Les débats sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’ont pas pu aller jusqu’à leur terme à l’Assemblée nationale, mais les députés ont néanmoins pu faire évoluer de façon importante la copie. Le gouvernement transmet « tous les amendements votés » par l’Assemblée nationale au Sénat. Ce dernier se prononcera, en commission ce samedi, puis en séance du 19 au 24 novembre, avant un vote solennel sur l’ensemble le mardi 25.
De nombreux articles ont été retirés du texte. Le projet prévoyait initialement de réduire le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d’euros en 2026 (contre 23 milliards en 2025). L’objectif de déficit a été alourdi à ce stade de plusieurs milliards, selon le rapporteur général Thibault Bazin (LR).
Suspension de la réforme des retraites. C’est l’un des votes marquants intervenus ce 12 novembre, les députés ont adopté la suspension de la réforme des retraites de 2023, promise par le gouvernement de Sébastien Lecornu pour éviter la censure des socialistes. La génération née en 1964 partirait à 62 ans et 9 mois (comme la précédente) au lieu des 63 ans prévus par la réforme. Ces assurés partiraient avec 170 trimestres cotisés au lieu de 171. Cette suspension a aussi été élargie aux carrières longues et aux personnes nées au premier trimestre 1965, sur demande de la gauche. La majorité sénatoriale s’oppose d’ores et déjà à cette disposition, qui coûterait à la Sécurité sociale 300 millions en 2026 et 1,9 milliard en 2027.
L’Assemblée a approuvé séparément des mesures en faveur des retraites des femmes ayant eu un ou plusieurs enfants.
Suppression du gel de l’ensemble des prestations sociales et des pensions de retraite. Les députés ont été nombreux à s’opposer à l’article 44. Supprimé du texte, la mesure consistait à ne pas revaloriser l’ensemble des prestations sociales ainsi que les pensions de retraite. Ces dernières devaient par ailleurs être sous-indexées par rapport à l’inflation de 2027 à 2030 : la mesure est également évacuée du texte.
Un grand de nombre de prestations était concerné par le gel : prestations familiales, prestations de solidarité (RSA, allocation adulte handicapé, allocation de solidarité pour les personnes âgées, allocation de solidarité spécifique) ou encore les allocations pour violences conjugales.
Augmentation du budget des hôpitaux. Les députés ont aussi voté hier en faveur de la rallonge proposée par le gouvernement pour le système de santé. L’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) a été rehaussé d’un milliard d’euros, autrement dit l’enveloppe progressera de 2 % au lieu de 1,6 % comme c’était initialement prévu. Dans ce complément, 850 millions d’euros sont à destination des hôpitaux. En 2026, leur budget global augmentera donc de 3,2 % au lieu des 2,4 % inscrits dans le texte initial.
Augmentation de la CSG sur les revenus du capital. Sur le volet des recettes, les députés ont voté en faveur du relèvement de la CSG (contribution sociale généralisée) sur les revenus du patrimoine financier, de 9,2 % à 10,6 %. Il concerne les dividendes, l’épargne salariale ou encore les plans épargne logement. Des amendements identiques étaient portés par les socialistes, les insoumis et les communistes. La mesure, présentée comme une compensation alternative à la suspension de la réforme des retraites, doit rapporter 2,8 milliards d’euros. Le gouvernement compte sur la navette parlementaire pour affiner la proposition. « Ce qui a été voté, c’est la possibilité d’en débattre jusqu’à la fin du processus budgétaire », avait indiqué la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.
Suppression du gel du barème de la CSG. L’Assemblée nationale a supprimé l’article 6, qui prévoyait le gel du barème de la CSG sur certains revenus, comme les pensions de retraite, les pensions d’invalidité, ou encore les allocations d’assurance chômage.
Les exonérations de cotisations sur les revenus d’apprentis préservées. L’article 9 devrait mettre totalement fin à l’exonération de cotisations sociales salariales pour les nouveaux contrats d’apprentis conclus à partir du 1er janvier 2026, ce qui aurait eu pour effet de diminuer leur paie nette. Un amendement socialiste exclut de cotisations la rémunération des apprentis située entre 0 et 0,5 Smic.
La contribution patronale sur les titres-restaurant retirée. Autre mesure sortie du texte : l’instauration d’une contribution patronale de 8 %, prélevée sur les titres-restaurant, les chèques-vacances ou encore les dépenses culturelles financées par les CSE. Le rehaussement de 10 points du taux de la contribution patronale spécifique sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite a toutefois été maintenu.
Élargissement de la déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires. À l’initiative des députés du groupe Droite républicaine, les députés ont élargi la déduction forfaitaire de cotisations patronales de 0,50 euro par heure supplémentaire aux entreprises de plus de 250 salariés.
La surtaxe sur les complémentaires santé supprimée. Une autre mesure de premier plan de ce PLFSS a été retoquée : il s’agit de l’article 7, qui aurait instauré une contribution exceptionnelle de 2,05 % sur les cotisations des organismes complémentaires santé. De nombreux groupes se sont opposés à cette mesure qui se répercuterait sur les assurés.
Les dérogations pour les affections de longue durée non exonérantes maintenues. L’article 29, qui prévoyait de mettre fin aux règles dérogatoires en matière d’arrêt maladie pour les Français atteints d’une affection de longue durée (ALD) dite non exonérante, a été supprimé. Actuellement, ces patients, atteints de pathologies chroniques comme la dépression légère ou les troubles musculosquelettiques, ont un régime plus protecteur que le droit commun.
Refus de l’élargissement du périmètre des franchises médicales. Evacué aussi du projet de loi lors de l’examen à l’Assemblée nationale : l’extension à l’article 18 des franchises médicales aux consultations chez le dentiste et aux dispositifs médicaux, comme les prothèses, les lunettes, ou encore les pansements. Le doublement du reste à charge pour les patients, les franchises et participations, relève du pouvoir réglementaire et ne figure pas dans le projet de loi.
L’obligation de vaccination contre la grippe retoquée. Les députés ont aussi été majoritaires pour s’opposer à l’article qui posait une base légale à une obligation vaccinale contre la grippe pour les résidents d’Ehpad et pour certains soignants (sous réserve d’une recommandation de la Haute autorité de santé). Le Rassemblement national et La France insoumise ont voté contre.
Pas de limitation des dépassements d’honoraires des médecins. Supprimé également, l’article 26 qui prévoyait une cotisation prélevée sur les dépassements d’honoraires et l’activité non conventionnée des professionnels de santé conventionnés. Thibault Bazin (LR), rapporteur général de la commission des affaires sociales a estimé que cet article aurait eu l’effet inverse à celui recherché, à savoir une hausse des tarifs. Il s’est aussi interrogé sur la faisabilité technique de la disposition.