Consultations médicales : la ministre de la Santé tempère sur la hausse du ticket modérateur

Auditionnée au Sénat, Geneviève Darrieussecq dit vouloir continuer les échanges pour que la baisse du taux de remboursement par la Sécurité sociale des consultations médicales soit « la moins importante possible ». La ministre de la Santé et de l’Accès aux soins s’inquiète du sort des retraités qui ne bénéficient pas d’une complémentaire santé solidaire.
Guillaume Jacquot

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Dans le champ de la santé, c’est l’une des mesures d’économie qui fera le plus débat. Le gouvernement prévoit de relever le ticket modérateur qui s’applique sur les consultations des médecins (généralistes et spécialistes) et les sage-femmes. La mesure doit dégager 1,1 milliard d’euros d’économies pour l’Assurance maladie. Le ticket modérateur, c’est la part du prix d’une consultation qui n’est pas remboursée par la Sécurité sociale, mais par les mutuelles ou les complémentaires. Ou à défaut, par le patient, lorsqu’il ne bénéficie pas de ces dernières. C’est le cas d’un peu moins de trois millions de Français (4 % de la population).

Actuellement, la part prise en charge par la Sécurité sociale pour ces consultations s’élève à 70 %, le gouvernement envisage de la faire tomber à 60 %, et donc de porter celle des mutuelles et complémentaires à 40 %. De quoi craindre un renchérissement des tarifs des mutuelles, qui ont déjà flambé de 8,1 % en 2024. Auditionnée au Sénat ce 24 octobre sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins a déclaré que la décision d’augmenter le ticket modérateur de 10 points n’était, aujourd’hui, « pas prise ». En effet, les modalités dépendent du pouvoir réglementaire. C’est le gouvernement, et non le Parlement, qui en fixera les modalités dans un décret.

La piste bénéficie en tout cas d’un intérêt certain à Bercy. Le 11 octobre sur RTL, le ministre du Budget indiquait que le relèvement de dix points du ticket modérateur faisait « partie des options ». La mesure figure en tous les cas dans le dossier de présentation du PLFSS. Laurent Saint-Martin estime pour sa part que la mesure est « nécessaire ».

« Ce que je souhaite, c’est que l’accès aux soins reste possible pour tous », insiste la ministre

Geneviève Darrieussecq a précisé que rien n’était gravé dans le marbre. « Moi, je souhaite continuer de travailler pour en faire en sorte que cette diminution soit la moins importante possible sachant que c’est un levier […] On va continuer de travailler sur les périmètres concernés. Ce que je souhaite, c’est que l’accès aux soins reste possible pour tous », a insisté l’ancienne maire de Mont-de-Marsan, membre du MoDem. La ministre a également rappelé que le reste à charge des assurés en France était l’un des plus faibles en Europe.

« Mon directeur de cabinet a déjà rencontré les assureurs complémentaires. Il faut que l’on parle avec eux, qu’on mette les bons chiffres, les bonnes choses en face », a-t-elle ajouté. Dans son rapport de force, la ministre pourrait être tentée de s’appuyer sur un récent rapport du Sénat sur les complémentaires santé, qu’elle a qualifié de « très intéressant ». « Je l’ai lu avec attention. Il a montré qu’il y avait des remboursements de médecines alternatives, pour un milliard d’euros, qu’il y avait peut-être des évolutions de cotisations qui ont été plus importants que les besoins attendus. »

L’un des points d’attention de la ministre de la Santé reste la situation des petits retraités. En effet, le niveau des cotisations s’accroît avec l’âge et ce public ne bénéficie plus des tarifs collectifs et surtout de la participation de l’employeur. Et tous les retraités ne bénéficient pas d’une couverture santé solidaire (C2S), financée par l’État pour les assurés les plus modestes. « Il faut que l’on travaille sur le périmètre de la C2S », a considéré Geneviève Darrieussecq.

« Privatiser un peu plus le financement, ça c’est quand même un problème », réagit la sénatrice Véronique Guillotin

La sénatrice Céline Brulin (communiste) s’est montée dubitative devant les assurances du gouvernement, selon lequel la copie peut encore évoluer. Les parlementaires en ont fait l’expérience l’an passé avec le dossier sensible du renchérissement des franchises médicales. « Le gouvernement n’a pas tranché », affirmait à l’époque le ministre de la Santé Aurélien Rousseau. « Et ça été oui ! » a rappelé la sénatrice de la Seine-Maritime. « Même s’il y a des mesures d’ordre réglementaire, il me semble sain que nous puissions en discuter. Il est sain aussi, au regard de nos concitoyens, qui sont en droit de savoir à quelle sauce ils vont être mangés. »

La mesure suscite du rejet y compris dans les partis engagés dans la coalition présidentielle. « Réduire de 70 à 60 % la part de la Sécurité sociale et dire que l’on va transférer sur les mutuelles, on ne fait pas grand-chose d’autre que de financiariser un peu plus, de privatiser un peu plus le financement, ça c’est quand même un problème », s’est exclamée Véronique Guillotin (Parti radical).

Lundi, c’est également le président de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale Frédéric Valletoux (Horizons) qui est monté au créneau. « La hausse du ticket modérateur nous pose un problème », a-t-il déclaré, appelant à ce que les économies ne « pèsent pas » ou « le moins possible » sur les patients.

« Besoin d’avoir des mesures de maîtrise » sur les arrêts maladie

La baisse du plafond de la prise en charge des arrêts maladies (relire notre article) fait également partie des mesures d’économies sensibles. Le niveau de l’indemnité pris en charge par la Sécurité sociale sera ramené de 1,8 à 1,4 Smic (2 473 euros brut mensuels), générant près de 600 millions d’euros. La mesure aura donc un effet sur 40 % des salariés. « Les indemnités journalières, c’est plus de 17 milliards d’euros en 2024, nous étions à 8 milliards en 2017 C’est une augmentation considérable, 8 % en un an […] Nous avons besoin d’avoir des mesures de maîtrise de cette progression », a fait valoir la ministre de la Santé. Pour la sénatrice LR Pascale Gruny, « le message envoyé est terrible ». La sénatrice de l’Aisne a rappelé que toutes les entreprises n’étaient pas couvertes par un contrat de prévoyance pour verser le complément de rémunération aux salariés arrêtés.

La ministre considère que ce projet de loi de financement est à la fois un « budget de progrès et de responsabilité ». L’enveloppe allouée aux dépenses de santé augmentera de 2,8 % et atteindra 264 milliards d’euros, soit 9 de plus qu’en 2024 (7 par rapport au montant exécuté). Cette hausse est notamment la conséquence des nouveaux tarifs négociés avec les médecins généralistes, mais aussi de réinvestissements dans la santé mentale par exemple. « La santé des Français demeure plus que jamais une priorité, ce budget le prouve », a martelé Geneviève Darrieussecq.

Le Haut Conseil des finances publiques juge toutefois l’objectif national de dépenses d’Assurance maladie « très optimiste ». Pour contenir la tendance à la hausse des dépenses, le PLFSS contient au total 5 milliards d’économies. « Il doit traduire une accentuation de la pertinence des dépenses ainsi que de la responsabilité de l’ensemble des acteurs », a-t-elle insisté.

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