Budget de la Sécurité sociale : le Conseil constitutionnel censure la « taxe lapin »
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Budget de la Sécurité sociale : le Conseil constitutionnel censure la « taxe lapin »

Les Sages ont rendu leur décision sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Deux articles sont censurés sur le fond, et 12 autres sont également jugés non conformes à la Constitution, car ils ne relevaient pas du champ d’une loi de financement. L’article 52, qui prévoyait une pénalité pour les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux, est retoqué.
Guillaume Jacquot

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C’est le point final d’une longue séquence budgétaire. Après le budget de l’État, c’est au tour du budget de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 de franchir le filtre du Conseil constitutionnel, saisi par le groupe La France insoumise. L’essentiel du projet a été validé, dans une décision rendue ce 28 février, et va donc pouvoir être promulgué prochainement au Journal officiel. Quatorze articles sont néanmoins censurés, deux sur le fond, et douze sur la forme. Ces derniers étaient considérés comme des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire qu’ils n’auraient pas dû figurer dans une loi de financement (ce sont les articles 34, 36, 42, 44, 49, 50, 53, 58, 60, 74, 84 et 94).

Un article emblématique de ce PLFSS ne figurera pas dans la loi qui sera promulguée : l’article 52. Ce dernier prévoyait la mise en place d’une pénalité à la charge des patients qui n’honorent pas un rendez-vous médical, sans en avertir un médecin ou l’établissement, ou sans respecter un délai raisonnable. C’est la fameuse taxe lapin, introduite à l’initiative du Sénat, et soutenue par le gouvernement.

La taxe lapin, en l’absence de modalités précises, est jugée contraire à la Constitution

Le Conseil constitutionnel reproche notamment aux parlementaires de ne pas avoir défini la nature de la pénalité, de ne pas avoir encadré son montant, « ainsi que les conditions de sa mise en œuvre ». Les modalités devaient faire l’objet d’un texte réglementaire, et la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, avait expliqué aux sénateurs vouloir « aboutir rapidement sur ce dossier ».

Le Conseil constitutionnel estime qu’en l’absence de toutes ces garanties, les législateurs ont « privé de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ». Selon les termes de ce dernier : la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

Les Sages ont également censuré l’article 51, qui prévoyait de réformer l’organisation du service du contrôle médical de l’Assurance maladie. Il devait permettre le transfert, aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale, des contrats de travail des personnels administratifs et des praticiens-conseils du service du contrôle médical, relevant de la caisse nationale d’assurance maladie. Le Conseil a estimé que ces dispositions n’avaient pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale.

Deux réserves d’interprétation

S’agissant de l’article 48, relatif à l’accompagnement à la pertinence des prescriptions, le Conseil constitutionnel valide l’article, tout en l’assortissant de deux réserves d’interprétation. Selon cet article, certains soins ne pourront être remboursés au patient que si le prescripteur a consulté au préalable le dossier médical partagé ou vérifié que sa prescription respecte les indications ouvrant droit au remboursement. Le patient devra présenter un document, établi par le prescripteur, attestant de la bonne vérification de ces principes.

Le Conseil constitutionnel rappelle notamment qu’il « reviendra au prescripteur d’informer préalablement le patient de l’absence de prise en charge de ces soins s’il ne présente pas un tel document au professionnel appelé à exécuter la prescription ».

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