Le PS est-il en train d’exploser en pleine campagne présidentielle ? La nouvelle réunion des vallsistes, mardi soir, salle Colbert, à l’Assemblée, ne fait que renforcer cette impression. Il y a deux semaines, Manuel Valls avait déjà laissé la porte ouverte à un ralliement à Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il n’apportera son parrainage ni à Benoît Hamon, ni à Emmanuel Macron (voir notre article). Il avait pourtant appelé à être loyal vis-à-vis du vainqueur de la primaire, le soir de sa défaite.
« Moi, je ne me sens pas trahi, mais sans doute les électeurs de la primaire se sentent-ils aujourd'hui trahis », a taclé Benoît Hamon sur TF1, appelant « les Français de gauche à submerger ces petits calculs ». « Ce sera le choix de Manuel Valls, je le respecterai, mais ce n’est pas ce qu’on attend de nous » a regretté après la réunion le sénateur Luc Carvounas, vallsiste membre de l’équipe de campagne de Benoît Hamon, qui « se bat pour que le candidat du PS soit président de la République ». Regardez (images LCP-AN) :
Carvounas sur le choix de Valls de ne pas parrainer Hamon : "Ce n’est pas ce qu’on attend de nous"
Manuel Valls continue d’avoir des mots durs contre la campagne de Benoît Hamon. Si bien que les soutiens de l’ex-premier ministre semblent refaire le match de la primaire, au risque d’affaiblir le candidat PS. « Je ne peux pas me retrouver dans ce que je considère comme une dérive. Sur le fond même, si j'entends les évolutions, il y a des sujets qui n'ont jamais été discutés » a reproché Manuel Valls, selon des propos rapportés par un participant. Il dénonce même « une forme de sectarisme ». Les propos de Benoît Hamon, qui a qualifié le projet d’Emmanuel Macron de marche-pied du FN, sont visés.
« Ça fait penser à une petite épuration »
L’ambiance reste tendue entre socialistes, notamment en vue des législatives. « Ça fait penser à une petite épuration. (…) Il faut que ça cesse » regrette à la sortie le député Gilles Savary, l’un des membres du courant des Réformateurs les plus tentés par le candidat d’« En Marche ! ». Il ajoute :
« Benoît Hamon est totalement légitime comme candidat mais pas aussi légitime pour changer tous les matins le logiciel du PS ».
« Cette tactique (de Benoît Hamon), c’était de faire Podemos, de faire die Linke, de rassembler la gauche de la gauche. Il a échoué » selon Gilles Savary. « Pour autant, on ne fera pas une campagne contre Benoît Hamon. Il a déjà commencé à ouvrir très largement, car le revenu universel n’est plus ce qu’il était au début ». Le candidat PS pourrait aller plus loin « en affirmant que le PS sera ouvert à des négociations pour fonder un gouvernement. Il ne l’a pas fait. C’est ça qui nous inquiète. Il y a plutôt une volonté de s’exclure de tout rapprochement avec Emmanuel Macron », reproche Gilles Savary.
Devant ses soutiens, environ 300 personnes dont 100 parlementaires selon un participant, Manuel Valls a rappelé sa volonté de lutter contre le FN. Ce qui guidera son vote… « Nous ne voulons ni du FN, ni d'un second tour Fillon/LePen. Fillon étant de mon point de vue le plus mauvais candidat pour battre le FN. Nous voulons que le camp progressiste, la gauche, l'emporte même si nous savons que la période de décomposition n'est pas finie » a-t-il souligné.
« Ni Macron, ni Hamon n’auront de majorité »
L’ancien premier ministre pense surtout à la suite. C'est-à-dire la majorité que cherchera à former Emmanuel Macron, en cas de victoire. Il sait bien qu’il aura des difficultés à former un bloc majoritaire stable après les législatives. « Ni Macron, ni Hamon n’auront de majorité » souligne un socialiste. Pour cela, il faudra mettre les rancœurs de côté. Manuel Valls et ses amis pourraient alors jouer un rôle. De là à parler de faiseur de roi…
« Il faudra être responsable et être la gauche de responsabilité notamment au Parlement pour construire et mettre en œuvre, si la présidentielle sourit à un candidat progressiste ou de gauche » a dit hier soir Manuel Valls. « Il faudra des coalitions à la française, battre des accords sur des sujets essentiels ». « Nous ne devons pas renier la possibilité de participer à cette majorité » a-t-il encore dit clairement, précisant qu’« il ne s'agit pas de négocier, de se rallier ou de rejoindre une maison d'hôte », en référence au terme employé par Emmanuel Macron sur un possible ralliement de Manuel Valls.
