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Accès aux soins : la proposition de loi Valletoux remaniée en commission des affaires sociales du Sénat

Les sénateurs ont adopté en commission ce 18 octobre la proposition de loi « visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels », après plusieurs modifications importantes.
Guillaume Jacquot

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Au tour du Sénat de se saisir de la proposition de loi Valletoux, du nom de son auteur, le député Frédéric Valletoux (Horizons), connu pour avoir présidé la Fédération hospitalière de France de 2011 à 2022. Adopté par les députés en juin, le texte est présenté comme un moyen d’améliorer l’accès aux soins. Si les discussions, tendues, à l’Assemblée nationale n’ont pas débouché sur l’inscription de mesures coercitives concernant la liberté d’installation des médecins libéraux, la proposition de loi constitue suscite toujours en l’état l’opposition des représentants de la profession (relire notre article), l’intersyndicale y voyant une « redoutable menace pour l’exercice libéral ». Dans une volonté d’apaiser les organisations de médecins libéraux, le ministère de la Santé, en plus de relancer les négociations sur le tarif des consultations, entend se rapprocher des parlementaires pour « travailler à une meilleure rédaction ».

Cette première lecture au Sénat, dans ce contexte social tendu, est donc tout sauf dénuée d’enjeux. Examiné ce 18 octobre en commission des affaires sociales, la proposition de loi a fait l’objet de plusieurs ajustements notables.

Suppression du rattachement automatique des soignants dans les communautés professionnelles territoriales de santé

L’une des premières corrections d’ampleur concerne le rattachement automatique des soignants dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), très décrié par les syndicats de médecins. Ce mode d’organisation créé en 2016 qui vise favoriser la coopération des soignants de la ville autour d’un même projet, et à l’intérieur d’un territoire donné. Emmanuel Macron a fait de cette organisation l’une des clés de résolution de la crise que traverse notre système de santé. En avril dernier, il a fixé l’objectif que tout le territoire d’ici la fin de l’année soit couvert par une CPTS.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, le rattachement par défaut des soignants aux CPTS avait crispé notamment les députés LR, cet article figurant, selon leur orateur, au rang des « repoussoirs ». L’adhésion automatique aux CPTS a été retirée dans le texte adopté par la commission des affaires sociales. La rapporteure Corinne Imbert a rappelé que ce dispositif devait être « facultatif ». « En contraignant inutilement les professionnels de santé, les dispositions pourraient s’avérer contreproductives », a-t-elle indiqué.

Les modifications sénatoriales en commission se sont aussi portées sur la réorganisation de la permanence des soins, abordée dans l’article quatre de la proposition de loi. Selon le texte sorti de l’Assemblée nationale, tous les établissements de santé – publics comme privés – devront contribuer à la permanence des soins. Une façon de faire contribuer davantage les cliniques aux prises en charge des populations, la nuit, les week-ends ou les jours fériés. En juin, Frédéric Valletoux avait indiqué à l’Assemblée nationale que ces permanences de soin étaient assurées, du côté des établissements, par les hôpitaux et les structures privées à but non lucratif à hauteur de 87 %, et par les cliniques à hauteur de seulement 13 %, sachant que ces dernières représentent 24 % du total des lits en France, selon la DRESS.

L’article a été réécrit, sous la plume de la rapporteure Corinne Imbert, qui souhaite que la permanence des soins s’organise de manière « strictement proportionnée aux besoins de santé du territoire ». Les sénateurs ont défendu un principe de « gradation du processus », c’est-à-dire poser le principe de responsabilité des établissements avant que le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) ne les appelle. Ils ont également indiqué que les ARS devaient veiller à ce que l’organisation des gardes et astreintes ne génèrent des « lignes en surnombre » et à préserver du temps médical.

La commission des affaires sociales renforce l’encadrement de l’intérim médical

L’une des autres dispositions phares de la proposition de loi est d’interdire à tous les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière, que ce soit dans les hôpitaux, les Ehpad ou encore les laboratoires de biologie. La définition de cette durée serait à la main du gouvernement, qui la préciserait dans un décret en Conseil d’État. Les abus dans l’intérim médical constitue à la fois une charge budgétaire lourde sur les hôpitaux, elle pèse aussi sur la qualité des soins à travers l’absence d’intégration régulière d’un professionnel au sein d’un service.

Pour rappel, cette réforme figurait dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale adopté l’an dernier (PLFSS 2023), mais ce point avait été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il n’avait pas sa place dans ce type de texte. En juin, les députés ont même étendu cette interdiction aux professions de la protection de l’enfance et de l’accompagnement socio-éducatif.

Considérant que les arguments ne valaient pas seulement pour le début d’une carrière, la commission des affaires sociales du Sénat est allée plus loin en fixant une limite de l’exercice intérimaire pour l’ensemble des professionnels. Comme lors du précédent PLFSS, la commission des affaires sociales a réécrit l’article, de sorte que l’intérim ne puisse pas être un mode d’exercice à plein temps.

Refus de mettre à disposition les fonctionnaires territoriaux aux cabinets médicaux

Tout comme l’article qui prévoyait un rattachement par défaut des soignants aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), d’autres articles de la proposition ont été élaguées en commission. C’est le cas de celui qui visait à ouvrir aux cabinets de médecin la mise à disposition temporaire de fonctionnaires des collectivités territoriales, dans les déserts médicaux. Cette idée a été rejetée par la commission des affaires sociales. En mars, le Sénat s’était déjà opposé à une proposition de loi similaire, déposée par Dany Wattebled (Les Indépendants).

Exit également l’article 10, qui proposait la création d’une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talents-professions médicales et de la pharmacie ». La rapporteure Corinne Imbert rappelle que cette disposition était incluse initialement dans le projet de loi immigration.

L’indicateur territorial de l’offre de soins, introduit au cours des débats à l’Assemblée nationale pour évaluer la densité de l’offre de soins des territoires et donc jouer sur la régulation, n’a pas non plus survécu à l’examen en commission des affaires sociales. « Il existe déjà une diversité d’indicateurs », a objecté la rapporteure Corinne Imbert. Cette dernière a également souligné que les ARS n’auraient pas les capacités d’actualiser un tel indicateur tous les deux ans.

À noter par ailleurs qu’un amendement porté par dix sénateurs des groupes LR, Union centriste et des Indépendants, a remis sur la table la piste de déconventionner de l’Assurance maladie les médecins libéraux qui feraient le choix de s’installer dans des zones déjà bien pourvues. Cette piste de régulation à l’installation a été repoussée.

À plusieurs reprises, ce type de débat a enflammé l’hémicycle, le dernier en date remontant au dernier PLFSS, en novembre 2022. L’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé de loi en 2019 s’était lui aussi déroulé sous haute tension, lorsque les amendements relatifs à la régulation de l’installation des médecins ont été discutés. Ce type de ligne de fracture, entre parlementaires de territoires ruraux, et les sénateurs de la commission des affaires sociales, pourrait à nouveau se manifester durant les trois à quatre jours de séance programmées la semaine prochaine, pour l’examen de la proposition de loi Valletoux.

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