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Brussels , 27/11/2020Illustration of a dentist and patient during the Corona virus - Covid-19 pandemic .Pix : Credit : Frederic Sierakowski / Isopix - -25750815-052//ISOPIX_1.0750/2011272129/Credit:ISOPIX/SIPA/2011272132

Déserts médicaux : la régulation de l’installation des dentistes inquiète les médecins 

La nouvelle convention signée le vendredi 21 juillet entre les chirurgiens-dentistes et l’Assurance maladie prévoit de réguler leur installation pour lutter contre les déserts médicaux. Cette disposition déjà appliquée aux kinés et aux infirmiers est largement refusée par les médecins généralistes et spécialistes. De quoi relancer le débat.
Stephane Duguet

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Après les kinés et les infirmiers, voilà que les dentistes acceptent de ne plus pouvoir installer leur cabinet où ils le souhaitent. Vendredi 21 juillet, les deux principaux syndicats de chirurgiens-dentistes ont signé avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) une nouvelle convention nationale pour la période 2023-2028. Parmi les mesures sur lesquelles les parties sont tombées d’accord : le non-conventionnement des dentistes par l’Assurance maladie s’ils s’installent dans des zones jugées non prioritaires.

Ces territoires considérés comme très bien dotés en dentistes regroupent 5 % de la population française et 9 % des chirurgiens-dentistes. Avec cette disposition, l’objectif est d’inciter les nouveaux professionnels à s’installer dans des zones sous-dotées. Concrètement, un dentiste ne peut s’installer dans une zone non prioritaire s’il ne remplace pas un confrère qui quitterait son cabinet. L’exclusion du conventionnement ne concerne d’ailleurs pas des villes entières. A l’échelle de Paris, un dentiste pourrait ouvrir un cabinet dans l’est de la capitale uniquement, le centre et l’ouest étant déjà surdotés.

Lutter contre les centres dentaires

Pour accepter la mesure, les syndicats signataires, Chirurgiens-dentistes de France (CDF) et la Fédération des syndicats de dentistes libéraux (FSDL), ont exigé que cela s’applique aussi aux dentistes salariés. « La nouvelle convention est une réponse indirecte à la concurrence déloyale et non-éthique entre les centres dentaires et les dentistes libéraux », estime Guy Benarroche, sénateur écologiste et auteur d’une question sur le sujet.

En effet, les centres dentaires fleurissent dans les grandes villes où il y a de la patientèle, ce qui inquiète les dentistes libéraux : « Les centres de santé prolifèrent, notamment dans les zones où ils ne sont pas nécessaires. Ces centres captent beaucoup de nouveaux diplômés et cela déséquilibre la répartition des dentistes sur le territoire. Avec le conventionnement sélectif, l’idée est de réguler les installations de dentistes et de permettre un meilleur maillage territorial », justifie Pierre-Olivier Donnat, président du syndicat Chirurgiens-dentistes de France.

Régulation refusée par les médecins

Les dentistes rejoignent donc la liste des professions médicales régulées dans laquelle certains députés voudraient rajouter les médecins. Une des solutions envisagées par la proposition de loi de Frédéric Valletoux (Horizons) soutenue par Guillaume Garot (Parti Socialiste) était de soumettre l’installation de généralistes et de spécialistes à l’autorisation des Agences régionales de Santé. La nouvelle convention a d’ailleurs été saluée par le député socialiste Guillaume Garot, au grand dam de son collègue Bernard Jomier, sénateur apparenté socialiste.

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Ce dernier, médecin de profession, s’oppose à toute régulation de l’installation des médecins. Il souligne notamment que dans le cas des dentistes, « nous ne sommes pas du tout dans ce qui avait été demandé pour les médecins. Ceux qui défendent la régulation ne s’intéressent qu’aux libéraux. Et selon moi, l’étendre aux salariés en médecine, ce serait la catastrophe. »

Contreparties financières

Signe que cette régulation n’est pas très populaire auprès des professionnels de santé, le président des CDF rappelle que « ça n’était pas une volonté de la profession, loin de là, mais ça a été mis dans la balance par la Caisse nationale d’Assurance Maladie. » Pierre-Olivier Donnat souligne également que « c’était difficile à accepter, mais dans l’équilibre global du texte, il y a d’autres avantages notamment sur la prévention. »

Les dentistes ont notamment obtenu la revalorisation de 10 euros des examens dentaires simples, passant ainsi de 30 à 40 euros. Une consultation bucco-dentaire sera aussi remboursée chaque année pour les personnes de 3 à 24 ans. Les tarifs des soins de prévention seront aussi augmentés de 30 % pour cette même tranche d’âge. L’aide à l’installation des dentistes a elle aussi était doublée. Les professionnels de santé pourront recevoir 50 000 euros sur cinq ans. Pour maintenir leur activité, ils pourront aussi bénéficier d’une dotation de 4000 euros contre 3000 euros jusque-là.

Sénateurs divisés en deux camps

Une telle négociation « ne passera jamais auprès des médecins », affirme Alain Milon, sénateur Les Républicains, médecin et vice-président de la commission des affaires sociales. Le sénateur du Vaucluse est, lui aussi, opposé à une contrainte d’installation pour les libéraux. Au Sénat, deux lignes s’affrontent sur les solutions à mettre en place pour lutter contre les déserts médicaux. Parmi les nombreux rapports du Sénat sur le sujet, celui de Bruno Rojouan publié en mars 2022, proposait dans les grandes lignes de mettre en place les mesures de la nouvelle convention entre les dentistes et l’Assurance maladie.

« J’espère que ça fera jurisprudence », avance a contrario Hervé Maurey, sénateur centriste et auteur d’un rapport d’information où il demandait à l’Etat de « prendre des mesures courageuses ». Le sénateur de l’Eure, membre de la commission aménagement du territoire, estime que « ce n’est pas forcer les médecins mais réguler. On l’a fait avec les kinés et ça a marché ! »

Situation différente entre dentistes et médecins

Les sénateurs opposés à la régulation indiquent aussi que la situation entre les médecins généralistes et spécialistes n’est pas comparable avec celle des dentistes. On ne manque pas de dentistes autant qu’il ne manque de médecins. « Nous ne pouvons pas réguler de la même façon une profession avec des effectifs suffisants et une profession en pénurie », s’agace Bernard Jomier. Le sénateur de Paris insiste sur la nécessité de s’attaquer plutôt à la « financiarisation de la médecine ». « Il faut cesser de se focaliser sur la régulation qui n’est pas une solution », renchérit le sénateur.

Autre solution mise en avant notamment par Florence Lassarade, sénatrice Les Républicains : former plus de médecins. Elle doute que les jeunes médecins voudront s’installer dans des déserts médicaux plutôt que de quitter la profession. « Pour moi, les soignants devraient être traités comme des divas, et ils le sont comme des esclaves », conclut la secrétaire de la commission des affaires sociales.

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