C’était il y a seulement trois semaines. Les 16 et 17 décembre, Assemblée nationale et Sénat se prêtaient au jeu d’un débat avec le gouvernement sur la stratégie vaccinale. A la tribune du palais Bourbon : Jean Castex. Face aux sénateurs : le ministre de la Santé Olivier Véran, le Premier ministre ayant dû rebrousser chemin à la dernière minute, après avoir appris qu’il était cas contact du président de la République, testé positif au covid-19. Depuis, les débuts de la première phase de la campagne vaccinale, à partir du 28 décembre, dans plusieurs Ehpad, ont douché les espoirs des parlementaires. Mardi, le nombre de personnes vaccinées en France contre le coronavirus venait seulement de franchir le palier des 5000, 50 fois moins que l’Allemagne.
Le lancement d’un comité de 35 citoyens tirés au sort, puis l’annonce de la vaccination dès la fin janvier aux plus de 75 ans ne résidant pas dans un Ehpad ou aux soignants de plus de 50 ans, nécessitent une « consultation urgente du Parlement », qui se sent laissé « sur la touche ». Ce sont les mots de la présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) au Sénat, Éliane Assassi. Dans un courrier adressé le 5 janvier au Premier ministre, elle demande une « consultation urgente » des deux assemblées, alors que la vaccination en France souffre selon elle d’un « retard incompréhensible ». La consultation prendrait la forme d’un nouveau débat (au sens de l’article 50-1 de la Constitution), mais elle demande cette fois un vote. Le résultat du scrutin n’aurait cependant aucune conséquence législative. Par deux fois, les 4 mai et 29 octobre, le Sénat avait rejeté une déclaration du gouvernement portant sur des mesures sanitaires.
« Nous ne pouvons pas nous permettre la Béréniza des vaccins », estiment les parlementaires socialistes
Le lendemain, ce sont Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, et Valérie Rabault, son homologue à l’Assemblée nationale, qui ont envoyé la même demande à Matignon. Les deux socialistes assistent médusés à la « communication pour le moins chaotique » de l’exécutif, soulignant que le ministre de la Santé « assumait » la vaccination prioritaire dans les Ehpad, avant qu’il ne soit contredit par la « colère » du chef de l’Etat rapportée par le Journal du dimanche. « Après le fiasco des masques et les retards des tests, nous ne pouvons pas nous permettre la Béréniza des vaccins », écrivent-ils.
Cependant, le groupe LR, groupe majoritaire au palais du Luxembourg, ne devrait pas leur emboîter le pas et imiter leur demande. « A priori, non. On a passé la phase du débat », nous répond-on au groupe. La stratégie tranche avec les députés LR. Le 4 janvier, leur président Damien Abad appelait, dans les colonnes des Echos, à un nouveau débat sur la vaccination, avec vote, dès la reprise des travaux parlementaires. Son homologue au Sénat, Bruno Retailleau, multiplie les interventions dans les médias contre la lenteur et la lourdeur des opérations de vaccination. « Le vaccin, c’est l’espoir. Il faut mobiliser tout le monde et revoir la logistique », a-t-il ainsi appelé ce matin sur RMC.
Le gouvernement face aux sénateurs la semaine prochaine
L’idée d’un débat avec vote sur la stratégie vaccinale n’est pas non plus d’actualité au groupe Union centriste. Hervé Marseille, son président, se montre inquiet par la perspective d’une prolongation des restrictions pour de nombreux mois. « Il faudra bien qu’il y ait à un moment donné un débat sur l’état d’urgence sanitaire », explique le sénateur des Hauts-de-Seine. Libération affirme que le gouvernement envisagerait une prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 1er juin (la loi prévoit actuellement une fois au 16 février), et de prolonger le cadre juridique de ce régime d’exception jusqu’à la fin de l’année. Le groupe RDSE, composé en majorité de sénateurs du mouvement radical, ne réclame pas plus un nouveau débat.
A ce stade, seul le groupe écologiste pourrait éventuellement rejoindre les groupes socialiste et CRCE, dans leurs demandes. « Pourquoi pas », n’exclut pas leur président Guillaume Gontard. « Il y a la nécessité que le gouvernement et le Premier ministre viennent s’expliquer devant le Parlement. Je compterai leur rappeler lundi », dit-il, en référence à la visioconférence qui réunira présidents de groupes sénatoriaux et le chef du gouvernement, le 11 janvier (lire notre article). Un autre temps fort attend les sénateurs le lendemain : l’audition d’Olivier Véran devant la commission des affaires sociales.