Illustrations : Creche Max Jacob
Creche Max Jacob dans le 13eme arrondissement de Paris. Mardi 18 avril 2023.//ACCORSINIJEANNE_ILLUS.2/Credit:SIPA/2304181434

Crèches privées : « La financiarisation provoque une recherche de rentabilité qui entraîne une minimisation des moyens », pour Philippe Mouiller

Dans un livre publié demain, le journaliste Victor Castanet dénonce les conditions de prise en charge des enfants dans les crèches privées, et notamment des établissements du groupe People and baby. Plusieurs sénateurs dénoncent la financiarisation croissante des crèches et préconisent notamment un meilleur contrôle pour remédier aux dysfonctionnements liés à la course à la rentabilité dans ce secteur.
Camille Gasnier

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Dans son livre, Victor Castanet met en lumière des défaillances au sein des crèches privées. Plusieurs enfants auraient été brutalisés. Ces maltraitances sont allées jusqu’à la mort d’un bébé de 11 mois dans une crèche à Lyon. Victor Castanet relate également les mauvaises conditions de travail des salariés.

Des dysfonctionnements liés à une financiarisation croissante du secteur de la petite enfance

En 2004, au travers d’un plan mené par le ministre délégué à la Famille de l’époque, Christian Jacob, les crèches ont été ouvertes au secteur privé. Victor Castanet affirme qu’en « l’espace de 10-15 ans, les prix des berceaux en délégation de service public ont été divisés par 3 », ajoutant qu’ « il y a des maires qui dépensent 3 fois moins d’argent […] et qui mettent la responsabilité sur les groupes privés ». Pour Colombe Brossel, sénatrice socialiste de Paris, « c’est l’ensemble du secteur du soin aux autres qui a été libéralisé il y a une vingtaine d’années ». La sénatrice estime que les défaillances étayées par Victor Castanet sur les crèches, mais également sur les EHPAD, sont le fruit de l’ouverture à la concurrence, de la libéralisation et de la financiarisation de ces secteurs.

Ce matin sur France Inter, il rappelait comment son enquête avait débuté : « A partir de février 2022, quelques semaines après la publication des Fossoyeurs, j’ai reçu des centaines de mails de familles et de salariés m’alertant de graves dysfonctionnements dans le secteur de la petite enfance et faisant déjà le parallèle avec ce qui avait pu se passer à ORPEA, c’est-à-dire des logiques d’optimisation des coûts sur les produits de première nécessité […], une obsession du taux d’occupation et globalement une dégradation des conditions de travail des personnels et des conditions d’accueil ». Le parallèle entre crèches et EHPAD est bienvenu pour Florence Lassarade, sénatrice Les Républicains de la Gironde : la financiarisation des crèches « est à mettre en parallèle avec ce qu’il se passe avec les maisons de retraite. Cela ne doit pas être un secteur à livrer au privé ». Philippe Mouiller, sénateur Les Républicains des Deux-Sèvres et président de la commission des affaires sociales, qui rappelle sa prudence vis-à-vis de ce type de révélations, avance que « la financiarisation d’un certain nombre de secteurs entraîne une recherche de rentabilité qui entraîne une minimisation des moyens ».

Vers davantage de contrôle des crèches privées ?

Sur les potentielles solutions qui pourraient être proposées en réponse à ce livre, Colombe Brossel envisage de « mettre fin à l’ensemble des incitations aux ouvertures de micro-crèches, renforcer les moyens d’agrément et de contrôle » et « arrêter de considérer normal que dans le champ d’un service public, il y ait des acteurs privés » qui poursuivent des intérêts autres que l’intérêt général. Philippe Mouiller tempère : « Heureusement qu’on a des crèches privées ». Il souligne qu’il est nécessaire de renforcer les contrôles au sein de ces dernières : « Il faut avoir une capacité réelle à contrôler et à mettre en place des outils d’évaluation ». Pour le sénateur des Deux-Sèvres, « c’est parce qu’on n’a pas suffisamment de contrôle qu’on se retrouve face à des dérives ». En ce qui concerne les instances qui pourraient mener des contrôles, il évoque la compétence des services de protection maternelle et infantile (PMI). Il envisage également un contrôle financier de la Cour des comptes : « A partir du moment où il y a une participation d’argent public, il peut y avoir un regard, un contrôle administratif ». Une position partagée par Florence Lassarade, sénatrice Les Républicains de la Gironde, « quand il n’y a pas de contrôle, tout est permis ». Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine et vice-président de la commission des affaires sociales recommande « plus de contrôle de la Caisse des allocations familiales », dans la mesure où Victor Castanet fait état d’« une utilisation de fonds publics détournés ». Par ailleurs, le sénateur préconise la création d’un « fichier unique des personnels de crèche » et souligne que lorsqu’il y a un manquement de la part des personnels, il faut que cela soit inscrit dans ce fichier. Pour le vice-président de la commission des affaires sociales, « on ne peut pas continuellement avoir une rentabilisation de la masse salariale qui rejaillit sur la maltraitance des enfants », et ajoute que « si on délègue au privé, il faut qu’il y ait des normes ».

Vers une mission sénatoriale sur les crèches ?

Au niveau du Sénat, Philippe Mouiller affirme que la commission des affaires sociales va regarder ce sujet de très près. Florence Lassarade évoque « une mission flash sur les crèches », en soulignant qu’ « il faut regarder cela de près ». Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine et vice-président de la commission des affaires sociales rappelle sa demande de créer une délégation aux droits de l’enfant, demande qui lui avait été refusée. En tout cas, le sénateur souhaite suivre ce sujet au sein de la commission des affaires sociales.

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