En l'absence d'un nombre suffisant de membres de la majorité, les députés ont supprimé vendredi en commission un des articles clés du projet de révision constitutionnelle qui prévoit de limiter le droit d'amendement, un "revers" selon l'opposition.
Ce vote surprise n'a toutefois pas de conséquence sur le contenu du projet de loi, la commission donnant un simple avis sur les amendements, avant leur examen dans l'hémicycle à partir du 10 juillet.
Par 7 voix contre 6, la commission des Lois a adopté des amendements LR, PS, PCF, LFI, FN, de quelques LREM (Paul Molac et François-Michel Lambert) et de la quasi totalité du groupe allié MoDem, prévoyant la suppression de cet article 3 du projet de loi constitutionnelle qui prévoit des nouveaux cas d'irrecevabilité... des amendements (quand ils sont hors du "domaine de la loi", "dépourvus de portée normative"...).
La mesure avait été critiquée très tôt par les oppositions comme un "bâillonnement du Parlement".
"La majorité LREM cherche à écorner la démocratie en réduisant le droit d'amendement des parlementaires. A l'instant, les députés de toutes les oppositions ont battu en brèche une majorité qui rêve de toute puissance", s'est félicité sur Twitter Arnaud Viala (LR), son collègue Julien Aubert estimant que "la majorité a donné son avis... en votant avec ses pieds... et en désertant".
"Nous continuerons de tout faire pour que le Parlement ne devienne pas croupion, comme le veut Emmanuel Macron", a assuré à l'AFP Fabien Di Filippo (LR), y voyant un "sacré revers" pour la majorité.
Le droit d'amendement est "à la base du travail parlementaire et constitue une garantie démocratique", a aussi souligné sur Twitter Michel Castellani, un des députés de Corse (non-inscrit) qui avait aussi demandé la suppression de l'article litigieux.
En commission, le rapporteur général Richard Ferrand (LREM) a plaidé que l'inflation des amendements depuis plusieurs années a plutôt porté "atteinte à la qualité de la loi". "Je ne suis pas favorable au statu quo", a lancé le président du groupe majoritaire (ex-PS), invoquant l'exemple des règles d'irrecevabilité appliquées au Sénat.
De son côté, le socialiste David Habib a dénoncé avec le projet d'Emmanuel Macron une "stratégie de cadenassage de l'action parlementaire", qui, a-t-il glissé à l'égard de son ancien collègue M. Ferrand, "ne vous correspond pas".
Porte-parole des macronistes pour la réforme des institutions, Sacha Houlié a critiqué un "faux procès" des oppositions, et relevé que par l'article 3, c'est aussi "la première fois que le gouvernement accepte une limite à ses propres amendements", avec des règles identiques aux parlementaires.
Le groupe LREM avait prévu de modifier le projet pour "admettre les amendements (du gouvernement comme des parlementaires, ndlr) dès lors qu’ils présentent un lien direct ou indirect" avec le texte étudié, mais du fait du vote accidentel de suppression de l'article, la proposition n'a pu être débattue.