« Retour de la maison des progressistes »
Pour bien montrer sa volonté de « préparer l'avenir », le candidat malheureux de la primaire appelle de nouveau à « créer un cadre très souple, une maison, une plateforme des progressistes dans lequel tous ceux qui sont ici, qui pensent comme nous, puissent se retrouver ». En 2014, Manuel Valls avait évoqué la première fois l’idée d’une maison des progressistes dépassant le PS. Mais aujourd’hui, cette plateforme s’incarne via « En marche ! »
Dans cette recomposition à l’œuvre, chacun se place. D’un côté un candidat vainqueur de la primaire sur une ligne clairement à gauche, s’alliant aux écologistes. De l’autre, la droite du partie, incarnée par Manuel Valls, qui ne s’y retrouve plus et serait prête à former une majorité de coalition avec Emmanuel Macron. Le mouvement n’est pas propre au pays. Les partis sociaux-démocrates ont reculé partout en Europe. L’Espagne a vu la montée rapide de la gauche radicale de Podemos et l’émergence de Ciudadanos sur une ligne centriste libérale. Alors pourquoi la France échapperait-elle à la recomposition ?
Après la réunion, le président du groupe PS du Sénat, Didier Guillaume, qui n’avait pas pris la parole depuis la défaite de Manuel Valls, a assuré que ce dernier n’avait « aucune amertume » par rapport à la primaire. « Il a dit très clairement qu’aujourd’hui, il faut d’ores et déjà penser à créer les conditions d’une majorité parlementaire » que le Président soit « un socialiste ou un progressiste » ajoute l’ancien directeur de campagne de Manuel Valls. « En fonction de ce qui se passera au deuxième tour de la présidentielle, il y aura forcément une recomposition politique. Elle est évidente » pour Didier Guillaume. Regardez (images LCP-AN) :
Didier Guillaume : "Il faut d’ores et déjà penser à créer les conditions d’une majorité parlementaire"
« On n’est pas mort »
Dans ce future proche, qui pourrait ressembler à l’instabilité de la IVe République, les réformateurs et vallsites entendent avoir un rôle charnière. Et veulent le faire savoir. « Il faut que les gens qui sont attachés à nous sachent qu’on existe, qu’on n’est pas mort » souligne Gilles Savary. Qui ne ferme pas, par principe, la porte à une éventuelle majorité avec Benoît Hamon, même si l’ont comprend bien que son cœur penche de l’autre côté. « Nous devons continuer d’exister pour se mettre au service d’une majorité qu’elle soit celle de Benoît Hamon ou celle d’Emmanuel Macron. Dans les deux cas de figure, nous pèserons pour que ce pays soit gouvernable. Nous ne jouerons pas la politique du pire » insiste Gilles Savary. Regardez (images LCP-AN) :
Gilles Savary : "Nous devons continuer d’exister pour se mettre au service d’une majorité qu’elle soit celle de Benoît Hamon ou celle d’Emmanuel Macron"
En réalité, les soutiens de Manuel Valls sont divisés entre soutien à Emmanuel Macron, Benoît Hamon ou simple mise en retrait de la campagne. Donc pour l’heure, il est urgent d’attendre encore un peu. « Il n’y a pas à se précipiter. Nous voulons rester groupés » explique Didier Guillaume. Tant qu’un second tour Macron/Le Pen semble clairement se profiler, les vallsistes peuvent encore attendre. Il sera toujours temps d’appeler à voter Macron pour le second tour et constituer une majorité ensuite. En revanche, si le leader d’« En Marche » recule dans les sondages au profit de François Fillon, la donne pourrait changer. « A mon avis (Manuel Valls) n’appellera pas à voter Macron, sauf si le danger FN se précisait » explique Gilles Savary, qui ne sait « pas quand ça peut survenir… »