Vote bloqué : fronde unanime du Sénat contre le gouvernement
Les sénateurs ont dénoncé de manière unanime, ce mercredi, la volonté du gouvernement de bloquer le vote d’une proposition de loi communiste pour revaloriser les retraites agricoles, en utilisant l’article 44.3 de la Constitution. “Un coup de force” selon les sénateurs.

Vote bloqué : fronde unanime du Sénat contre le gouvernement

Les sénateurs ont dénoncé de manière unanime, ce mercredi, la volonté du gouvernement de bloquer le vote d’une proposition de loi communiste pour revaloriser les retraites agricoles, en utilisant l’article 44.3 de la Constitution. “Un coup de force” selon les sénateurs.
Alexandre Poussart

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« C’est un précédent extrêmement dangereux et un abus de droit de la part du gouvernement » a déploré, ce mercredi dans l’hémicycle du Sénat, Philippe Bas, président de la commission des Lois du Sénat, en évoquant la volonté du gouvernement de bloquer le vote d’une proposition de loi communiste pour revaloriser les retraites agricoles, en utilisant l’article 44.3 de la Constitution. Tous les groupes politiques du Sénat ont dénoncé ce « coup de force ».

Vote bloqué : fronde du Sénat contre le gouvernement
02:24

Si le Sénat vote le texte en l’état, il s’appliquera directement

Le gouvernement s’oppose ainsi à une proposition de loi, écrite par des députés communistes et votée par l’Assemblée nationale en février 2017 sous la précédente majorité socialiste, qui augmente les pensions de retraite des non salariés agricoles à 85% du Smic agricole net (987 euros par mois) contre 75% actuellement. Ce texte doit être examiné par les sénateurs, ce mercredi soir, et s’il est adopté en l’état il s’appliquera directement, sans décret, ce que refuse le gouvernement, opposé au coût de cette mesure (400 millions d’euros) et qui souhaite la reporter à la future réforme du système des retraites.

Qu’est-ce que l’article 44.3 dit du “vote bloqué” ?

En utilisant l'article 44.3 de la Constitution, le gouvernement oblige l’assemblée saisie à se prononcer sur le texte en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. En l'occurrence, le Sénat doit voter cette proposition de loi sur la hausse des retraites agricoles avec l’amendement du gouvernement qui reporte son application à 2020, afin de vérifier sa compatibilité avec la future réforme des retraites.

« Un coup de force d’une rare violence » pour la sénatrice communiste Eliane Assassi

Lors de son rappel au règlement à l’origine de la fronde des sénateurs, la présidente du groupe communiste Eliane Assassi a dénoncé « un coup de force d’une rare violence contre une proposition de loi d’initiative parlementaire ». C’est la première fois qu’un gouvernement utilise le vote bloqué contre une proposition de loi à l’initiative d’un groupe parlementaire.

Fronde unanime des sénateurs 

Les groupes politiques centriste, socialiste et radical ont tenu à s'associer au rappel au réglement de leur collègue communiste et à dénoncer ce passage en force du gouvernement. "On confond légiférer vite et légiférer bien", a noté la centriste Nathalie Goulet. Cet événement intervient alors que le gouvernement a entamé les discussions avec les parlementaires sur la révision constitutionnelle et que la réforme du droit d'amendement fait grincer des dents au Sénat.

Le Sénat met la pression sur le gouvernement

Vote bloqué : Olivier Dussopt face à la fronde des sénateurs
01:16

Présent dans l’hémicycle du Sénat ce mercredi après-midi, le secrétaire d’Etat à la fonction publique Olivier Dussopt a répondu qu’il transmettrait les propos des sénateurs au Premier ministre Edouard Philippe dans les plus brefs délais. Philippe Bas n’a pas hésité à presser le ministre de contacter Matignon, en demandant une suspension de séance immédiate. Le président du Sénat Gérard Larcher va réunir les présidents des groupes politiques du Sénat, ce mercredi soir, sur ce sujet.

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Les associations seront-elles sacrifiées par le serrage de vis budgétaire ?

Il l’a annoncé mardi, François Bayrou veut faire 43,8 milliards d’euros d’économies. Tous les ministères sont priés de contribuer à l’effort, sauf la défense, la sécurité, la santé et l’écologie. Une des missions qui voit ses crédits diminuer, c’est la mission Sport, jeunesse et vie associative. Cette baisse, conjuguée à la baisse des crédits alloués à la mission Aide publique au développement est un mauvais signal pour les associations françaises, qui sont déjà dans une mauvaise passe. En France, le 1,27 million d’associations sont financées de trois manières : par les subventions de l’Etat, des collectivités locales et par les dons, qui permettent de bénéficier de réduction d’impôts. L’inspection générale des finances chiffre à 53 milliards d’euros le financement public alloué aux associations en 2023. -17,6 % sur la mission Sport, jeunesse et vie associative La mission Sport, jeunesse et vie associative finance de très nombreux dispositifs : la politique en faveur du sport, des Jeux olympiques de 2030, de la politique en faveur de la jeunesse mais aussi de la vie associative. D’autres missions budgétaires participent à ce financement, comme l’Aide publique au développement. Or, ces deux missions voient leurs crédits diminuer dans le projet de budget pour 2026. Dans le tiré à part, le document qui liste les dépenses prévues pour chaque mission budgétaire, présenté le 15 juillet, les crédits de la première sont prévus à 1,2 milliard d’euros pour 2026, contre 1,5 milliard en 2025, soit une baisse de 300 millions d’euros. Pour l’APD, c’est une baisse de 700 millions d’euros. Pour Éric Jeansannetas, sénateur PS de la Creuse et rapporteur des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative au Sénat, cette baisse est « extrêmement inquiétante ». « C’est une baisse de 300 millions d’euros sur un budget de 1 700 millions, la plus petite mission du budget. On la sacrifie, c’est elle qui perd le plus de crédits en proportion », juge-t-il. Cela inquiète les associations. « 300 millions d’euros, c’est -17,6 % », s’inquiète Pauline Hery, chargée de plaidoyer à France Générosités, « cela montre un recul du financement de la solidarité ». Mais à ce stade, il est difficile pour elle de savoir à quoi s’attendre, le budget n’en est qu’au début de son parcours. Elle n’est pas très optimiste : « On s’attend à des baisses, on sait qu’il y aura des efforts à faire partout ». 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Les coupes budgétaires, combinées à l’année blanche annoncée par le Premier ministre font craindre une augmentation de la pauvreté et des besoins d’aide, par exemple alimentaire. « Si les financements de la vie associative baissent, cela se répercutera sur les missions d’intérêt général qu’elles mènent, et elles devront être remplies par l’Etat, ce qui coûtera plus cher et risque de détruire le tissu social », regrette Pauline Hery, « on a du mal à comprendre que les associations soient mises en première ligne des économies ». Éric Jeansannetas abonde : « Il y aura un retrait des collectivités territoriales des associations d’insertion sociale. Les politiques en direction des jeunes vont être sacrifiées dans ce budget qui va nous être présenté. Cela met en péril nos politiques publiques ». A l’heure où nous écrivons ces lignes, tout reste encore ouvert. La version finale du budget, s’il est voté en temps et en heure, a rarement été aussi imprévisible.

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