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Violences en marge du sacre du PSG : « Le Sénat aura un avis à donner » sur une réforme de l’exécution des peines

Depuis plusieurs semaines, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin communique sur sa volonté de mener des réformes « radicales », en proposant la fin du sursis et des peines minimales pour certains délits. Des pistes qu’il a, à nouveau, formulées après les premières condamnations des auteurs de violences, en marge de la victoire du PSG. Au Sénat, les élus sont suspendus aux conclusions d’une mission sur le sujet.
Simon Barbarit

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Et si après la loi sur le narcotrafic, le Sénat était encore au cœur d’une réforme de la justice d’ampleur ? C’est en tout cas le souhait des membres de la commission transpartisane sur l’exécution des peines. Alors que « 92 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées par un tribunal correctionnel à l’égard d’un majeur sont exécutées sous cinq ans », « le taux d’exécution immédiate ne s’élève lui qu’à 55 %. Ce qui permet de « s’interroger sur la perte de sens de la peine, qui s’écarterait de sa vocation réparatrice et ne permettrait plus de réinsérer les auteurs dans la société », constate les co-rapporteures de la mission, Elsa Schalck (LR), Dominique Vérien (Union centriste) et Laurence Harribey (PS).

En attendant les conclusions de cette mission qui devraient être rendues publiques après l’été, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, communique depuis plusieurs semaines sur sa volonté de mener des réformes « radicales » sur l’échelle des peines.

Après les premières condamnations des auteurs de violences en marge de la victoire du PSG, allant deux à huit mois d’emprisonnement avec sursis, assorties de 500 euros d’amende, le ministre a jugé sur X que les peines n’étaient « plus à la hauteur de la violence que connaît notre pays ».

« Il faut que les magistrats […] puissent juger ces faits en disposant d’une échelle de peines ferme, simple et réellement adaptée à la délinquance d’aujourd’hui » […] « Comme je l’ai proposé publiquement, il faut faire évoluer radicalement la loi : supprimer les aménagements de peine obligatoires, supprimer le sursis et mettre en place par la loi une condamnation minimum systématique une fois la culpabilité reconnue. Par exemple, trois mois de prison ferme (réellement exécutés) minimum pour toute agression envers un représentant de l’Etat ou encore amende très élevée pour toute destruction », a-t-il détaillé.

Des pistes que le ministre avait déjà esquissées dans une lettre adressée aux magistrats en mai et devant la commission des lois du Sénat, la semaine dernière. Ce mardi, aux questions d’actualité au gouvernement à l’Assemblée, François Bayrou, a soutenu publiquement ces propositions en vue d’une « réponse pénale améliorée. « La première des réponses est que là où dans la loi sont inscrites des peines maximales, on puisse inscrire aussi des peines minimales », a-t-il lancé.

L’enjeu de « la confiance dans la justice »

« Aujourd’hui, le droit pénal est extrêmement complexe que ce soit en matière de procédure que de peines encourues, la volonté de Gérald Darmanin est une bonne chose. Nous sommes favorables aux peines minimales. Parce qu’aujourd’hui, on a un enjeu fort qui n’est toujours pas résolu. C’est celui de la confiance dans la justice. Ça passe par de la lisibilité et de la transparence », a salué la sénatrice Agnès Canayer (apparenté au groupe LR). Gérald Darmanin veut, en effet, revoir l’éventail des 235 peines prévues dans le code pénal en simplifiant drastiquement l’échelle des peines avec une « peine d’emprisonnement (sans sursis) », la probation (aménagements de peine, travaux d’intérêt généraux), les jours-amendes et les amendes, et la « peine d’interdiction ou d’obligation », avait écrit le ministre.

Mais en l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement a pris l’habitude de soutenir des propositions de loi au périmètre plus restreint, plutôt que de se lancer dans des réformes d’ampleur via le dépôt de projets de loi. Devant les sénateurs, Gérald Darmanin a, d’ailleurs, concédé « qu’il fallait attendre les conditions politiques » pour mener cette réforme.

« En l’état du droit existant, il est possible d’avoir une politique pénale différente »

A son arrivée à la réunion hebdomadaire du groupe LR, la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda a estimé que Gérald Darmanin pouvait, en attendant, rédiger « une circulaire de politique pénale » dans laquelle « il ne modifierait pas les peines mais leur usage, en donnant des instructions aux magistrats, qui ensuite les appliqueront ou pas ». « En l’état du droit existant, il est possible d’avoir une politique pénale différente. Le Sénat aura un avis à donner sur la question », indique-t-elle avant d’inviter à attendre les conclusions de la mission du Sénat. Lors de la réunion hebdomadaire, le président du groupe LR, Mathieu Darnaud a invité les élus à présenter des mesures concrètes lors de la prochaine session parlementaire.

Les très courtes peines : « Ça ne marche pas »

Laurence Harribey (PS) explique que les élues de la mission d’information se sont récemment penchées sur l’opportunité de mettre en place de très courtes peines (moins d’un mois) lors d’un déplacement aux Pays-Bas. Un texte en ce sens, déposé par les députés Horizons a été adopté à l’Assemblée en avril. « Les Pays-Bas en sont revenus parce que ça ne marche pas, ça ne réduit pas la récidive. Derrière la peine courte, il y a l’idée du choc carcéral mais les Néerlandais nous ont dit que pour faire un vrai travail de réinsertion, il faut du temps ». Gérald Darmanin s’est lui aussi montré dubitatif sur l’efficacité des très courtes peines.

La sénatrice regrette la séquence politique actuelle qu’elle qualifie « d’inventaire à la Prévert ». « On ne se pose pas la question du sens de la peine, c’est ce que nous ferons. Il faut vraiment revenir à l’individualisation de la peine. Les détenus ne sont pas des numéros parmi d’autres. Si on avait une recommandation à faire, ce serait de moins fanfaronner et de travailler plus sur le fond », préconise-t-elle.

En ce qui concerne le sursis qui est dans le viseur du ministre pour certains délits, la sénatrice indique avoir pu constater « que le sursis probatoire semble donner des résultats. Mais ça suppose un travail de suivi et donc des moyens », rappelle-t-elle. Pour mémoire, un sursis probatoire est une peine d’emprisonnement, suspendue en partie ou en totalité, pendant un délai fixé, au respect d’obligations et d’interdictions fixées par le juge.

Reste à savoir si cette mission débouchera sur le même consensus que celui constaté lors de la commission d’enquête sur le narcotrafic. « On a beaucoup de conclusions communes, après ce ne sera peut-être pas la même chose pour les préconisations. Dès qu’on rentre dans les postures politiciennes, on est plus tout à fait d’accord », reconnaît Laurence Harribey.

A deux ans d’une échéance électorale majeure et dans un Parlement morcelé, certains groupes politiques ne négligent pas l’importance de leur bilan. Ce matin, au groupe LR, chaque sénateur a reçu un petit fascicule listant l’ensemble des textes que le groupe a produit depuis 8 mois, soit depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon.

 

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