« Parce qu’il revient souvent à emprisonner les victimes avec leurs bourreaux dans un huis clos, le confinement constitue un facteur aggravant en matière de violences intrafamiliales », a rappelé la ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes devant la délégation aux droits des femmes du Sénat, ce jeudi.
Lors du confinement au printemps dernier, les indicateurs étaient au rouge : les appels au 3919 (numéro d’appel gratuit et anonyme contre les violences conjugales) ont doublé et le nombre d’interventions des forces de l’ordre à domicile ont augmenté de 48%.
Selon Elisabeth Moreno, qui a succédé à Marlène Schiappa lors du dernier remaniement, les leçons ont été tirées et des moyens ont été mis sur la table : « 4 millions d’euros ont été votés lors du projet de loi de finances rectificative ».
Sur la question des fonds alloués à la lutte contre les violences faites aux femmes, le Sénat a joué le rôle de vigie. Un milliard d’euros avait été annoncé après le Grenelle contre les violences conjugales et c’est alors qu’un rapport de la commission des finances du Sénat avait pointé un « tour de passe-passe » budgétaire, « loin du milliard d’euros annoncé ». Le montant de l’enveloppe pour la lutte contre les violences faites aux femmes étant en réalité de 360 millions d’euros (lire notre article).
Le budget à l'égalité entre les femmes et les hommes connaît « une hausse historique » selon Elisabeth Moreno.
Budget pour l'égalité femmes hommes : « Une hausse historique »
Devant les sénateurs, Elisabeth Moreno a reconnu que le document de politique transversale (qui recense les actions menées et les fonds alloués à l’égalité femmes hommes des différents ministères) « pourrait gagner en lisibilité, en rigueur et en méthodologie ». Mais elle a dans le même temps vanté « une hausse historique » des fonds alloués à l’égalité entre les femmes et les hommes.
« Les crédits du programme 137 (égalité entre les femmes et les hommes) et plus largement ceux affectés à la lutte contre les violences faites aux femmes sont en nette progression, le programme 137 a atteint en loi de finances initiale la barre de 29,7 millions d’euros dès 2017 et pour 2021 il a atteint 41,5 millions d’euros. Il s’agit d’une progression remarquable de 40 % », indique-t-elle.
Reste qu’au-delà des questions proprement budgétaires les sénatrices s’interrogent sur les promesses notamment en matière d’hébergement des victimes de violences conjugales. 1 000 nouvelles places ont été promises dans le cadre du Grenelle en septembre 2019 et 1 000 autres en septembre 2020.
« Dans mon département, le besoin était évalué à 137 places d’hébergement supplémentaires, au final 10 seulement ont été obtenues. Dans le Pas-de-Calais, c’est simplement 20 places qui ont été obtenues alors que ces deux départements, malheureusement, se distinguent par des faits violences tout à fait importants », a soulevé la sénatrice socialiste du Nord (Hauts-de-France), Martine Filleul.
« Plus de 60 % des places d’hébergement qui ont été promises en 2020 ont été ouvertes », assure Elisabeth Moreno.
« À ce jour, plus de 60 % des places d’hébergement qui ont été promises en 2020 ont été ouvertes. La crise sanitaire a un peu ralenti l’ouverture de ces places mais nous sommes tout à fait optimistes quant au fait que d’ici la fin de cette année les mille places promises seront toutes ouvertes », répond la ministre déléguée à l'égalité entre les femmes et les hommes.
La délégation a pointé une autre menace : les conséquences économiques de la crise sanitaire pour les femmes. « J’ai peur que les femmes soient les premières sacrifiées dans tous les domaines. Il faut vérifier qu’à poste constant on ne sacrifie pas plus d’hommes que de femmes », prévient Laure Darcos, sénatrice LR de l’Essonne.
« Cela fait des années et des années qu’il y a des lois sur l’égalité professionnelle et en 2020 il n’y a toujours pas d’égalité professionnelle », renchérit la sénatrice communiste, Laurence Cohen, qui regrette le fait que le gouvernement repousse systématiquement les amendements visant à durcir le ton : soit en pénalisant les entreprises, soit en conditionnant les aides et subventions de l’État.
L’appel d’offres concernant le 3919, numéro d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violences, a aussi suscité beaucoup de questions de la part des sénatrices. En octobre, Laurence Rossignol dénonçait « une privatisation » de cette action gérée depuis des années par la fédération nationale Solidarité femmes (FNSF). « Je tiens à saluer avec force l’action remarquable que la FNSF a pu assurer en termes d’écoute des victimes, néanmoins le cadre juridique nécessite de passer par la commande publique parce que l’Etat est à l’initiative de ce service et il le financera à hauteur de 100 % (...) Nous n’avons pas le choix que de passer par ce marché public », a expliqué Elisabeth Moreno.
Dans une ambiance de travail respectueuse où son écoute a largement été saluée par les sénatrices, la ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et hommes a longuement recensé les réalisations du gouvernement concernant les bracelets anti-rapprochement, qui ont commencé à être distribués aux juridictions, ou encore les pensions alimentaires impayées, qui peuvent désormais être recouvertes par la CAF. Des points d’étape concernant la réalisation des annonces du Grenelle auront lieu tous les six mois avec la présence de membres de la délégation aux droits des femmes du Sénat.