Valérie Rabault : « Je demande une commission de financement de cette crise »
Valérie Rabault, la présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, veut mettre partenaires sociaux, parlementaires et exécutif autour d’une même table pour trouver un consensus sur les mesures de financement de cette crise. Pour elle, il faudra investir massivement dans 4 secteurs clés : la santé, l’agriculture, les transports et l’énergie. La députée socialiste du Tarn-et-Garonne répond aux questions d’Oriane Mancini.

Valérie Rabault : « Je demande une commission de financement de cette crise »

Valérie Rabault, la présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, veut mettre partenaires sociaux, parlementaires et exécutif autour d’une même table pour trouver un consensus sur les mesures de financement de cette crise. Pour elle, il faudra investir massivement dans 4 secteurs clés : la santé, l’agriculture, les transports et l’énergie. La députée socialiste du Tarn-et-Garonne répond aux questions d’Oriane Mancini.
Public Sénat

Par Oriane Mancini

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Le budget rectificatif :

« Le gouvernement fait des choses. Avec ce 2ème projet de loi de finances rectificatif, il a accédé à l’une de nos demandes qui était d’injecter de l’argent frais.

Le 1er PLFR ne comportait que des garanties et des reports de cotisations. C’était très bien mais absolument pas suffisant.

Pour la première fois, il met vraiment des sommes significatives sur la table.

Sur les 100 milliards d’euros, il y en a 40 qui sont de moindres recettes fiscales donc le véritable argent qu’il met, c’est 60 milliards.

Le premier tiers est pour recapitaliser, pour nationaliser, pour soutenir les grandes entreprises ou filières qui auraient des difficultés. Sur ce point, surprise générale de l’ensemble des députés car on ne nous dit pas dans quoi il veut investir ces 20 milliards d’euros. C’est évidemment inacceptable.

Le 2ème tiers de cette enveloppe concerne le chômage partiel.

Le dernier regroupe différentes aides qui vont soit vers le fonds de solidarité soit vers le plan hôpital.

Ce que nous disons c’est que l’urgence alimentaire et sociale ne représente que 2% de ce budget rectificatif. Nous disons que ce n’est pas assez même si un effort a été fait.

Nous, nous avions proposé une enveloppe de 250 à 300 euros pour les familles en difficulté et 100 euros par enfant. Cela se justifiait par le fait que les enfants ne mangent plus à l’école le midi et que les associations de solidarité fonctionnent au ralenti.

Les grands oubliés sont les étudiants et apprentis boursiers. »

 

Le chômage partiel :

« Le gouvernement a corrigé sa copie. Normalement les parents d’enfants de moins de 16 ans pouvaient se déclarer en congé maladie et maintenir leur salaire mais depuis le début nous avons alerté le ministère du travail sur le fait que les entreprises n’étaient pas dédommagées. Après plusieurs refus, le gouvernement a finalement reconnu son erreur et l’a corrigé dans ce PLFR. Ça concernait quand même 1,7 million de personnes.

Je suis toujours un peu surprise quand le président de la République appelle à l’union nationale mais qu’il ne nous écoute pas quand on alerte sur une erreur manifeste.

L’autre sujet sur le chômage partiel, c’est qu’il y a des entreprises et artisans qui n’ont pas encore été remboursés par l’État, des sommes qu’ils ont avancé pour leurs salariés.

La ministre est peu bavarde sur ce sujet et nous allons lui reposer la question aujourd’hui.

Nous, nous avons voté ces 24 milliards d’euros et il s’agit que les entreprises et artisans puissent les avoir.»

 

Le soutien aux PME :

« Pour toutes les TPE et PME qui n’ont plus d’activité, un report de cotisations n’est pas suffisant. Ça veut dire que dans quelques mois, elles devront payer ces cotisations sur du chiffre d’affaires qu’elles n’ont jamais eu. Donc nous demandons un mécanisme qui tienne compte de la santé financière de l’entreprise pour que ce report puisse se transformer en annulation. Dans le cas contraire, nous allons voir de très nombreuses TPE-PME qui vont mettre la clé sous la porte.

