L'accusation a requis jeudi un an de prison avec sursis contre l'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, jugé devant la Cour de justice de la République (CJR) pour "violation du secret professionnel", pour avoir transmis au député Thierry Solère des éléments de l'enquête qui le visait.
"La responsabilité d'un ministre ne le place pas au dessus des lois. Le ministre de la Justice était soumis à un secret professionnel du fait de ses fonctions", en tant que "dépositaire" d'informations qu'il ne recevait que du fait de sa position de supérieur hiérarchique du parquet, au "sommet de la chaîne" du secret, a déclaré le procureur général François Molins à la Cour.
L'ancien ministre socialiste (janvier 2016-mai 2017) est jugé pour avoir transmis les 4 et 5 mai 2017, quelques jours avant son départ de la place Vendôme, au député (alors LR) Thierry Solère des éléments de l'enquête qui le visait pour fraude fiscale et trafic d'influence, via la messagerie cryptée Telegram.
M. Urvoas ne nie pas la matérialité des faits, mais conteste que les documents transmis soient couverts par un quelconque secret. Il a expliqué que les fiches que lui transmettait la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), département qui fait l'interface entre chancellerie et procureurs, étaient filtrées par ses services. "Si on me donne un document, c'est pour que je m'en serve!", a-t-il répété jeudi.
"Si on va au bout de ce raisonnement, pourquoi ne pas transmettre des informations à des mis en cause dans des affaires de stupéfiants ou même de terrorisme?", a demandé François Molins.
"Que dirait-on si le ministre du Budget venait expliquer qu'il n'est pas soumis au secret fiscal?", a-t-il poursuivi."
"Ce dossier présente une gravité certaine, puisqu'un garde des Sceaux, supérieur hiérarchique ultime des magistrats du parquet, a trahi la confiance de ses subordonnés. C'est aussi un dossier emblématique qui pose la question du système des remontée d'information des parquets", estime le magistrat.
"Une relaxe aurait des effets systémiques majeurs" et "signerait la fin du ministère public à la française", a-t-il prévenu, car "s'il n'y a plus de secret partagé, il n'y plus de confiance".