En adoptant l’article 3 du projet de loi d’ordonnances sur le dialogue social, le Sénat a ouvert la voie à un assouplissement de l’utilisation des CDD et des contrats de chantier, par la négociation d’accords au niveau des branches. Les modifications des recours possibles à ces types de contrat, ou encore le nombre de renouvellements à fixer, seraient toutefois « limités »par un « cadre fixé par la loi ».
Défendant le besoin de certains secteurs ou entreprises à bénéficier de contrats particuliers, le gouvernement s’est vu reprocher par les sénateurs de la gauche de favoriser la précarisation des salariés, voire de « donner raison à la frange la plus réactionnaire du patronat », comme l’a évoqué le socialiste Martial Bourquin, sénateur du Doubs.
« Abus de langage »
« C’est le CDI, pilier de notre droit du travail que l’on affaiblit », a dénoncé le sénateur EELV Jean Desessard, qui reproche au gouvernement de « faciliter le recours à des contrats courts ».
« C’est le CDI, pilier de notre droit du travail que l’on affaiblit », dénonce Jean Desessard
« Qui a demandé ça ? Le Medef », a ajouté David Assouline. « Ça ne vient aucunement du monde du travail. »
L’appellation de CDI de chantier, conclu pour la durée d’une mission bien précise, a interloqué certains sénateurs, qui ont crié à « l’abus de langage » ou au « glissement de langage », comme la communiste Laurence Cohen :
CDI de chantier : « On se moque des gens », déclare Laurence Cohen
« Il s’agit de contrats à durée indéterminée… sur une durée déterminée », a expliqué le sénateur Jean-Louis Tourenne. Le socialiste a souligné la progression du nombre de contrats précaires en France, et s’est interrogé sur l’utilité d’une généralisation des CDI de chantiers, utilisés essentiellement dans le secteur bâtiment pour l’heure :
« Il semble donc que cette forme d’emploi ne soit pas sérieusement entravée. Faut-il dans ces conditions créer un nouveau contrat, fût-ce en l’appelant CDI alors qu’il sera par définition à durée déterminée, non en terme de calendrier mais en terme de durée d’un chantier ou d’une opération. »
Jean-Louis Tourenne, sur les CDI de chantier : « c'est un abus de langage »
« Notre objectif est d’aller vers des formes de contrats qui soient les plus sécurisées possibles », déclare Lemoyne
Face à ces attaques, le représentant du gouvernement, Jean-Baptiste Lemoyne réagit :
« Je ne veux pas laisser à croire l’idée qu’il y aurait ici des méchants qui veulent absolument précariser. »
Le secrétaire d’État a d’ailleurs souligné qu’un certain nombre de mesures du projet de loi « visaient à favoriser le recours aux CDI », comme le référentiel des indemnités aux prud’hommes voté ce mardi soir.
D’autant que les contrats de chantier n’ont pas vocation à se généraliser, a assuré Jean-Baptiste Lemoyne, citant le chiffre de 20.000 salariés actuellement concernés. Ils « répondent à des besoins ponctuels et précis dans certains secteurs d’activités. On est quasiment sur des niches », a-t-il considéré.
« On est quasiment sur des niches », déclare Jean-Baptiste Lemoyne, à propos des CDI de chantier
Nicole Bricq (La République en marche) a même évoqué un exemple d’actualité : celui des chantiers navals :
« STX, sans cette souplesse, ils n’auraient pas eu cette commande. À Saint-Nazaire, ils sont bien contents d’avoir des carnets de commande pour plusieurs années. »
Nicole Bricq : « Si STX n'avait pas cette souplesse, ils n'auraient pas eu cette commande »