Violences conjugales: l’exécutif annonce des mesures d’urgence à l’ouverture du “Grenelle”
Nouvelles places d'hébergement d'urgence, "procureurs référents spécialisés", possibilité de déposer plainte à l'hôpital: le gouvernement a...
Par Arnaud BOUVIER, Clement GRILLET
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Nouvelles places d'hébergement d'urgence, "procureurs référents spécialisés", possibilité de déposer plainte à l'hôpital: le gouvernement a annoncé mardi, à l'ouverture du "Grenelle contre les violences conjugales", des premières mesures pour endiguer ce fléau, suscitant des réactions mitigées chez les associations.
Quelque 80 personnes - militants associatifs, magistrats, policiers, familles de victimes - étaient conviées à Matignon pour le lancement de cette concertation prévue jusqu'au 25 novembre.
"Aujourd'hui, dans notre pays, des femmes, nos concitoyennes, meurent étranglées, poignardées, brûlées vives, rouées de coups. Tous les deux ou trois jours", a déploré le Premier ministre Édouard Philippe, entouré de plus d'une dizaine de ses ministres, dont Marlène Schiappa (Égalité femmes-hommes), Nicole Belloubet (Justice) et Christophe Castaner (Intérieur).
"Depuis des siècles, ces femmes sont ensevelies sous notre indifférence, notre déni, notre incurie, notre machisme séculaire, notre incapacité à regarder cette horreur en face", a ajouté le chef du gouvernement.
Manifestation contre la violence sur les femmes à l'occasion du "Grenelle" des violences conjugales, le 3 septembre 2019 à Paris
AFP
Pour tenter d'enrayer un fléau, , le Premier ministre a annoncé la création à partir de début 2020 de 250 nouvelles places d'hébergement d'urgence pour les femmes ayant fui le domicile conjugal et de 750 autres destinées à un relogement temporaire - une mesure chiffrée à cinq millions d'euros.
L'exécutif va en outre identifier, au sein des tribunaux, des "procureurs référents spécialisés" et expérimenter des chambres d'urgence "pour que les dossiers soient traités en 15 jours". Les victimes pourront également systématiquement porter plainte à l'hôpital.
A Cagnes-sur-Mer, les habitants sont sous le choc du meurtre ce week-end de Salomé G., 21 ans, 100e victime de féminicide recensée en France depuis début 2019 selon un collectif militant - contre 121 pour 2018 d'après un décompte officiel.
- Plan Marshall -
Pour limiter les violences exercées par le père lorsque celui-ci fait usage de son droit de visite auprès de ses enfants, les juges pourront plus facilement suspendre ou aménager l'exercice de l'autorité parentale. Elle sera suspendue de plein droit en cas de féminicide, dès la phase d'enquête ou d'instruction.
Ces premières annonces ne constituent "pas un départ énorme, mais ça reste un départ avec quelques bonnes pistes et quelques déceptions", a commenté Anne-Cécile Mailfert, de la Fondation des femmes. Le Premier ministre "a évacué de manière un peu rapide la question des moyens", a-t-elle ironisé.
"Il n'y a pas de moyens annoncés, donc franchement les annonces elles sont décevantes", a renchéri Caroline De Haas, du collectif #NousToutes.
Des badges portent le numéro d'urgence à la disposition des victimes de violences, le 3 septembre 2019
AFP
Les associations féministes réclament un "plan Marshall" passant par 2.000 nouvelles places d'hébergement, et doté d'"au moins" 500 millions, voire un milliard d'euros - loin des 79 millions d'euros de crédits jusqu'alors alloués à cette lutte, selon une étude menée par cinq organisations.
Si les militantes ont salué l'annonce concernant le retrait de l'autorité parentale, elles se sont montrées sceptiques face à la proposition du gouvernement de mener, jusqu'à fin 2020, un "audit" dans 400 commissariats et gendarmeries pour révéler les "dysfonctionnements" en matière de recueil des plaintes. "On n'a pas le temps d'attendre 2020 pour faire des audits et 2021 pour faire des mesures", a dit Mme De Haas. Les femmes concernées "peuvent vous le dire tout de suite, ce qui ne va pas!", a renchéri Mme Mailfert.
- "Effet d'annonce" -
Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'Egalite femes/hommes, le 3 septembre 2019 à Paris
AFP
En milieu de journée, quelques dizaines de personnes, en majorité des femmes habillées de noir, avaient défilé du cimetière de Grenelle aux abords de Matignon, à l'appel du collectif "féminicide par compagnon ou ex". "On a déjà les solutions, alors pourquoi faire un Grenelle? C'est un effet d'annonce", a regretté Françoise Le Goff, dont la mère est morte sous les coups en 1982.
Cette journée d'ouverture du "Grenelle", le 3.9.19, était aussi l'occasion de mieux faire connaître la ligne téléphonique 3919, dédiée aux femmes victimes de violences. Emmanuel Macron a ainsi passé deux heures mardi dans les locaux parisiens où travaillent les écoutants de cette plate-forme d'accueil.
Le chef de l’État a pu écouter, avec un casque double et sans intervenir, l'appel d'une femme en détresse que les gendarmes refusaient d'accompagner chez elle pour qu'elle puisse récupérer ses affaires à son domicile, où se trouvait son mari violent.
Le Grenelle "n'est par définition pas terminé", a rappelé Marlène Schiappa en sortant de Matignon mardi soir. "Les groupes de travail vont compléter les premières mesures annoncées par Édouard Philippe et celles-ci aboutiront le 25 novembre", lors de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, a ajouté la secrétaire d’État.
"Ma demande, c'est que tout ce qui va être décidé soit fait demain, car demain c'est une personne de plus qui risque de mourir", a dit au Premier ministre Lucien Douib, dont la fille Julie a été tuée début mars en Corse par son ex-conjoint.
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