Violence sur les élus locaux : « Ces agressions sapent la démocratie » pour Françoise Gatel
Le 22 mars dernier, un incendie touche la maison d’un maire de Loire-Atlantique, déjà la cible depuis plusieurs mois de lettres de menaces. Derrière ce fait divers se cache un phénomène en expansion : les violences commises envers les élus. Elles inquiètent la classe politique, et en particulier les sénateurs, qui ont mené plusieurs travaux afin d’enrayer ce phénomène. Qu’en est-il aujourd’hui ? Faut-il aller plus loin ?

Violence sur les élus locaux : « Ces agressions sapent la démocratie » pour Françoise Gatel

Le 22 mars dernier, un incendie touche la maison d’un maire de Loire-Atlantique, déjà la cible depuis plusieurs mois de lettres de menaces. Derrière ce fait divers se cache un phénomène en expansion : les violences commises envers les élus. Elles inquiètent la classe politique, et en particulier les sénateurs, qui ont mené plusieurs travaux afin d’enrayer ce phénomène. Qu’en est-il aujourd’hui ? Faut-il aller plus loin ?
Mathilde Nutarelli

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C’est un énième fait divers où un élu est visé. Ce mercredi 22 mars, la demeure de Yannick Morez, maire LR de Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlantique, est touchée par un incendie à cinq heures du matin. L’édile et sa femme doivent évacuer en vitesse la maison et se retrouvent, hébétés, dans la rue. L’enquête pour déterminer ce qu’il s’est passé est en cours, mais la piste privilégiée concerne des militants d’extrême-droite, qui ciblaient l’élu depuis le mois de janvier par des courriers de menaces contre le déménagement d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asiles (Cada) dans la commune.

Yannick Morez n’est pas le seul à subir des violences. En 2020, l’Association des Maires de France (AMF) s’est même dotée d’un Observatoire des agressions envers les élu(e) s, et en comptabilise chaque année le nombre. La structure observe ainsi une augmentation de 15 % des atteintes envers les élus municipaux en 2022, portant à 1 500 le nombre d’agressions d’élus dans le cadre de leurs fonctions. La hausse de ces faits conduit, depuis plusieurs années déjà, à des mesures pour les endiguer.

« Agresser un élu, c’est s’attaquer à la République »

Ce climat délétère inquiète et indigne. « Je suis totalement atterrée », confie Françoise Gatel, sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine et présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. « C’est gravissime, c’est l’impensable qui devient possible. Cela ne semble pas être un épiphénomène, cela s’ancre dans le paysage. Ces agressions sapent la démocratie. Agresser un élu, c’est s’attaquer à la République », condamne-t-elle. La sénatrice craint que ces violences, ainsi que les nombreuses démissions d’édiles, ne créent une crise des vocations chez les citoyens. « Ce n’est pas pour rien que 900 maires ont démissionné depuis 2020. Les maires nous disent qu’ils se sont engagés pour servir, pas pour être agressés », raconte-t-elle. Elle se dit très inquiète concernant la situation. C’est d’ailleurs dans l’optique de répondre à cette « crise de l’engagement » que le Sénat a lancé en janvier 2023 une mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France.

Des mesures proposées par le Sénat depuis 2019

Le phénomène d’agression des élus est en croissance, mais il ne date pas d’hier. Les initiatives en réponse sont nombreuses, et beaucoup d’entre elles émanent du Sénat. D’abord, en 2019, suite à la mort de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, renversé par une camionnette qui déversait des gravats dans une décharge sauvage, les sénateurs ont lancé une vaste consultation des élus locaux. Résultat : 3 812 élus (maires, adjoints, conseillers municipaux délégués) ont répondu à l’enquête, et 92 % d’entre eux répondent avoir déjà été victimes d’incivilités, d’injures, de menaces ou d’agressions physiques. Cette consultation a abouti à un « plan d’action pour une plus grande sécurité des maires » proposant douze mesures. Certaines d’entre elles ont été introduites et adoptées dans la loi « engagement et citoyenneté » votée en décembre 2019, comme la création d’une assurance obligatoire pour toutes les communes, relative à la protection fonctionnelle des élus, ainsi que la compensation par l’Etat de son coût pour les communes de moins de 3 500 habitants.

Trois ans plus tard, 2022, la sénatrice RDSE de la Gironde Nathalie Delattre a fait adopter par la Chambre Haute une proposition de loi permettant aux associations d’élus de se constituer partie civile lors des procès pour violence envers les élus.

En 2023, lors de l’examen du texte d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, les sénateurs ont souhaité alourdir les sanctions en cas de violences contre les élus. Un amendement proposait ainsi de sanctionner ces violences au même niveau que celles commises sur les forces de l’ordre ou les pompiers : de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ; sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende si elles ont entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours. Mais la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Ce que Françoise Gatel regrette : « Nous avions proposé au Sénat que les sanctions envers ceux qui visent les maires soient comme celles envers ceux qui visent des policiers, ça n’a pas abouti. Un maire, c’est l’autorité de la République. On ne doit avoir aucune mollesse sur le sujet. Il faut reconsidérer la proposition qui a été faite : la fonction de maire, c’est une fonction d’autorité, donc les sanctions doivent être alignées ».

« Il faut suivre l’application des lois existantes »

En dehors du Palais du Luxembourg, le phénomène inquiète également. Ainsi, le 15 mars 2023, la ministre chargée des Collectivités a annoncé la création d’une cellule de lutte contre les atteintes aux élus locaux. « C’est une bonne démarche, mais il faut suivre l’application des lois existantes », juge la sénatrice d’Ille-et-Vilaine. C’est également ce qu’elle répond, quand on lui demande s’il faut une nouvelle loi pour protéger les élus : « Je n’aime pas les lois d’émotions, aujourd’hui, les gendarmes sont extrêmement attentifs à tout ça ».

Pas de nouvelle loi, donc, mais ce qu’elle demande, ce sont « des sanctions exemplaires, un filet de sécurité autour du maire ». « Car au-delà de la considération du maire, c’est notre démocratie qui est en cause », explique-t-elle. Elle plaide également pour une plus grande écoute des élus et une libération de leur parole. « Il faut déposer plainte à chaque fois qu’on reçoit des menaces », conseille-t-elle, « il faut que les procureurs s’en alertent. Il faut qu’il y ait une cellule de veille autour du procureur et qu’elle s’en empare quand il y a lieu. Il faut en parler ».

Enfin, la sénatrice centriste insiste sur un point : il faut recréer du lien entre les enfants et les élus. « A l’école, on devrait retrouver un enseignement d’instruction civique et de citoyenneté. Je pense qu’il faut qu’il y ait un renforcement de cette éducation sur le long terme et une rencontre entre les élus et les enfants », expose-t-elle.

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