L’hémicycle du Sénat

Déserts médicaux : nouveau bras de fer en vue au Sénat sur la répartition des médecins

À l’occasion d’une proposition de loi du député Frédéric Valletoux sur l’accès aux soins, des sénateurs de toutes tendances ont déposé des amendements régulant l’installation des médecins libéraux. Le débat s’annonce tendu, étant donné l’enjeu de la question.
Guillaume Jacquot

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Le Sénat risque de se déchirer une fois encore sur les remèdes à apporter à la problématique des déserts médicaux. L’examen en séance publique à partir de ce mardi 24 octobre de la proposition de loi Valletoux, sur l’accès aux soins, devrait tourner dès les premières heures sur les conditions de l’installation des médecins libéraux sur le territoire.

Il s’agit d’un vieux débat au palais du Luxembourg, qui revient périodiquement à chaque examen d’un projet de loi de santé ou du financement de la Sécurité sociale. D’ici à ce que la fin du numérus clausus dans les études médecines ne produise ses effets sur le terrain, la situation reste en effet particulièrement inquiétante en matière d’accès aux professionnels de santé. Et ce trou dans la démographie médicale épargne de moins en moins de territoires, puisque 30 % de la population vit dans un désert médical selon un récent rapport sénatorial. Comme à chaque texte de ce genre, les sénateurs sont sur un fil, entre des médecins opposés aux mesures coercitives, et les attentes très fortes dans leurs circonscriptions de réduction des inégalités en matière de santé.

Une mesure « contre-productive » selon la rapporteure Corinne Imbert

Le 18 octobre, la commission des affaires sociales a fait un pas important en direction des syndicats de médecin, en supprimant un certain nombre d’orientations qui inquiétaient la profession dans la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Elle a également rejeté un amendement issu du groupe Les Indépendants, dont le projet était d’instaurer un conventionnement sélectif des médecins dans les zones dites « sur-dotées ». L’idée a déjà été soumise par le passé dans la chambre haute. En quoi consiste-t-elle ? Dans les zones surdotées, un nouveau médecin libéral ne pourra être conventionné à l’Assurance maladie que lorsqu’un confrère de la même zone cessera son activité. Pour la rapporteure Corinne Imbert, cette « mesure de coercition » aurait été « contre-productive », entraînant le déconventionnement d’un nombre de médecins généralistes.

En séance, les tenants des mesures de régulation porteront à nouveau ce type de propositions. Et, dans l’hémicycle, le destin des amendements peut être plus imprévisible et soutenu, sur plusieurs bancs politiques.

Des amendements allant des communistes aux LR

Plusieurs amendements allant dans le même sens ont été déposés, que soit par le groupe indé pendant, les socialistes, le groupe écologiste, ou encore les communistes. Ces deux derniers précisent d’ailleurs avoir repris un amendement issu du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux de l’Assemblée nationale. Le fait que ce conventionnement sélectif s’applique déjà à certaines catégories de soignants, comme les sage-femmes, les dentistes ou encore les infirmiers, est l’un des arguments souvent invoqués par les signataires.

À droite également, le sénateur Stéphane Sautarel (LR) va continuer à défendre cette idée. À ceci près que le sénateur du Cantal propose d’expérimenter ce conventionnement sélectif pendant une durée de trois ans. Il veut aussi ramener la définition des zones où est constaté un « fort excédent en matière d’offres de soins » à la main des agences régionales de santé, après une concertation avec les médecins. Il y a deux ans, le sénateur avait inscrit ce dispositif dans une proposition de loi. Elle avait été cosignée par près de 70 membres de la majorité sénatoriale, mais n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour.

Aujourd’hui, Stéphane Sautarel précise que son amendement, qui sera débattu cette semaine, est soutenu par vingt à trente sénateurs. « Ma conviction, et celle de plusieurs collègues, c’est que les mesures incitatives ne sont plus suffisantes. Même si on forme davantage de médecins, il faudra du temps pour augmenter les effectifs. Dans cette attente, on a besoin de réguler », expose-t-il à Public Sénat.

L’an dernier, au moment des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, une initiative de ce type avait largement été rejetée par l’hémicycle (193 contre 81). Cette année encore, le nombre de soutiens en faveur d’une régulation à l’installation pourrait ne pas être suffisant pour faire pencher la balance. À en juger par les signataires des amendements, et les résultats d’un scrutin comparable l’an dernier, au moins une bonne centaine de sénateurs (sur 348) pourrait potentiellement soutenir ces amendements régulant l’installation des médecins sur le territoire, à travers l’arme du conventionnement avec l’Assurance maladie. Loin d’être négligeable, d’autant que des orateurs influents de la droite à la commission des affaires sociales, comme Catherine Deroche ou René-Paul Savary, médecins de profession, ont quitté le Sénat.

Une promesse de campagne présidentielle

À l’Assemblée nationale, qui avait examiné la proposition de loi en juin, dans une atmosphère parfois tendue, plusieurs dizaines de voix avait également manqué au groupe de travail sur les déserts médicaux. L’amendement transpartisan du député de Mayenne Guillaume Garot (PS) avait été rejeté par 168 voix contre 127.

Comme l’an dernier, certains sénateurs ne manqueront probablement pas de rappeler que le conventionnement sélectif faisait partie, au même rang que l’incitation, des promesses de campagne d’Emmanuel Macron, avant son accession à l’Élysée. « Ce vers quoi je souhaite qu’on avance, c’est de stopper les conventionnements dans les zones qu’on considère comme déjà bien dotées », déclarait le candidat le 17 mars 2017. La même année, la Cour des comptes avait formulé des préconisations allant dans le même sens.

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