Violences conjugales : François Molins revient sur le décret polémique
Auditionné ce jeudi par la délégation aux droits des femmes du Sénat, François Molins, procureur général près la Cour de cassation, est revenu sur le décret polémique qui donne 24H à une victime de violences conjugales pour informer son conjoint qu’une procédure est ouverte à son encontre.

Violences conjugales : François Molins revient sur le décret polémique

Auditionné ce jeudi par la délégation aux droits des femmes du Sénat, François Molins, procureur général près la Cour de cassation, est revenu sur le décret polémique qui donne 24H à une victime de violences conjugales pour informer son conjoint qu’une procédure est ouverte à son encontre.
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« Je pense qu’il y a des tas de questions qui n’ont peut-être pas été vues (…) Est-ce qu’un délai de 6 jours est raisonnable ? Est-ce qu’il faut le garder si on a la quasi-assurance qu’il ne pourra pas être respecté ? Est-ce qu’il ne serait pas raisonnable de le porter à 10 jours ou 12 jours ».

Ce jeudi, le procureur général près la Cour de cassation, François Molins était auditionné par la délégation aux droits des femmes du Sénat sur le sujet des violences intra-familiales. L’occasion pour lui de revenir sur le décret polémique publié le 27 mai dernier, relatif aux ordonnances de protection.

C’est l’un des apports de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille du député LR Aurélien Pradié, adopté à l’unanimité par le Sénat, le 18 décembre dernier (voir notre article)

Le texte renforce le recours aux ordonnances de protection qui permet au juge aux affaires familiales (JAF) d’organiser la séparation du couple dans un contexte de violences. Le JAF doit statuer dans un délai de 6 jours à compter de la date de fixation de l’audience (contre une quarantaine de jours auparavant). Une plainte pénale n’est désormais plus nécessaire pour obtenir une ordonnance de protection.

Une avancée, qui pour les associations de défense des victimes et pour Aurélien Pradier lui-même, a été détricotée par un décret publié le 27 mai dernier. Comme nous l’expliquions cette semaine (voir notre article), ce texte réglementaire introduit une nouvelle règle : il donne à la victime 24 heures maximum, sous peine de caducité de la procédure, pour informer son conjoint violent, par huissier, de la procédure ouverte à son encontre. Dans un communiqué, cinq associations féministes ont demandé « en urgence la suppression de ce nouveau délai qui met les femmes en danger et rend les procédures impossibles à tenir ». Mardi, devant les sénateurs, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet a promis de « rectifier » le décret rapidement si une meilleure formulation peut être trouvée « dans le respect des règles du contradictoire ».

« La loi ne doit pas avoir des vertus incantatoires mais poser des règles »

Devant la délégation sénatoriale, François Molins a d’abord estimé qu’un délai de 6 jours « était très court ». « Je le dis à titre personnel. Il n’y a aucun irrespect de ma part vis-à-vis du Sénat et de l’Assemblée nationale, je pense que la loi ne doit pas avoir des vertus incantatoires mais poser des règles (…) Une loi qui se borne à afficher de bonnes intentions. Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne chose, sauf à se contenter d’une vertu d’affichage ».

En ce qui concerne, le décret, le procureur général auprès de la Cour de Cassation note qu’un délai de 24H donné à la victime pour informer son conjoint violent, « c’est encore plus court ». « La sanction est immédiate, c’est la caducité. On revient à la case départ. Il va falloir revenir devant le JAF » (…) Est-ce qu’il ne serait pas plus raisonnable de prévoir non pas un délai de 24H mais un délai de 2 ou 3 jours ? » s’est-il interrogé.

« J’ai tendance à considérer que tout ça, est un problème de mise en œuvre et d’organisation »

À la fin de l’audition, François Molins a rappelé qu’il existait des procédures « très rapides » en matière de procédure civile comme « le référé d’heure à heure ». « J’ai tendance à considérer que tout ça, est un problème de mise en œuvre et d’organisation (…) Le ministère a tous les moyens de régler cette difficulté avec l’assistance des différents professionnels. La durée n’est pas un souci. Une procédure civile, on a l’habitude de faire des choses dans l’urgence extrême avec les professionnels de justice que sont les huissiers » a-t-il conclu.

 

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