Un panneau affichant pollution zone ZFE et vignette CritAir de 0 a 2 obligatoire a Lyon

Zones à faibles émissions (ZFE) : le Sénat lance une consultation en ligne

Ouvert pendant un mois, le questionnaire doit permettre d’enrichir l’analyse du Sénat sur la mise en œuvre des restrictions et de mieux comprendre les contraintes des automobilistes, particuliers ou professionnels.
Caroline Deschamps

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Après les consultations sur les trottinettes électriques et l’avenir du périphérique, c’est une nouvelle occasion de faire entendre sa voix sur le sujet des transports. Et, cette fois, cela ne concerne pas uniquement les Parisiens ! Sur son site Internet, le Sénat a lancé ce lundi une consultation ouverte à tous au sujet des zones à faibles émissions (ZFE), zones où les véhicules les plus polluants sont peu à peu interdits de circulation. D’ici fin 2024, la loi prévoit que toutes les 43 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants aient mis en place une ZFE.

Une dizaine de milliers de personnes ont déjà répondu au questionnaire en ligne du Sénat, disponible jusqu’au 14 mai. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable cherche à « mieux identifier les difficultés » rencontrées par principaux concernés. Cette consultation s’inscrit dans le cadre d’une mission d’information sur l’acceptabilité des ZFE. Ses conclusions devraient être rendues en juin. Une série d’auditions et des déplacements sur le terrain sont menés en parallèle.

La ZFE, un dispositif à la fois impopulaire et assez peu connu

Malgré les « raisons écologiques et de santé publique » avancées par le ministre des Transports, Clément Beaune, les villes doivent composer avec le caractère parfois excluant des ZFE. Les vignettes « Crit’Air » classent sur une échelle de 1 à 5 le niveau de pollution d’un véhicule et décident dès lors s’il peut rouler dans la zone. Les coûts du remplacement d’un véhicule polluant par un véhicule dit « propre » font l’objet d’inquiétudes parmi les automobilistes concernés.

« ZFE », « Crit’Air »… Un nouveau vocabulaire avec lequel l’ensemble de la population est encore loin d’être familier. Selon une étude de l’institut CSA publiée début avril, 51 % des Français connaissent les ZFE, soit 14 % de plus qu’en 2022. Seuls 36 % des sondés ont su attribuer le bon Crit’Air à leur véhicule. Une des causes : « un défaut d’information » d’après Philippe Tabarot, rapporteur de la mission d’information du Sénat sur l’acceptabilité et la mise en œuvre des ZFE. Le questionnaire en ligne du Sénat débute d’ailleurs par la simple question « Savez-vous en quoi consiste une ZFE ? ».

Parmi les autres questions posées, figurent « Quels vous semblent être les plus gros obstacles à l’acceptabilité des ZFE en France aujourd’hui ? » ; « Envisagez-vous de changer de véhicule en faveur d’un véhicule propre du fait de la mise en place des ZFE ? » ; « Avez-vous connaissance des aides financières pour l’acquisition d’un véhicule propre ? ». Il est également possible d’écrire directement son ressenti et ses recommandations.

« Des règles différentes en fonction des agglomérations »

Dominique Gambier, maire de Déville-lès-Rouen, commune située dans une ZFE, se réjouit de cette consultation et a déjà commencé à la partager. L’élu normand regrette que la mise en œuvre « précipitée » de la ZFE soit gérée par le président de la Métropole Rouen Normandie et que l’avis des maires soit peu pris en compte. Dans sa commune, « le périmètre de la ZFE est construit sur la base des limites communales et pas sur les flux de circulation », observe-t-il. En d’autres termes, le début de cette ZFE se situe en plein milieu d’une route.

Des spécificités locales que tente d’étudier le Sénat par des initiatives comme la consultation en ligne lancée ce lundi. Philippe Tabarot reconnaît des « règles différentes en fonction des agglomérations ». Le défi : « prendre en compte les spécificités des territoires – c’est notre rôle au Sénat – tout en harmonisant », précise le sénateur LR des Alpes-Maritimes. Le Sénat avait déjà fait part de ses craintes sur les ZFE en juillet 2021, lors de l’examen du projet de loi « Climat et résilience » qui a instauré le dispositif. Seule la création d’un prêt à taux zéro pour l’acquisition de véhicules peu polluants avait été maintenue.

» Lire aussi : Zones à faibles émissions : « Le sujet n’est pas d’emmerder les Français », veut rassurer Christophe Béchu

Des changements annoncés au sein du calendrier de certaines ZFE

Bonne nouvelle : les modalités de mise en œuvre des ZFE ne sont pas figées. Onze métropoles, dont les premières ont été Lyon, Grenoble et Paris, ont leurs ZFE. Chacune dispose de son propre calendrier. Face aux critiques d’une arrivée des ZFE jugée parfois trop brutale, des assouplissements sont déjà mis en place.

La Métropole du Grand Paris vient d’annoncer un nouveau report de la 3ème étape de sa ZFE. Elle concernera les voitures classées Crit’Air 3 (diesel d’avant 2011, essence d’avant 2006) et n’arrivera pas avant la fin des JO 2024. Quant à la Métropole de Lyon, elle a promis en février un « assouplissement » du calendrier de sa ZFE et une « remise à plat » de son extension. Une réponse au « besoin d’une acceptabilité du plus grand nombre », selon Bruno Bernard, président écologiste de la Métropole de Lyon.

Circuler dans une ZFE avec un véhicule non autorisé est passible d’une amende de 68 euros, voire de 135 euros notamment pour les poids lourds. Dans la ZFE du Grand Paris, environ 800 000 véhicules n’ont plus le droit de circuler depuis 2021. Pour l’heure, peu d’automobilistes sont verbalisés. Un contrôle automatisé par des caméras intelligentes est envisagé.

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C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route, on fausse toutes les références, on  va constater une baisse significative qui ne correspond pas à la réalité » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. Avec cette nouvelle version, le gouvernement cible les produits qui peuvent se voir interdits par l’Union européenne d’ici trois à cinq ans. Une stratégie que revendique Marc Fesneau dans Le Parisien : « Affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative. Et c’est justement pour ça qu’on en réglemente les usages. Si on les a classés par niveau de dangerosité, c’est bien que certains sont dangereux et d’autres ne le sont pas ou plus faiblement. L’objectif de la stratégie est de mieux connaître le risque de leur usage pour la santé et de le réduire ». Une affirmation avec laquelle Daniel Salmon est en profond désaccord. « On entend la petite musique selon laquelle il y a des bons et des mauvais pesticides. Il y a certes des pesticides plus dangereux que les autres, mais ils sont tous toxiques car ils tuent tous du vivant. Il n’y a pas de pesticide qui soit anodin » confie-t-il. Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. Mais on assiste à une multitude d’annonces séduisantes, mais qui ne verront jamais le jour. Depuis les mesures annoncées après la crise agricole, lesquelles ont été réellement mises en place ? ». Le sénateur travaille sur le projet de loi d’orientation agricole, qui passera au Sénat dans l’hémicycle à la mi-juin. Il regrette de ne pas y trouver les mesures annoncées par le ministre.

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