Promulguée en juin dernier, la loi portée par l’ancienne députée Renaissance Émilie Chandler, fruit d’un travail commun menée avec la sénatrice centriste Dominique Vérien, permet de protéger les victimes de violences conjugales, dès qu’elles se signalent, à travers la délivrance d’une ordonnance provisoire sous 24 heures sur demande du procureur de la République. Alors que le juge aux affaires familiales dispose de six jours pour statuer sur une demande d’ordonnance de protection, l’un des objectifs poursuivis par ce texte est de donner au juge la possibilité de protéger les conjoints ainsi que leurs enfants, dans ce laps de temps.
C’est par « parallélisme des formes » avec la loi Chandler, que la sénatrice RDSE Maryse Carrère souhaitait porter dans la niche de son groupe un texte initialement appelé : « Loi instituant une ordonnance de sûreté de l’enfant victime de violences ». Elle reprend ainsi une des recommandations du rapport de la Ciivise, en instituant une ordonnance de sûreté de l’enfant victime de violences, inspirée de l’ordonnance de protection, dans les cas « vraisemblables de viol incestueux, d’agression sexuelle incestueuse ou de faits de violence susceptibles de mettre en danger un enfant, commis par une personne titulaire sur celui-ci d’une autorité de droit ou de fait ».
« Besoin de stabilité juridique »
Examinée, mercredi en fin d’après-midi dans l’hémicycle, la proposition de loi a été rejetée en commission des lois. « L’objectif de ce texte est de cibler spécifiquement les enfants dans le dispositif d’ordonnance de protection dans le cas par exemple, où les deux parents sont violents. Mais les personnes que nous avons auditionnées, magistrats, avocats, membres de la protection judiciaire de la jeunesse, les associations de protection de l’enfance, se sont montrées prudentes voire réticentes à voir s’accumuler les dispositifs juridiques. Ils ont souligné qu’en la matière, ils avaient besoin de stabilité juridique. Certains décrets de la loi Chandler ne sont même pas encore sortis. Et ce que propose la proposition de loi est par certains égards moins protecteur que les outils dont dispose le juge des enfants à qui incombe la protection de la jeunesse », explique la rapporteure LR, Marie Mercier.
Si la commission des lois « souscrit pleinement à l’objectif » du texte, Marie Mercier relève dans son rapport que « le juge des enfants dispose d’un large éventail de mesures d’assistance éducative afin de protéger un enfant présumé victime de violences ».
Telle que prévue dans la proposition de loi, l’ordonnance de sûreté est délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales, sans obligation de dépôt de plainte, le magistrat dispose d’un délai de quinze jours, contre six jours pour l’ordonnance de protection, pour prendre des mesures. « Le juge aux affaires familiales pourrait ainsi, dans le cadre de l’ordonnance de sûreté, procéder au retrait de l’autorité parentale, et non seulement au retrait de l’exercice de cette dernière. Or, le retrait de l’autorité parentale, prévu notamment à l’article 378 du code civil, revêt une rare gravité, et ne devrait pas pouvoir être ordonné lors d’une procédure d’urgence et, surtout, sans reconnaissance de culpabilité », relève le rapport, jugeant la mesure disproportionnée.
Réécriture via le dépôt d’un amendement
« C’était allé un peu trop loin », reconnaît Maryse Carrère qui a réécrit sa proposition de loi en déposant un amendement à son article unique. Il vise désormais à élargir les conditions de l’article 515-9 du code civil, selon lequel juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection, « aux cas de violences vraisemblables commises dans le cercle familial proche à l’encontre d’un enfant, et non plus seulement aux violences commises au sein du couple ». La sénatrice propose ainsi « de faire de l’ordonnance de protection l’outil général de protection judiciaire d’urgence, pour les cas de danger manifeste, des victimes de violences intrafamiliales, que les violences touchent uniquement les adultes du couple ou non ».
C’est pourquoi, si cet amendement est adopté, un autre amendement de Maryse Carrère propose de modifier l’intitulé du texte, en proposition de loi « renforçant la protection judiciaire de l’enfant victime de violences intrafamiliales ».