« Volonté d’humilier », « jugement politique », « décision insensée » : chez LR, des voix s’élèvent contre le jugement du procès Sarkozy
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« Volonté d’humilier », « jugement politique », « décision insensée » : chez LR, des voix s’élèvent contre le jugement du procès Sarkozy

Outre les messages de soutien attendus à destination de l’ancien président de la République issu de leurs rangs, de nombreux élus LR se sont étonnés ce 25 septembre de la sévérité de la décision de justice. Au Sénat, plusieurs membres du groupe LR s'interrogent sur le bien-fondé de l'exécution provisoire.
Guillaume Jacquot

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Le jugement du tribunal de Paris, prononcé à l’encontre de Nicolas Sarkozy ce 25 septembre, a surpris dans les rangs de sa famille politique. Plusieurs figures des Républicains se montrent également effarées par les peines prononcées en début d’après-midi, dans le cadre du procès libyen. Reconnu coupable d’association de malfaiteurs, L’ancien président de la République a été condamné à cinq ans de prison pour avoir « laissé ses proches » démarcher la Libye de Mouammar Kadhafi

Le tribunal correctionnel a par ailleurs prononcé à son encontre un mandat de dépôt différé mais avec exécution provisoire (l’appel ne suspend pas l’incarcération), une décision d’une sévérité inattendue justifiée par la préparation d’une « corruption au plus haut niveau possible ».

Son parti, par la voix de son président, a officiellement réagi. Le communiqué, dans lequel Bruno Retailleau apporte son « soutien » et son « amitié » à l’ancien « serviteur » de la France, est resté volontairement court. « Nicolas Sarkozy, relaxé de trois des quatre chefs d’accusation et présumé innocent a fait appel de la décision. Je ne doute pas qu’il saura mettre toute son énergie à se défendre devant la cour d’appel et faire prévaloir son innocence », écrit celui qui est aussi ministre sortant de l’Intérieur.

« Disproportion »

C’est cet argumentaire, relatif à trois des chefs d’accusation tombés, qui revient dans beaucoup d’interventions d’élus de droite. Les juges n’ont pas suivi la lecture du parquet national financier (PNF), qui avait présenté Nicolas Sarkozy comme bénéficiaire de corruption par le financement de sa campagne électorale par des fonds libyens. Ils ont relaxé l’ancien président des faits de recel de détournement de fonds publics libyens, de corruption passive et de financement illégal de campagne électorale.

L’un des vice-présidents du parti, Daniel Fasquelle, a estimé sur BFMTV que le « cœur des accusations portées contre lui » se « sont effondrées ce matin » et qu’il y a une « disproportion, entre ce qu’on lui reproche encore, et la condamnation dont il fait l’objet ». « Il y a une incohérence totale, ce qui provoque une incompréhension qui peut être partagée par tous les Français […] Cette décision est une faute de la part de l’autorité judiciaire. Elle dessert la cause de la justice », dénonce sur la même antenne Geoffroy Didier. Le président délégué (LR) du conseil régional d’Île-de-France parle d’une « volonté d’humilier ».

François-Xavier Bellamy, sur le réseau social X, s’est élevé contre un « traitement exceptionnel » et un « jugement politique ». « Le tribunal juge qu’il n’y a eu ni corruption, ni détournement, ni financement illégal de campagne électorale. Mais Nicolas Sarkozy est condamné à cinq ans de prison – et privé d’un appel suspensif », s’étonne l’eurodéputé et vice-président délégué de LR.

Deux sénateurs en appellent à Emmanuel Macron pour « gracier » Nicolas Sarkozy

Le sénateur LR Stéphane Le Rudulier parle d’une « décision insensée qui abîme notre pays et nos institutions », d’une « condamnation invraisemblable » et d’un « tsunami de honte ». Le parlementaire des Bouches-du-Rhône va même jusqu’à demander à Emmanuel Macron « la grâce » de Nicolas Sarkozy, « un geste indispensable pour la nation et la dignité d’un homme comme de la fonction ». Son collègue Max Brisson en appelle lui aussi au chef de l’État, un geste « indispensable », selon lui « la dignité d’un homme, la fonction présidentielle et nos institutions ».

L’ancien député Georges Fenech, ancien magistrat, et ex-porte-parole de Nicolas Sarkozy au moment de la campagne présidentielle sur les sujets de justice, dénonce sur CNews un « crash judiciaire », et ajoute : « on vient de créer un nouveau délit : l’association de malfaiteurs par imprudence ».

Interrogations sur l’exécution provisoire

Le mandat de dépôt avec exécution provisoire fait également bondir plusieurs personnalités à droite. « Il y a un questionnement grandissant au sein de la société sur l’exécution provisoire d’une condamnation alors que les voies de recours ne sont pas épuisées et je ne le partage », a déclaré dans un communiqué le président du Sénat, Gérard Larcher. Le sujet était devenu médiatique en mars au moment du procès des assistants des eurodéputés RN, et de la condamnation de Marine Le Pen. Gérard Larcher dit « prendre acte » de la décision rendue par le tribunal.

« L’exécution provisoire, pour Nicolas Sarkozy, comme pour tout le monde, doit légitimement interroger, dans la mesure où l’on est présumé innocent jusqu’au jugement définitif. Il y a beaucoup de questionnements. Il faut remettre tout cela sur le bureau du législateur », considère également la sénatrice LR Laurence Garnier. L’ancienne ministre ajoute que se pose aussi la question « du syndicalisme de nos juges », qui peut « générer du doute chez les Français sur l’impartialité » des magistrats.

« Était-ce nécessaire d’aller aussi loin, en sachant ce que cela allait provoquer comme critiques envers la justice », s’interroge une sénatrice LR. « Dans la période actuelle, où il y a une justice à plusieurs étages, je ne suis pas sûre qu’il était bien inspiré de rendre cette décision comme elle a été rendue », ajoute-t-elle, qui se pose la question elle aussi de l’évolution du régime de l’exécution provisoire.

L’ancien rival de Bruno Retailleau pour la présidence du parti, Laurent Wauquiez, patron du groupe LR à l’Assemblée nationale, a choisi de ne pas commenter la décision de justice. « Je veux redire mon soutien et ma reconnaissance envers l’homme d’État qui a tant donné à notre pays et mon amitié pour l’homme », s’est-il contenté.

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