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Cancer : le vaccin n’est plus uniquement un « fantasme »

Avec plus de 10 millions de morts en 2019, l’OMS classe les cancers parmi l’une des premières causes de décès dans le monde. En France, ce sont même la première cause en ce qui concerne les décès prématurés. Face à ce constat, la sénatrice Laure Darcos (LR) et le député Philippe Berta (MoDem) publient un rapport optimiste quant aux techniques de soins en oncologie, autre nom de la cancérologie.
Thomas Fraisse

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« Depuis dix ans, il se passe des choses fantastiques ». C’est dire si le député du Doubs Philippe Berta (MoDem) est enthousiaste à l’idée de publier son rapport. Coécrit avec la sénatrice Laure Darcos (LR), le texte, sorti ce jeudi et dénommé « Avancées thérapeutiques en oncologie », détaille les thérapies innovantes et « prometteuses » dans la médecine des tumeurs afin de lutter contre le développement ou la propagation des cellules cancéreuses.

« Au niveau des avancées thérapeutiques sur le domaine de l’oncologie. On était resté sur des outils assez classiques. Mais là, on est passé dans une nouvelle dimension autour de l’immunothérapie. Ça va très vite », se réjouit Philippe Berta. Ce scientifique, spécialiste de la génétique moléculaire et professeur en université affilié à l’Inserm et au CNRS, travaille depuis le début de son mandat à l’Assemblée nationale sur les maladies rares. Il est même le rapporteur du budget de la recherche. Associé à son homologue au Sénat en la personne de Laure Darcos, également membre fondatrice du comité des malades à l’Institut national du cancer, Philippe Berta définit les cancers tels une « somme de maladies rares ».

Aujourd’hui, les cancers sont largement traités grâce à des thérapies dites « historiques ». Il s’agit ici de la chirurgie, en ce qui concerne les tumeurs solides, ou encore de la chimiothérapie et de la radiothérapie, qui ciblent les cellules cancéreuses grâce respectivement à un cocktail de substances chimiques ou à une irradiation des cellules. En France, en 2020, plus de 347 000 patients atteints d’un cancer ont été traités par chimiothérapie. « Les traitements historiques restent aujourd’hui centraux dans la prise en charge oncologique », notent les deux rapporteurs. « Ces techniques historiques connaissent elles-mêmes de nombreux développements qui permettent d’améliorer leur efficacité tout en réduisant leurs effets secondaires ». Laure Darcos complète avec enthousiasme : « Par exemple, maintenant vous avez des robots. On vient d’en installer un dans l’un de nos hôpitaux à Corbeilles Essonne ».

« Aujourd’hui, on a de bonnes et belles raisons d’y croire »

Même s’ils n’ont pas vocation à remplacer complètement les thérapies historiques, d’autres manières de lutter contre les cancers sont présentées dans le rapport et pourraient susciter plus d’engouement. À commencer par les vaccins contre les cancers. « Ce n’est plus un fantasme », se réjouit Laure Darcos. « On termine notre rapport sur un terme, qui a représenté un fantasme médical depuis 50 ans, celui des vaccins contre les cancers, c’est quelque chose d’incroyable. Aujourd’hui, on a de bonnes et belles raisons d’y croire », complète Philippe Berta. Encore testés en essais cliniques, les vaccins à ARN messager (ARNm), popularisés médiatiquement lors de la pandémie de covid-19, pourraient permettre de traiter rapidement et efficacement des personnes de manière « personnalisée ». « On va collecter quelques cellules de votre tumeur, en faire un catalogue très précis sur le plan moléculaire pour trouver dans votre tumeur à vous, qui ne sera pas forcément le cas sur celle du voisin, un certain nombre de déterminants spécifiques », explique Philippe Berta. « C’est une vaccination thérapeutique, ce n’est pas une protection mais du curatif. On parle de se débarrasser d’une tumeur ».

