Voile dans les sorties scolaires : le Sénat divisé sur son interdiction
La commission de la culture et de l’éducation examinait, ce mardi, la proposition de loi imposant la neutralité religieuse pour les accompagnants scolaires. Un texte qui divise au sein des groupes politiques, notamment à cause du « climat » qui l’entoure.

Voile dans les sorties scolaires : le Sénat divisé sur son interdiction

La commission de la culture et de l’éducation examinait, ce mardi, la proposition de loi imposant la neutralité religieuse pour les accompagnants scolaires. Un texte qui divise au sein des groupes politiques, notamment à cause du « climat » qui l’entoure.
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« Il n’y a pas de difficulté. Un voile, c’est un signe religieux. Une kippa, c’est un signe religieux. Une grande croix, c’est un signe religieux. Pas de signe religieux dans le temps scolaire (…) les sorties scolaires font partie intégrante du temps scolaire ». C’est par ces mots que la sénatrice LR du Val d’Oise, Jacqueline Eustache-Brinio, a résumé, ce matin, l’enjeu de sa proposition de loi imposant la neutralité religieuse pour les accompagnants scolaires.

« Je retrouve exactement les mêmes arguments que lors de la loi sur le voile en 2004 ou que sur la Burqa » regrette Bruno Retailleau

Au même moment, en commission de la culture et de l’éducation, les sénateurs débattaient âprement du bien-fondé d’un tel texte. « Je retrouve exactement les mêmes arguments que lors de la loi sur le voile en 2004 ou que sur la Burqa (loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public NDLR) » relève le patron de la droite sénatoriale Bruno Retailleau, à la sortie de la commission. Il développe : « Certains nous disaient qu’en exigeant des collégiens et des lycéens qu’ils quittent le voile, on allait déscolariser les enfants, les stigmatiser. En réalité cette loi de 2004 (…) a permis à ce qu’on ne se défausse pas sur le corps enseignant. La loi sur la Burqa, certains disaient qu’elle était inconstitutionnelle. Le Conseil Constitutionnel l’a validé. Ce sont toujours des sujets qui enflamment les discussions. Moi, j’invite les uns et les autres à traiter ce texte avec énormément de sérénité ».

De la « sérénité » il en faut effectivement sur cette question de la laïcité. L’épisode de l’accompagnatrice scolaire voilée, priée par un élu RN, de quitter le conseil régional de Bourgogne Franche-Comté n’en a pas été une franche illustration, au vu des réactions qu’il a suscitées.

« Nous ne voulons pas tomber dans le piège de la provocation »

« Je ne m’opposerai pas à ce texte mais je pense qu’il aurait fallu en débattre à un autre moment, dans un climat plus serein » reconnaît Jacques Grosperrin, vice-président LR de la commission de la culture et de l’éducation.

Chez LREM, on s’en tient à la position exprimée par Édouard Philippe la semaine dernière au Sénat, jugeant qu’il y avait « plus important à faire » dans la lutte contre le communautarisme. « Nous voterons contre car nous ne voulons pas tomber dans le piège de la provocation qui a été faite par un élu du Rassemblement national » confirme Antoine Karam, vice-président LREM de la commission.

« L’incident grave qu’il y a eu lieu conseil régional ne doit pas dicter notre vote (…) Ce n’est pas parce qu’il y a un contexte difficile aujourd’hui qu’il faut se soustraire à notre responsabilité » considère, pour sa part, la sénatrice centriste Annick Billon qui votera en faveur de la proposition « mais notre groupe va être partagé » précise-t-elle.

« Hystérisation de questions qui doivent être traitées par les lois actuelles »

Du côté de l’autre côté de l’hémicycle le PS votera contre la proposition de loi. « On veut mettre en exergue un problème qui finalement n’existe pas. Il y a très peu de difficultés constatées dans les sorties scolaires liées au port de signes religieux (…) M. Retailleau et la droite sénatoriale portent un débat qui est une forme d’hystérisation de questions qui doivent être traitées par les lois actuelles de la République » estime Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat.

« C’est toute une forgerie électorale qui se prépare en vue des municipales »

« On votera contre car c’est une loi de circonstances qui n’aide ni la laïcité, ni l’école » complète Pierre Ouzoulias vice-président communiste de la commission de la culture et de l’éducation. « On a l’impression qu’on nous demande d’arbitrer un débat au sein des Républicains parce que cet amendement avait été voté par le Sénat (dans le cadre du projet de loi pour une école de la confiance) et ce sont Les Républicains qui l’avaient écarté en commission mixte paritaire (…) Ce texte arrive et dans les semaines qui viennent, il y en aura d’autres sur le même sujet. C’est toute une forgerie électorale qui se prépare en vue des municipales » pointe-il.

Pour mémoire, ce week-end, Bruno Retailleau a effectivement annoncé le dépôt prochain d’un autre texte visant à interdire « les listes communautaristes » aux élections (voir notre article).

Ce mardi, la proposition de loi, composée d’un article, qui vise à compléter le code de l’éducation, a été légèrement amendée sous l’impulsion du rapporteur LR du texte, Max Brisson. « On parle des sorties scolaires sur le temps scolaire. Je trouve que ça fait bien la différence et ça montre bien que l’on parle du temps scolaire hors les murs » se félicite Françoise Laborde, sénatrice RDSE et ancien membre de l’Observatoire de la laïcité.

La proposition de loi sera examinée en séance publique le 29 octobre, difficile à ce stade de miser sur son adoption.

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