Budget 2026 de la Sécurité sociale : le point sur les concessions gouvernementales et les mesures d’économies compromises
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Budget 2026 de la Sécurité sociale : le point sur les concessions du gouvernement

En plein examen sur le projet de loi de finances, le gouvernement s’est dit prêt à reculer sur plusieurs mesures d’économies sur l’autre texte, dont les débats démarrent ce 4 novembre : le budget de la Sécurité sociale. Des majorités en hémicycle pourraient aussi donner le coup de grâce à d’autres dispositions sources de tensions. De quoi remodeler profondément le texte.
Guillaume Jacquot

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À quoi ressemblera le budget pour la Sécurité sociale au mois de décembre ? Vraisemblablement pas à celui qui est sorti du Conseil des ministres voilà trois semaines. Alors que l’Assemblée nationale a dû interrompre ses débats sur le volet fiscal du projet de loi de finances pour 2026, qu’elle reprendra le 12 novembre, c’est au tour du projet de loi de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) d’être désormais débattu dans l’hémicycle.

L’issue du texte est encore très incertaine, mais le contenu devrait évoluer significativement au fil des débats des prochains jours, et certains points de friction devraient en toute logique disparaître. C’est ce que laissent présager certains renoncements du gouvernement et les votes intervenus en commission des affaires sociales, le tour de chauffe avant l’examen en séance. Car l’hémicycle repart toujours de la copie initiale, lorsqu’il s’agit de textes budgétaires. Et les députés devraient nettement s’éloigner du point de départ.

Un recul important sur l’année blanche sur les pensions de retraite et les prestations sociales

L’un des reculs majeurs que le gouvernement est prêt à consentir concerne la non-revalorisation en 2026 des pensions de retraite du régime général et celle des minima sociaux. Vendredi, lors des débats sur la fiscalité des hauts patrimoines, le Premier ministre a annoncé que le gouvernement serait favorable aux amendements qui « dégèleront » les pensions de retraite et « l’ensemble des minima sociaux » dans le PLFSS.

Cette non-revalorisation devait initialement permettre à la Sécurité sociale d’économiser l’équivalent de 2,5 milliards d’euros l’an prochain. Il s’agit d’une part très importante de l’effort prévu pour ramener le déficit de la Sécu à 17,5 milliards en 2026. Sans mesures correctrices, la Cour des comptes estime que le déficit pourrait poursuivre sa dégradation jusqu’à atteindre 28,7 milliards. Les mesures de freinage représentent donc un peu plus de 11 milliards d’euros. Et d’autres mesures entament cet effort, alors même que la Cour des comptes sonne le tocsin contre la persistance de déficits élevés jusqu’à la fin de la décennie.

Le gouvernement desserre l’étau sur l’enveloppe promise aux hôpitaux

Une autre évolution sensible concerne en effet les moyens accordés à la santé. Vendredi, Sébastien Lecornu a reconnu que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) était « particulièrement sévère ».

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a précisé ce lundi soir sur France 2 que le gouvernement défendrait une hausse supplémentaire d’un milliard d’euros pour les hôpitaux, mais aussi « ce qui va autour, les enjeux de l’autonomie et du vieillissement, liés à l’hôpital ». La progression n’était que de 2,3 milliards d’euros dans le texte initial. Cette hausse de 2,1 %, la plus faible depuis une dizaine d’années, avait été largement dénoncée par la Fédération française hospitalière (FFH).

« On savait qu’il était insuffisant, ce n’est pas une surprise. Ce n’est pas le premier gouvernement qui augmentera l’Ondam en cours de discussion », acquiesce la sénatrice Corinne Imbert (apparentée LR), rapporteure de la branche maladie du projet de loi. « Bien sûr qu’il fallait une augmentation plus importante, mais pour y faire face, il faudrait que l’on fasse des économies supplémentaires. Est-ce que le Premier ministre gouverne vraiment ? On ne navigue pas à vue », s’inquiète-t-elle toutefois.

