Augmentation des franchises médicales, délai de prise en charge des arrêts maladie, affections longue durée, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin a précisé, dans un entretien accordé au journal Le Monde le 26 juillet, les mesures d’économies que le gouvernement souhaite prendre pour réduire les dépenses de santé.
Le 15 juillet, lors de la présentation des orientations budgétaires du gouvernement, François Bayrou évoquait des économies à hauteur de 5 milliards d’euros. Catherine Vautrin propose 5,5 milliards d’économies et les principales mesures devraient toucher les arrêts maladies, la franchise médicale et les affections longue durée. « Il ne s’agit pas du tout de culpabiliser les Français, personne ne choisit d’être malade, mais nous voulons responsabiliser les assurés », explique la ministre dans son entretien au journal Le Monde.
Les arrêts maladie au cœur des pistes d’économie
Concrètement, pour parvenir à freiner de 5,5 milliards d’euros l’augmentation des dépenses de santé, le gouvernement propose le doublement du plafond des franchises médicales à 100 euros par an (soit les sommes non remboursées aux patients). La ministre veut également s’attaquer à la prise en charge des arrêts maladie par l’Assurance maladie. « La question d’un transfert de la prise en charge des arrêts maladie, jusqu’au septième jour, à l’employeur, est à l’étude », affirme Catherine Vautrin. Par conséquent, les entreprises seraient amenées à prendre en charge la rémunération de leur salarié une fois le troisième jour de carence passé. Par ailleurs, le premier arrêt maladie devrait être plafonné à quinze jours en médecine de ville et à un mois en sortie d’hospitalisation.
Autre piste, celle des affections longue durée dont la ministre estime qu’il faut « faciliter la sortie de ce régime, quand le médecin déclare que vous êtes pleinement guéris d’un accident vasculaire cérébral ou d’un cancer, par exemple ». Ce dispositif qui concerne 13 millions de personnes atteintes de maladies chroniques devrait être réformé. On distingue l’ALD « exonérante » qui concerne une liste de 30 maladies, notamment des cancers et autres pathologies graves, et qui permet un remboursement au maximum du plafond de remboursement par l’Assurance Maladie et l’ALD dite « non exonérante ». Cette dernière, que le gouvernement compte supprimer, permet d’obtenir des arrêts supérieurs à six mois avec des remboursements aux taux habituels.
« Les économies sont atteignables en passant par une sobriété des dépenses, surtout pour l’assurance maladie »
« La régulation est nécessaire pour que notre système social puisse durer le plus longtemps possible. Si on laisse courir le déficit de la sécurité sociale, ça sera difficile de la maintenir telle qu’elle est aujourd’hui » affirme la sénatrice centriste et rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau. Alors que la sécurité sociale fêtera prochainement ses 80 ans d’existence, la sénatrice de la Mayenne juge que des efforts sont nécessaires pour assurer son fonctionnement futur. Élisabeth Doineau rappelle également que le déficit de l’Assurance maladie devrait atteindre 16 milliards d’euros pour 2025 selon le rapport annuel « charges et produits » de l’Assurance-maladie.
Début juillet, la majorité sénatoriale, composée du groupe Union centriste et du groupe Les Républicains, avait formulé conjointement ses pistes d’économies et envisageait 10 milliards d’économie pour le budget de la sécurité sociale dont la moitié serait issue de la réduction des dépenses et l’autre moitié pour l’année blanche. « Les économies sont atteignables en passant par une sobriété des dépenses, surtout pour l’assurance maladie », pointe Élisabeth Doineau qui souligne que les pistes sénatoriales ont été largement prises en compte.
« Réduire le nombre d’arrêts maladie est l’un des axes principaux pour réduire les dépenses »
« J’ai trouvé que ce qu’elle exposait était pertinent sur le fond et assez clair du point de vue de la forme. Ce sont des mesures concrètes qui visent à responsabiliser les patients », abonde le sénateur centriste et membre de la commission des affaires sociales, Olivier Henno. Plusieurs membres insistent notamment sur la nécessité de limiter la progression des arrêts maladies. « Il faut absolument freiner la montée en charge des arrêts maladie », affirme Élisabeth Doineau. Pour la sénatrice LR et rapporteur de la branche « Assurance maladie » pour la Commission des Affaires sociales, Corinne Imbert, « réduire le nombre d’arrêts maladie est l’un des axes principaux pour réduire les dépenses ».
Si la majorité sénatoriale soutient la philosophie des mesures proposées par le gouvernement, quelques ajustements pourraient néanmoins intervenir. « Au niveau des parlementaires on a sans doute des idées différentes, j’entends beaucoup de propositions, notamment celle d’aligner le régime du public sur celui du privé », évoque Élisabeth Doineau. « Il faut sans doute distinguer en fonction de la nature des arrêts maladie et introduire une notion d’urgence, notamment en cas d’opération, qui éviterait l’application du délai de carence », avance Olivier Henno. De son côté, Corinne Imbert regrette que « le doublement des franchises n’ait pas vraiment été débattu ».
Des économies au détriment des assurés sociaux
A gauche de l’hémicycle, l’appréciation est beaucoup moins indulgente. « Ce qu’annonce la ministre est un marqueur d’une politique extrêmement droitière qui vise à taper uniquement sur les malades », affirme Bernard Jomier, sénateur socialiste de Paris et membre de la commission des affaires sociales. Ce dernier regrette que le gouvernement prenne conscience d’une augmentation du nombre de maladies chroniques sans en tirer les conséquences en matière de prévention. Un constat partagé par le sénateur communiste Ian Brossat qui a estimé que les 5,5 milliards d’économies seraient réalisées sur le dos des malades.
« En ce qui concerne les arrêts maladie, on est presque dans le comique de répétition. L’année dernière on a annoncé 15 000 contrôles sur les médecins généralistes pour éviter les arrêts trop nombreux, mais ça n’a rien changé. Par ailleurs, en plafonnant à 15 jours la durée du premier arrêt maladie, on va faire augmenter mécaniquement le nombre de consultations », déplore Bernard Jomier. Enfin, le sénateur de Paris fustige l’absence de mesures sur « l’hyper-rentabilité de certains secteurs comme la radiologie » qui constate que l’objectif est « de faire payer les assurés sociaux ».