, tous les médias sont unanimes.

« Un potentiel de violence a été libéré » pour Bild

Pour situer les violences, La Vanguardia – de tendance centre-droit – réalise un parallèle entre la cité Picasso de Nanterre, où vivait Nahel, et l’artiste : « Pablo Picasso, avec son imagination fertile et sa sensibilité politique, aurait peut-être été inspiré pour ses peintures par les squelettes calcinés des voitures ». Tous les journaux insistent sur le côté matériel de la situation. Le journal allemand Die Welt parle des « troubles violents de ces derniers jours avec des centaines de voitures et de bâtiments en feu ainsi que dans certains cas plus de 1000 arrestations pendant la nuit ». Ce sont des affrontements particulièrement durs qui sont dépeints par les médias étrangers. Die Tageszeitung (journal allemand plutôt situé à gauche) rapporte par exemple « les coups de feu tirés sur des policiers ». Le quotidien allemand Bild décrit même « une véritable guerre dans les rues de France depuis quelques jours ». Un journaliste du média déclare s’être presque pris un pavé dans la tête.

Dans une « France au bord de l’anarchie totale » – selon le Daily Telegraph ­– les journalistes européens se sont penchés sur le profil des émeutiers. Bild s’est rendu dans le quartier de la Canebière (Marseille) pour interviewer de jeunes Marseillais qui ont pris part aux heurts. Dans plusieurs papiers, les journalistes du quotidien expliquent que « la plupart des jeunes hommes qui se battent avec la police cette nuit-là ont leurs racines dans les Etats du Maghreb ». Le média suisse Blick a quant à lui retrouvé les émeutiers au tribunal. Il titre un de ces articles : « Au tribunal, j’ai vu le visage des émeutiers français ».  Le journaliste explique qu’il a vu « le visage des incendiaires et des pillards de magasins qui font trembler la France depuis cinq jours ». Et de cette observation il en conclut que ce ne sont pas des criminels mais plutôt des désœuvrés en mal d’action, enragés par le passage en boucle sur les réseaux sociaux des images montrant le jeune Nahel en train de se faire tuer lors de son interpellation ». Le rôle joué par les réseaux sociaux est aussi dénoncée par certains sénateurs.

Mais ce qui ressort beaucoup dans la presse étrangère est l’agression des élus. Die Tageszeitung titre les « 150 attaques contre des mairies ». En Suisse, Le Temps décrit « le choc de ce dimanche après une attaque à la voiture-bélier contre le domicile d’un maire ». Il en est de même pour Le Vif (hebdomadaire belge) qui présente une « France sous le choc » suite à l’attaque contre la maison du maire LR de L’Haÿ-les-Roses Vincent Jeanbrun. Le quotidien espagnol El Pais explique que « l’agression de la maison du maire marque une escalade de la violence en France ». Cependant, « le déploiement massif des forces de l’ordre et la lassitude, à la campagne et dans les banlieues, pour les pillages et les violences » conduisent à une désescalade.

Une filiation dans les conflits sociaux

Nombreux sont les parallèles avec d’anciens mouvements sociaux en France. Régulièrement sont évoquées les émeutes de 2005. Mais certains médias remontent jusqu’à mai 68. C’est notamment le cas de La Vanguardia ou du Frankfurter Allgemeine Zeitung. Ils rappellent que la révolte étudiante était aussi partie de Nanterre. Le journal allemand inscrit l’actualité de ces derniers jours dans le cadre plus large de l’histoire de France, faite de « violence », de « révoltes sanglantes » et de « guerre civile ». Mais c’est bien en 2005 que se trouvent les évènements les plus proches selon la presse des pays voisins. Die Welt souligne la « répétition » des deux, alors que pour le Guardian « les choses ont considérablement empiré ». Sans tenter de comparaison dans la graduation de la violence, le quotidien suisse Le Temps remarque seulement le « rappel » entre les émeutes de 2005 et celles des derniers jours.

Ils reviennent sur l’ensemble de la présidence d’Emmanuel Macron et constatent l’enchaînement de crises majeures sur les dernières années. Die Welt explique que « les troubles en cours ont plongé le gouvernement Macron dans une autre crise grave après les manifestations des gilets jaunes et contre sa réforme des retraites ». Die Tageszeitung insiste sur la continuité de la mobilisation contre la réforme des retraites, qui vient à peine de se clore. Le Soir parle-même d’Emmanuel Macron qui « se tient au bord du précipice », après « les gilets jaunes, après le covid, après la guerre en Ukraine, après l’inflation, après le psychodrame des retraites ».

Marine le Pen, la « gagnante » de cette séquence

Les réponses politiques apportées par le président de la République n’ont pas convaincu La Tribune de Genève qui titre : « Macron humilié, Mélenchon discrédité, et Le Pen gagnante ». Marine le Pen, et son parti du Rassemblement national, ressortent grandis de la séquence en cours. Le média italien La Stampa explique que « dans la révolte des désespérés des banlieues, la France de la fraternité part en fumée ». Dans la suite de l’article, le journaliste écrit : « Les peuples du Sud regardent avec étonnement la nation des droits de l’homme, de l’égalité et de l’État-providence. Paris s’est transformée d’une destination de rédemption, à un lieu trouble et divisé ». Le Guardian va aussi dans l’analyse politique et conclut que « le seul parti politique qui bénéficierait [des violences] à travers la France serait le mouvement d’extrême droite de Le Pen ».  Die Welt voit aussi comme cause à la montée de Marine le Pen « la frustration de voir que peu de choses ont changé depuis 2005 ».

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