Bernard Jomier, sénateur (Place publique) membre du groupe socialiste, considère que cette rallonge est « juste un début de retour au principe de réalité ». « Mais cela reste insuffisant. Il faudrait 2 milliards d’euros de plus pour l’hôpital et un milliard pour l’autonomie. »

Opposition d’une large partie des députés à la hausse des franchises et participations

D’autres mesures d’économies devraient aussi faire les frais de la discussion parlementaire, si les votes intervenus en commission des affaires sociales se confirment dans la salle des séances du palais Bourbon. C’est par exemple le cas de la hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires, le reste à charge laissé aux patients après une consultation ou l’achat d’un médicament. Le texte prévoit aussi de les étendre aux consultations chez le dentiste. Une majorité de députés d’opposition devrait être favorable à l’annulation de ces dispositions.

Cette mesure relève toutefois du pouvoir réglementaire, seul le gouvernement aura donc la main sur ce dossier, censé économiser 2,3 milliards d’euros à l’Assurance maladie. Les économies sont toutefois intégrées dans le calcul global du projet de loi. Le gouvernement pourrait éventuellement être prêt à ouvrir le débat du périmètre des Français épargnés par ces franchises, comme il l’a souligné lors d’auditions au Parlement.

À ce chapitre, la ministre de la Santé va devoir redoubler d’efforts pour convaincre une partie de la gauche. « Le gouvernement fait porter aux assurés sociaux et aux malades des charges dont ils ne sont pas responsables », dénonce le sénateur Bernard Jomier.

La taxation des mutuelles menacée en séance

Autre mesure d’ampleur menacée : la surtaxe sur les complémentaires santé à hauteur de 2,05 %, dont le rendement est attendu à 1 milliard d’euros. Cette contribution a d’ailleurs été rehaussée par la lettre rectificative du gouvernement, de 100 millions d’euros, pour financer seulement sur l’année 2026 le coût de la suspension de la réforme des retraites. Dans les deux cas, une majorité de députés s’y opposent, beaucoup craignant que ces hausses ne se répercutent sur les adhérents des contrats.

Le financement du coût de la suspension de la réforme des retraites pour l’année 2027 (1,4 milliard d’euros), à travers une moindre revalorisation des pensions par rapport à l’inflation, heurte aussi les oppositions. Au Sénat, l’ouverture du gouvernement sur la réforme des retraites de 2023 devrait être retirée par la droite.

Une maigre compensation sur le front des recettes

Si le gouvernement avait averti le mois dernier qu’en face de chaque « moins », il devrait y avoir des « plus », les compensations sont encore à ce stade loin d’absorber l’abandon de quelques économies controversées. En commission, les députés ont adopté une hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) sur les revenus du capital, susceptible de rapporter 2,7 milliards d’euros dans les caisses de la Sécu. Sébastien Lecornu n’a pas fermé la porte à cette piste. Selon lui, l’abandon de certaines dispositions, comme le gel des pensions et minima sociaux, peut poser « de nouvelles questions, par exemple sur la CSG sur les revenus du patrimoine ».

Cette mesure de recette devrait faire débat, en particulier à droite. « Je m’interroge sur le niveau de la CSG et l’assiette que l’Assemblée nationale veut élargir. La philosophie, c’est : pas d’élargissement supplémentaire. Faisons des économies, il y en a à faire », maugrée Corinne Imbert.

L’addition des concessions, et des victoires potentielles en hémicycle, pourrait ne pas suffire à la gauche pour voir la copie comme étant acceptable. Bernard Jomier, médecin généraliste, regrette le manque d’engagement sur une politique de prévention ou l’insuffisance des recettes nouvelles, sujet sur lequel le PS veut être intransigeant. Il mentionne en particulier l’article 12, qui réduit l’ampleur des bénéfices des allègements de charges employeurs au détriment des comptes sociaux. L’État va ainsi réduire de trois milliards d’euros ses compensations versées à la Sécurité sociale. « Il y a des bombes cachées », dénonce le sénateur de Paris.

« On va regarder avec beaucoup d’attention ce qu’il se passe à l’Assemblée nationale. Mais avec autant d’amendements, je doute qu’ils aillent au bout de la discussion », anticipe quant à elle Corinne Imbert.

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