Pour les plus grandes entreprises, il faut que l’État quand il est actionnaire, impose qu’elles paient leurs fournisseurs. C’est indispensable pour ne pas fragiliser toute une chaîne. »

 

Le rôle des banques et assurances :

« Les banques jouent globalement le jeu. Les assureurs peuvent mieux faire.

Je salue d’ailleurs l’initiative du Crédit Mutuel qui est aussi assureur et qui a annoncé qu’il dédommagerait des pertes d’exploitation de ces clients titulaires d’un contrat pertes d’exploitation. Cela représente quand même 200 millions d’euros et j’espère que cela va donner des idées aux autres.

Même si les pandémies ne sont pas dans les contrats, il faut qu’il y ait un geste des assureurs. Nous avons demandé qu’ils contribuent beaucoup plus au fonds de solidarité. Ils ont fait un premier pas mais on espérait un montant supérieur. Il faudra également que ce risque pandémique soit intégré aux contrats par la suite. »

 

La crise économique :

« J’ai regardé les chiffres du Fonds monétaire international. Le FMI annonce une chute de l’économie pour tous les pays mais surtout il pense que la France ne retrouvera pas son niveau d’avant crise en 2021 alors que d’autres pays connaîtront ce rebond.

Ça pose la question de notre capacité à rebondir. Le moteur pour soutenir l’activité économique, c’est de pouvoir investir sur le territoire et on le répète depuis 2017.

Il y a 4 secteurs clés : la santé, l’agriculture, les transports et l’énergie. Ils sont la courroie de transmission pour tout le reste de l’économie. Il faut préserver notre souveraineté sur ces secteurs. » 

 

La réduction de la dette :

« Le gouvernement fait tout peser sur la dette en disant vouloir trouver des investisseurs qui paieront pour lui. La France emprunte chaque année 200 milliards d’euros et là elle va au moins passer à 350 milliards et c’est une première dans son histoire.

J’espère que l’approvisionnement de la France en euros auprès de la BCE et auprès de ses partenaires européens, a été sécurisé. La dette, ça va devenir comme les masques chinois, tout le monde va en vouloir. C’est un sujet de priorité et de souveraineté européenne et nationale.

Personnellement, je ne partage pas le point de vue de tout faire reposer sur la dette.

Nous demandons par exemple le rétablissement immédiat de l’ISF.

Quand nous serons sortis du tunnel, dans quelques semaines ou mois, je demande une commission de financement de cette crise. Il faudra mettre tous les partenaires autour de la table que ce soit les partenaires ou les parlementaires.

L’union nationale ne doit pas être un slogan mais quelque chose où l’on bâtit un consensus. »

 

La géolocalisation :

« Je ne sais pas si le texte sera voté à l’Assemblée nationale. Il faut vraiment mettre en balance l’absolue préservation des libertés individuelles et l’absolue préservation de la santé publique. Est-ce que ce traçage préserve la santé publique ? C’est une question que nous nous posons et qui nécessite un vote. Le Parlement n’est pas un lieu de causeries mais un lieu de décisions et c’était nécessaire qu’il y ait ce vote de manière à ce que chacun donne son opinion. »

 

Fonctionnement du Parlement :

« Il est évident qu’il fallait prendre des mesures de sécurité sanitaire au Parlement. Le problème est sur le déroulement du vote. En théorie chaque président de groupes porte les voix de ses députés mais il doit dire combien sont contre. Si on prend l’exemple des amendements visant les assureurs, les voix discordantes dans la majorité n’ont pas été comptabilisées.

Je pense qu’il faut passer au vote électronique et comme ça, chacun pourra exprimer ses positions.

J’attends une réponse du Président de l’Assemblée nationale sur ce sujet. »

 

Pendant toute la période du confinement, retrouvez chaque jour de semaine à midi notre interview politique, en ligne sur publicsenat.fr et notre chaîne YouTube.

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