Budget de la Sécu : la « taxe soda » fortement revue à la hausse par le Sénat

Ce jeudi 21 novembre, dans le cadre de l’examen du budget de la Sécurité sociale, les sénateurs ont pour partie triplé la taxation sur les boissons qui contiennent le plus de sucre ajouté. Ils ont également revu à la hausse la taxe sur les édulcorants de synthèse, souvent utilisés par les fabricants pour remplacer le sucre ajouté.
Romain David

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Au quatrième jour des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat a adopté une augmentation de la « taxe soda », en forte hausse pour les boissons les plus sucrées. Cette mesure, qui cible les boissons contenant du sucré ajouté, concerne plus précisément les colas, les boissons aux fruits, à base de cacao, de café, de thé ou de sirop, les limonades, les tonics, mais aussi certaines boissons à base de lait animal ou végétal.

L’article 9 bis a été initialement inséré dans le budget de la Sécu après l’adoption d’un amendement du député MoDem Cyrille Isaac-Sibille, conservé par le gouvernement dans la version transmise au Sénat après rejet de l’ensemble du projet de loi par l’Assemblée nationale. Il revoit les montants de la taxe progressive sur les boissons sucrées, instaurée en 2012, tout en simplifiant les barèmes de contribution – fixés en fonction de la quantité de sucre ajouté par hectolitre de boisson -, ramenés à trois au lieu de quinze dans le dispositif actuel.

« Je pense que l’on a une épidémie de diabète de type 2 et d’obésité très inquiétante, avec un coût pour l’Assurance maladie. La ‘taxe soda’, il ne fallait pas la supprimer, on a besoin de ce marqueur parce que le soda, ce sont des morceaux de sucre dans un grand verre. On a vraiment besoin de réguler cela », a défendu la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq.

Jusqu’à 35 euros par hectolitre

Toutefois, la Chambre haute a voulu aller un peu plus loin que l’Assemblée nationale, en renforçant le barème de la première tranche, qui avait été légèrement revu à la baisse par les députés, et celui de la dernière tranche, qui concerne les boissons les plus sucrées.

À titre d’exemple : en dessous de 5 kg de sucre ajouté, les industriels devront s’acquitter d’une taxe de 4 euros par hectolitre, contre 3,79 euros en moyenne avec le tarif en vigueur (les députés avaient abaissé ce montant à 3,50 euros). Au-delà de 8 kg de sucre ajouté, la taxe est pratiquement multipliée par deux ; elle grimpe à 35 euros par hectolitre, contre 17,70 euros en moyenne aujourd’hui.

Mais c’est pour le palier intermédiaire que la hausse reste la plus forte, telle que prévue par les députés et conservée en l’état par les sénateurs, avec un triplement de la taxe. Celle-ci passe à 21 euros pour les boissons contenant entre 5 et 8 kg de sucre ajouté par hectolitre, contre 7,30 euros en moyenne actuellement.

La fiscalité comportementale remise en cause

La France a été pionnière dans l’instauration d’une taxe sur les boissons sucrées, dans le cadre d’une fiscalité comportementale destinée à décourager les consommateurs d’une part, d’autre part à responsabiliser les industriels en les poussant à revoir la formulation de leurs produits. « L’évaluation de cette taxe démontre qu’après son entrée en vigueur, environ un tiers des marques de boissons à sucres ajoutés ou avec édulcorants ont procédé à des reformulations », relève un rapport de la commission des Affaires sociales.

Depuis 2018 – date à laquelle la taxe sur les boissons sucrées a connu une première révision – son rendement n’a cessé d’augmenter, jusqu’à atteindre 443 millions d’euros en 2023. « Tant que l’on a des taxes comportementales qui apportent du rendement, cela veut dire qu’elles ne fonctionnent pas. C’est pour cela que l’on met des seuils importants, pour qu’il y ait ce sursaut, des deux côtés », a expliqué la rapporteure centriste Élisabeth Doineau.

« Vous, vous mettez du sucre dans votre blanquette de veau ? »

Durant les débats, certains sénateurs ont défendu la possibilité d’élargir le champ de la fiscalité nutritionnelle à l’ensemble des produits agroalimentaires contenant du sucre ajouté. « On va voter aujourd’hui une aggravation des taxes sur le soda. Je trouve que l’on est dans une hypocrisie totale. La taxe sur le soda existe depuis 2012, elle a été augmentée en 2018, depuis les parlementaires ont demandé un rapport pour évaluer son impact. Il devait arriver en 2023, nous ne l’avons toujours pas et nous allons proposer d’aggraver cette taxe alors que la taxe soda c’est 4 % de la consommation de sucre dans notre pays », s’est agacé le macroniste Xavier Iacovelli.

« Est-ce qu’il est normal que dans les petits pots pour bébé il y ait du sucre ? Est-il normal que quand on achète une blanquette de veau en plat préparé il y ait du sucre ? Vous, vous mettez du sucre dans votre blanquette de veau ? », a renchéri le sénateur socialiste de Paris Bernard Jomier. « Défendre une filière, ça n’est pas défendre ses excès. Il faut réglementer. Il n’y a aucune raison d’autoriser l’industrie agroalimentaire, au nom des intérêts de la filière, à ce qu’il y ait du sucre partout. Cela ne passe pas que par la fiscalité, mais par bien d’autres mesures, mais il est urgent d’avancer sur ce point. »

Si la ministre s’est dite favorable à l’ouverture d’une réflexion sur l’utilisation du sucre dans l’industrie agroalimentaire, elle a estimé en revanche qu’il était techniquement impossible d’élargir la taxation sur les boissons sucrées à l’ensemble des produits transformés, au risque de provoquer de nombreux effets de bord.

La taxe sur les édulcorants de synthèse également revue à la hausse

Dans le même temps, le Sénat a également adopté, à l’initiative de la commission des Affaires sociales, une augmentation de la taxe sur les édulcorants de synthèse, avec un nouveau barème progressif à deux seuils : 4,50 euros par hectolitre pour les boissons contenant jusqu’à 120 milligrammes d’édulcorants par litre, et 6 euros par hectolitre au-delà de cette concentration. « On fait attention à ce que les choses ne deviennent pas plus chimiques qu’elles ne le sont. Nous n’avions pas touché à cette taxe depuis 2012. J’assume de dire aux fabricants de ne pas aller sur les édulcorants de synthèse, car l’on sait que ça aussi ce n’est pas bon pour la santé », a expliqué la rapporteure Élisabeth Doineau.

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