Viol : le Sénat veut obliger les auteurs à suivre une injonction de soins en détention pour éviter la récidive

Mise en place en novembre dernier après le viol et le meurtre de la jeune étudiante, Philippine, la mission d’information du Sénat sur la prévention et la récidive du viol présente une vingtaine de recommandations, dont la principale consiste à faire de la détention des auteurs les plus dangereux comme un temps de prévention de la récidive.
Simon Barbarit

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Le viol et le meurtre de la jeune Philippine à l’automne dernier a ému la population et relancé le débat sur l’éloignement du territoire des étrangers dangereux sous OQTF. Le profil de l’auteur présumé, un ressortissant marocain déjà condamné pour viol, a conduit la délégation aux droits des femmes du Sénat a lancé une mission pour a évalué la pertinence de l’efficacité de l’action publique en matière de lutte contre la récidive du viol et des agressions sexuelles.

Après avoir entendu près de cent personnes et effectué trois déplacements, la mission sur la prévention et la récidive du viol présentait, ce mercredi, son rapport et 25 recommandations.

A la suite du mouvement MeToo, entre 2016 et 2023, le nombre de plaintes pour violences sexuelles a augmenté de près de 120 % alors que le nombre de condamnations pour infractions sexuelles, entre 2017 et 2022, n’a, pour sa part, augmenté que de 13 %.

Premier enseignement du rapport, le taux de récidive légale pour les auteurs d’agressions sexuelles est moindre que pour l’ensemble des délits, 9 % contre 17 %, même chose pour les viols comparé à l’ensemble des crimes, 5,7 % contre 7,2 %.

Des chiffres en trompe-l’œil car comme l’a fait remarquer la sénatrice socialiste, Laurence Rossignol « le premier des postulats, c’est qu’une infime minorité des auteurs de viols passent entre les mains de la justice. Dès lors, on a travaillé sur un très faible segment des auteurs de viols ». « La mission a très rapidement renoncé à l’idée de produire un rapport qui fournirait des statistiques ».

C’est pourquoi la mission demande des statistiques sur les auteurs d’infractions à caractère sexuelles afin d’évaluer leur prise en charge. « A l’heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de savoir si l’incarcération ou le suivi sociojudiciaire ont un impact sur la récidive. Ce n’est pas acceptable », a expliqué la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR).

D’autant que ce suivi ne peut être mis en œuvre, actuellement, qu’après la détention « alors même qu’une prise en charge rapide est, de l’aveu des professionnels, essentielle à la prévention de la récidive », a expliqué la présidente de la Délégation aux droits des femmes, Dominique Vérien.

« Obliger les détenus les plus dangereux à se soigner »

La mission recommande donc d’exploiter le temps d’incarcération comme un temps de prévention de la récidive. Pour cela, le rapport demande la création « d’une véritable injonction de soins en détention ». « Il n’est pas aujourd’hui possible d’imposer à un détenu auteur d’infractions à caractère sexuel, un suivi qu’il soit psychiatrique ou psychologique. Nous souhaitons que notre arsenal pénal prévoie des outils pour obliger les détenus les plus dangereux à se soigner », a expliqué la sénatrice. Pour la réalisation de cette mesure, la mission demande l’affectation des auteurs d’infractions à caractère sexuel dans des établissements fléchés afin, notamment, de permettre la mise en œuvre de soins en groupes de parole.

Alors que 6 000 personnes, en grande majorité des hommes, sont condamnées chaque année dans des affaires de violences sexuelles, les experts psychiatres interviennent à plusieurs stades de la procédure, que ce soit en garde à vue, avant leur sortie détention, ou encore dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire avec injonction de soins.

Sur ce dernier point, Dominique Vérien a mis en avant « les failles » sur la mise en œuvre de ces injonctions qui ne concernent qu’une minorité d’auteurs, 26 % des condamnés pour viols et seulement 7 % des condamnés pour agressions sexuelles.

Mieux identifier les auteurs

Devant la délégation, les experts avaient donné des chiffres très inquiétants. 30 % des auteurs d’infractions sexuelles sur mineurs ont moins de 13 ans ». Plusieurs recommandations de la mission les concernent telles que la formation les magistrats et tous les professionnels (protection judiciaire de la jeunesse, police, gendarmerie…) à mieux identifier les mineurs auteurs, souvent par ailleurs victimes et développer les programmes spécifiquement tournés vers les mineurs auteurs d’infractions sexuelles dans les centres éducatifs fermés et renforcés.

Les experts avaient pointé le risque lié à l’exposition des mineurs à la pornographie. Un sujet qui avait l’objet d’un rapport de la délégation aux droits des femmes, il y a deux ans.

 

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