Bien que très médiatiques et fantasmés, les vaccins ne sont qu’un pan de l’immunothérapie en oncologie, c’est-à-dire du renforcement du système immunitaire d’une personne pour éviter que ne se développent ou propagent des cellules cancéreuses, qui échappent à la défense de ce système immunitaire. « Les immunothérapies sont indéniablement la voie de recherche la plus dynamique et la plus prometteuse en oncologie », estime le rapport. La thérapie cellulaire fait partie de ces recherches. Elle consiste à prélever, puis à modifier génétiquement les lymphocytes, aussi appelés globules blancs, de manière à intégrer des récepteurs capables de reconnaître les cellules cancéreuses et donc permettre au système immunitaire d’être renforcé. Toutefois, bien qu’ambitieuse, cette thérapie ne serait efficace, selon le rapport, seulement contre les cancers liquides (leucémie, lymphome, myélome), présenterait des coûts de développement pharaoniques et engendrerait de nombreux effets secondaires.

Enfin pour compléter le spectre des nouvelles techniques thérapeutiques en oncologie, en dehors de l’immunothérapie, le rapport présente également les thérapies ciblées. Celles-ci permettent de bloquer la croissance des cellules cancéreuses grâce à une injection de protéines, capables d’inhiber la progression tumorale. Malgré une promesse novatrice, le rapport n’aborde qu’avec peu d’enthousiasme cette thérapie : « Bien que de nombreux travaux soient en cours et qu’un enthousiasme subsiste concernant ces approches, leurs résultats restent aujourd’hui parcellaires. Par ailleurs, si ces traitements sont efficaces pour réduire la progression de la maladie, seule une fraction d’entre eux permet d’améliorer le taux de survie globale des patients, en raison d’apparition de phénomènes de résistance à court ou moyen terme ».

Des nouvelles thérapies à fort potentiel inégalitaire

« Nous n’avons pas aujourd’hui – à travers la Haute autorité de la santé (HAS) – une structure d’évaluation qui vaille selon les bons préceptes. La HAS travaille à l’ancienne. Il faut une révolution sur les modes d’évaluation des médicaments, une révolution dans le temps d’accès à ces médicaments, une révolution sur leur modèle économique ». Philippe Berta est catégorique. Aujourd’hui, la Haute autorité de la santé en France ne permet pas aux patients français de recevoir les médicaments innovants dans des délais convenables. Selon les statistiques du rapport, 34 % des médicaments autorisés par l’Union européenne ne sont pas introduits sur le marché français, contre 12 % en Allemagne. Face à ces blocages de l’autorité de la santé, le dispositif de diagnostic est également jugé défaillant par les rapporteurs. « On est trop frileux dans ce pays, et c’est unique, sur l’utilisation du diagnostic de type génétique génomique, aussi bien en oncologie que dans le domaine des maladies rares. Je l’ai vécu car j’ai été rapporteur sur la loi bioéthique, j’ai voulu me battre pour le diagnostic », estime Philippe Berta. Or, un cancer diagnostiqué tôt est la principale étape indispensable à un traitement efficace.

Un troisième facteur dans l’équation des défaillances est pointé du doigt : le déclassement de la recherche française en matière d’oncologie. Une situation « catastrophique » pour Laure Darcos. Si la France évoluait dans les années 2000 dans les dix premières Nations innovantes en la matière, le manque de financements n’a pas permis aux chercheurs français de tenir leur rang. « Nous sommes très en retard en investissements en bio santé. Ces recherches coûtent très cher. Quand vous faites des essais cliniques, malheureusement les centres ne peuvent pas prendre tous les patients qu’ils souhaiteraient, même l’Institut Curie, car ce sont des prix astronomiques. C’est catastrophique, il faudrait mettre beaucoup plus d’argent dans la recherche ».

La résultante de cette équation de défaillances du système de santé et de recherche en France est un risque d’accroissement des inégalités d’accès aux soins. « Les traitements, comme ils sont personnalisés à chaque cancer, seront forcément chers », avance le député centriste. Depuis dix ans, les coûts moyens des soins d’un cancer – selon l’Assurance maladie – ont déjà été multipliés par 10, approchant les 176 000 euros. Alors que les thérapies ne cessent d’intégrer plus d’innovations, la France ne bénéficie pas de facteurs économiques ou de recherches favorables à accompagner les malades. Les prix risquent encore d’exploser. La sénatrice Laure Darcos et Philippe Berta recommandent donc d’accompagner les chercheurs français et de réformer le secteur afin d’accompagner cette révolution. Le député conclut : « Si nous ne nous bougeons pas, si nous ne trouvons pas un modèle économique, nous verrons la mise en place d’une médecine à deux vitesses. Il y aura ceux qui pourront se payer, a fortiori à l’étranger, et ceux qui ne pourront pas ».

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