Cats and dogs shelter in Nabeul .
Yassine Mahjoub/SIPA

Vente de chiens et de chats : la loi est-elle contournée ?

Moins d’un mois après le lancement de la mission d’information visant à contrôler le respect de la loi dite maltraitance animale, la commission des affaires économiques a publié ce 11 juin un rapport sur l’encadrement des modalités de vente des chiens et chats. Un rapport qui pointe les situations d’abandon et les dérives dans la vente des animaux de compagnie.
Rédaction Public Sénat

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En mai, la sénatrice Anne Chain-Larché s’est vue confier une mission de contrôle : vérifier le bon respect de la loi maltraitance animale. Cette mission « flash » fait suite à la publication en mars d’une enquête de la Fondation 30 Millions d’Amis qui dénonce les pratiques de certaines animaleries et interpelle la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Annie Genevard, afin de faire appliquer le droit.

Dans son rapport sur l’encadrement des modalités de vente des chiens et chats, Anne Chain-Larché regrette néanmoins la mise en œuvre de l’article 15 de la loi maltraitance animale qui interdit la vente des chiens et chats dans les animaleries depuis le 1er janvier 2024. « Trop souvent, faute de pouvoir contrôler, on a tendance en France à prononcer des interdictions » explique-t-elle. De fait, non seulement les bienfaits de l’article 15 n’ont pas été démontrés, mais c’est aussi lui qui a conduit à l’apparition de « dérives » selon la rapporteure. Les associations de protection animale parlent, elles, d’un contournement de la loi.

L’article 15 visait à lutter contre les abandons des chiens et chats en diminuant les achats d’impulsions. Mais deux ans après son entrée en vigueur, Anne Chain-Larché attend toujours « un indicateur fiable démontrant une diminution du nombre d’abandons en lien avec la fin de la vente en rayons ». En France, on estime que 200 000 à 300 000 animaux sont abandonnés chaque année.

 

Des dérives qui échappent à la loi et aux contrôles

 

Plusieurs éléments peuvent expliquer ce phénomène. D’abord, aucune sanction n’est aujourd’hui prévue relativement au non-respect de l’interdiction de la vente de chiens et chats par les animaleries. Anne Chain-Larché recommande de corriger cet « oubli » en prévoyant des sanctions fortes pour les animaleries qui continuent de vendre des animaux sur place. La vente d’animaux en ligne est, elle, toujours autorisée, sous certaines conditions. Elle mériterait cependant d’être davantage encadrée selon le rapport, tant elle est propice à des dérives.

En effet, face à l’interdiction, les animaleries se sont approprié la pratique du click and collect : les acheteurs « commandent » les animaux en ligne et viennent les récupérer directement à l’animalerie. Cette pratique est critiquée par la Fondation 30 Millions d’Amis dans la mesure où elle contribue à la marchandisation de l’animal. Elle reste néanmoins légale.. tout en étant peu contrôlée et facilement transgressable. En conséquence, certaines animaleries n’hésitent pas à stocker les animaux en arrière-boutiques et à les vendre après une simple visite. En toute illégalité donc, puisque la loi indique qu’il est nécessaire de respecter un délai de réflexion de 7 jours avant l’acquisition d’un animal de compagnie.

Le rapport épingle aussi les autres modalités de vente qui échappent à la loi et aux contrôles, notamment les foires et les salons de chiens et chats, mais aussi les petites annonces de particuliers qui prolifèrent sur Leboncoin et les réseaux sociaux. En théorie, la cession d’animaux de compagnie en ligne est autorisée, mais pour les professionnels seulement. L’offre doit être présentée dans une rubrique spécifique et être accompagnée d’un message de sensibilisation et d’information relatif à l’acquisition d’un animal. Des contrôles d’identification doivent être effectués. En pratique, la vérification fait largement défaut.

 

« Une feuille de route permettant d’améliorer la situation sur le terrain »

 

Face à ces constats, le rapport recommande plusieurs mesures. Au sujet de l’abandon des chiens et chats, Anne Chain-Larché appelle à une meilleure quantification du phénomène. « Nous avons légiféré sans étude d’impact et continuons de discuter sur des supputations », déplore la sénatrice. L’Observatoire de la protection des carnivores domestiques (Ocad) est invité à affiner ses statistiques.

Pour lutter contre les achats d’impulsion, le rapport exhorte également à la mise en place d’une procédure informatique afin de s’assurer du respect du délai de réflexion avant l’acquisition d’un animal de compagnie. L’idée est d’imposer la délivrance numérique horodatée du certificat d’engagement et de connaissance auquel est adossé le délai de réflexion de 7 jours. Ainsi, il ne serait plus possible d’antidater ce certificat, que les individus se doivent de signer lorsqu’ils souhaitent acheter un animal de compagnie, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Anne Chain-Larché insiste, ce temps de réflexion avant l’achat doit être rendu « incontournable ».

Le rapport demande aussi le lancement d’une inspection sur la vente d’animaux dans les foires et salons et appelle à rehausser ainsi qu’à appliquer les sanctions pour non-respect du système de vérification et d’identification des ventes en ligne pour les sites de petites annonces et les réseaux sociaux.

 

D’autres recommandations, notamment en lien avec le bien-être animal, sont proposées. La sénatrice suggère de rapprocher les conditions d’hébergement des animaux vendus en ligne par les animaleries de celles imposées aux élevages, dans un délai de 6 mois. Selon elle, « il y va du bien-être des animaux, mais aussi de l’équité avec les éleveurs, qui sont soumis à des normes plus strictes ». A titre d’exemple, l’espace minimal requis pour un chien est de 1m2 en animalerie, contre 5m2 en élevage – avec un accès à l’extérieur.

L’ensemble des mesures recensées dans le rapport ont vocation à être appliquées. « Avec nos sept recommandations, la ministre [de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire de la France] Annie Genevard dispose d’une feuille de route permettant d’améliorer la situation sur le terrain » estime Anne Chain-Larché. La sénatrice sait néanmoins que « le combat n’est pas terminé ». Elle rappelle que la commission doit désormais « [s’assurer] que les mesures réglementaires attendues sont bien prises ».

Maly Chatin

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