La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Yémen : première visite de parlementaires depuis le début de la guerre civile
Par Héléna Berkaoui
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Une délégation de parlementaires s’est discrètement rendue au Yémen, à l’invitation de la coalition menée par l’Arabie saoudite, le mercredi 28 mai. Petit pays situé au sud de la péninsule arabique, le Yémen est ravagé par une guerre civile qui dure depuis 2014. Selon l’ONU, le bilan des pertes civiles dépasse les 10 000 morts, la famine menace près de 7 millions de personnes et une importante épidémie de choléra s’est propagée dans le pays en 2017.
Le conflit oppose les rebelles Houthis – accusé d’être soutenus par l’Iran – et une coalition de pays arabes menée par l’Arabie saoudite qui a lancé, en mars 2015, l’opération « tempête décisive ». La coalition menée par l'Arabie saoudite, régulièrement critiquée pour ses bombardements intensifs sur le Yémen, a donc organisé et financé le déplacement de ces parlementaires. Ces derniers étaient accompagnés de l'ambassadeur de France au Yémen, actuellement basé à Riyad. Aucune visite de parlementaires français n’avait eu lieu depuis le début de la guerre civile.
Nathalie Goulet, sénatrice centriste de l’Orne, Hervé Maurey, sénateur centriste de l’Eure, Fabien Gouttefarde, président du groupe d'amitié France Yémen à l'Assemblée LREM, Xavier Iacovelli, sénateur PS des Hauts-de-Seine , André Reichardt, sénateur LR du Bas-Rhin et Michel Amiel, sénateur LREM et président du groupe France Yémen au Sénat ont donc fait une visite éclair et discrète à Marib, au nord-est du Yémen. Michel Amiel, qui a exercé la médecine généraliste pendant près de trente ans et qui a également effectué des missions humanitaires au cours de sa carrière, a accepté de répondre aux questions de Public Sénat.
Vous vous êtes rendu au Yémen avec une délégation de parlementaires le 28 mai dernier, quel était le but de votre déplacement ?
Je suis président du groupe d’amitié France Yémen, donc c’était l’occasion d’aller voir sur place comment les choses se passent. Nous avons fait ce déplacement à l’invitation des autorités saoudiennes, ce qui fait que la vision des choses était un peu unilatérale mais compte tenu des circonstances politiques et militaires actuelles c’était la seule façon raisonnable de pouvoir se rendre au Yémen.
On a vu un tout petit segment du pays qui est la ville de Marib, c’est une ville qui jouit d’une relative tranquillité mais il y a quand même eu une Katioucha (une roquette NDLR) qui est tombée et qui a fait des victimes avant notre arrivée. Sur le plan de la politique intérieure, le gouverneur de Marib contrôle sa ville en ayant créé un consensus autour de lui, avec d’autres tribus. Il est rattaché au gouvernement du Yémen officiel du président Hadi qui, aujourd’hui, est en exil à Riyad (Arabie Saoudite).
Sur un plan sanitaire, il y a quelques camps de réfugiés. On a vu un centre de réadaptation fonctionnelle où on équipe des gens qui ont subi des amputations suite aux dégâts provoqués par les mines anti-personnelles.
Ce qu’on espérait voir c'était des ONG et on n’en a pas vues. Quand on a demandé pourquoi, on a eu deux types de réponses : on nous a dit : « il y a en a mais c'est normal que vous ne les ayez pas vues aujourd'hui» ; ou bien : « elles sont basées à Sanaa et les Houthis les empêchent d’aller ailleurs ». Ce que nous voulons entendre maintenant, c’est la vision des ONG qui sont sur place pour compléter l’information. Voilà la méthode que nous allons utiliser pour être le plus honnête possible.
Votre délégation s’est rendue sur place à l’invitation de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite – qui bombarde intensément le Yémen depuis 2015 – ne craignez-vous pas que ce déplacement soit interprété comme une prise de position politique ?
Chacun interprétera les choses comme il le veut. Je ne vous ai pas parlé de neutralité, qui est un mot assez flou en termes de politique internationale, mais plutôt d’honnêteté intellectuelle. Il ne s’agit en aucune manière de cautionner ou de montrer du doigt l’Arabie saoudite là-bas. L’Arabie saoudite n’intervient pas à terre parce que c’est extrêmement dangereux compte tenu du fait que les Houthis sont des gens extrêmement aguerris au combat, d’où les bombardements qui ont été si largement critiqués. Après, en face on n’a pas forcément affaire à des enfants de cœur et encore une fois la France essaie de parler à tout le monde, ce qui me paraît normal dans le cadre de la diplomatie parlementaire.
Derrière ce conflit yéménite on peut parler de guerre par procuration entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Si on fait un peu de géopolitique, le fin mot de l’histoire c’est que l’Arabie Saoudite n’accepte pas que l’Iran pose le moindre petit doigt sur la péninsule arabique. Alors quelle est la part de l'intervention de l’Iran derrière les Houthis ? Je vous avoue que je suis incapable de le dire et bien fort est celui qui est capable de le dire. Elle n’est certainement pas majeure mais elle n’est pas insignifiante non plus.
La coalition saoudienne a bombardé 4 hôpitaux de MSF, vous qui êtes médecin, que pensez-vous des méthodes de la coalition menée par l’Arabie Saoudite ?
C’est factuel, ce sont des informations qu’on a eues et bien évidemment il n’est pas question de cautionner en quelque mesure que ce soit la politique militaire de l’Arabie saoudite. Nous, dans le cadre du groupe d’amitié France Yémen, notre but est d’essayer de par cette présence de dire que nous sommes quand même un grand pays démocratique et que nous voulons participer – je dis bien participer, restons modestes – d’un processus de paix, d’où la conférence qu’a annoncée Emmanuel Macron.
Dans une tribune publiée dans les colonnes de Libération, le député de LREM, Sébastien Nadot, a réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête sur les ventes d’armes au Yémen. Alors que l’Arabie saoudite est le deuxième client de la France en matière d’armement, partagez-vous cette demande ?
Non, je ne suis pas dans ce type de démarche. Chacun est dans son rôle, moi je suis allé là-bas dans le cadre d’une approche de diplomatie parlementaire et d’une démarche humanitaire. Sur l’aspect militaire, on ne va pas tomber dans l’angélisme, ils se battent avec des armes d’origines diverses et variées. Je rappelle quand même qu’il y a une résolution de l’ONU qui a apporté son soutien à l’intervention de la coalition menée par l’Arabie saoudite et tout ça est extrêmement compliqué.
À l’occasion de la visite du prince héritier saoudien à Paris, Emmanuel Macron a annoncé l’ouverture d’une conférence humanitaire commune sur le Yémen. Cette conférence devrait se tenir à la fin du mois de juin.