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Dry january : une proposition de loi bientôt déposée pour mieux réguler la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux

A l’heure du dry january, la sénatrice Marion Canalès, soutenue par Addictions France, va déposer une proposition de loi pour mieux réguler la publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux. La sénatrice veut voir naître une loi Evin 3.0 pour limiter l’exposition de plus jeunes à ce marketing en pleine expansion, dans un secteur où ce genre d’action est vue d’un très mauvais œil.
Mathilde Nutarelli

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Après les fêtes de fin d’année, de plus en plus de Français jouent le jeu du « défi de janvier » aussi connu sous le nom de « dry january ». Il consiste à ne pas boire d’alcool pendant le mois de janvier. « L’objectif, c’est de proposer aux gens de faire une pause dans leur consommation d’alcool et de s’interroger sur celle-ci. Se poser ces questions, c’est déjà faire un pas », explique le professeur Georges Brousse, spécialiste en addictologie au CHU de Clermont-Ferrand et président du comité régional d’Addictions France Auvergne Rhône-Alpes, lors d’une conférence de presse organisée sur le sujet par le CHU de Clermont-Ferrand et Addictions France le 9 janvier.

« Le marketing et la culture de l’alcool sont très forts dans notre environnement »

L’enjeu est de taille. Selon les chiffres du ministère de la Santé, l’alcool est la cause de 49 000 décès en France chaque année. Pourtant, le « mois sans alcool » ne rencontre pas le même écho auprès des institutions que le « mois sans tabac » : le gouvernement ne reprend pas à son compte le « dry january » alors qu’il incite, chaque mois de novembre, à passer un mois sans fumer. Il faut dire qu’en France, le sujet de la consommation d’alcool, et en particulier de vin, est un sujet éruptif. Chaque initiative visant à encadrer la promotion de l’alcool est torpillée avec vigueur par les défenseurs du terroir et des territoires. Le mois dernier, Nathalie Delattre, alors ministre des Relations avec le Parlement, n’avait d’ailleurs pas caché sa proximité avec le lobby du vin. Une situation que regrettent vivement les organisateurs de la conférence de presse, à laquelle étaient présents Marion Canalès, sénatrice PS du Puy-de-Dôme et Claude Evin, ancien ministre et auteur de la loi Evin (promulguée en janvier 1991, elle encadre strictement la publicité et la vente d’alcool et de tabac). « Il faut interroger la place de l’alcool dans notre environnement », affirme le professeur Brousse, « le marketing et la culture de l’alcool sont très forts dans notre environnement, en particulier dus à la présence très forte du lobby alcoolier. C’est le combat du pot de terre contre le pot de fer ».

79 % des 15-21 ans voient des publicités pour l’alcool toutes les semaines sur les réseaux sociaux

Le cheval de bataille d’Addictions France, c’est le marketing et la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux. Cet environnement médiatique encore largement non régulé est un espace de prédilection pour les marques d’alcool, qui s’en servent pour faire de la publicité ou promouvoir leurs produits en passant par des influenceurs. France Addictions a mené une enquête sur le sujet, et les chiffres sont parlants : sur trois ans d’observation, ce sont 11 300 publications promouvant l’alcool qui ont été observées, la moitié provenant d’influenceurs, l’autre moitié des marques elles-mêmes. A l’issue de cette observation, les auteurs concluent que 79 % des 15-21 ans voient des publicités pour l’alcool toutes les semaines sur les réseaux sociaux. Les influenceurs concernés font partie des plus connus, de McFly et Carlito à Léna Situations, et les marques les plus présentes sont des géants du secteur : Pernod Ricard, Heineken et Aperol Spritz. « Le phénomène est massif et omniprésent sur les réseaux sociaux », explique Myriam Savy, directrice du plaidoyer d’Addictions France. Or, les jeunes sont un public particulièrement vulnérable, sujet aux consommations dangereuses et excessives.

« L’autorégulation ne fonctionne pas, ni auprès des marques d’alcool, qui se font condamner depuis trente ans, ni auprès des influenceurs »

Le hic, c’est que la publicité pour l’alcool est réglementée en France par la loi Evin. Il est par exemple interdit de faire la publicité de l’alcool à la télévision, au cinéma, dans la presse écrite destinée à la jeunesse, sur des sites internet en lien avec le sport ou à destination de mineurs. La promotion de boissons alcoolisées, elle, est interdite sauf lorsqu’elle promeut des salons ou foires traditionnelles ou des musées, universités, … Et elle ne doit pas inciter à la consommation. Les posts d’influenceurs promouvant l’alcool peuvent donc tomber sous le coup de la loi. Ce que leur a signifié Addictions France, dans le cadre de son rapport. Le message n’est pas passé chez tous les créateurs de contenus. Si la moitié d’entre eux retiraient les posts litigieux et n’en repostaient pas de nouveaux, 48 % récidivaient. « L’autorégulation ne fonctionne pas », affirme Myriam Savy, « ni auprès des marques d’alcool, qui se font condamner depuis trente ans, ni auprès des influenceurs ». L’association déplore également un montant trop faible des amendes pour non-respect de la loi et un temps trop long de la justice dans le traitement des dossiers. Elle en appelle donc à une action politique pour mieux prévenir la consommation excessive d’alcool chez les jeunes. Pour Myriam Savy, « il faut revenir à l’esprit initial de la loi Evin. Les jeunes ne regardent plus la télévision et passent trois fois plus de temps sur les réseaux sociaux. Il faut interdire toute la publicité pour l’alcool sur les réseaux, pour les influenceurs et les marques ».

Une « loi Evin 3.0 » pour interdire le marketing faisant la promotion de l’alcool

Des parlementaires disposés à porter un texte pour réglementer, voire interdire le marketing autour de l’alcool, il y en a. Marion Canalès, sénatrice PS du Puy-de-Dôme et présente à la conférence de presse du 9 janvier, en fait partie. Elle prévoit de déposer une proposition de loi en ce sens au Sénat dans les semaines qui viennent. Elle appelle à un renforcement de sanctions envers les influenceurs qui ne respecteraient pas la loi, en se basant sur un texte encadrant leur profession, datant de juin 2023, ainsi qu’à un haussement de ton de la part des autorités européennes envers les plateformes comme Meta qui se déroberaient à leur obligation de supprimer les annonces illégales. Elle propose enfin une « Loi Evin 3.0 » pour interdire le marketing faisant la promotion de l’alcool et réguler sa publicité sur les réseaux sociaux. « Pourquoi tolère-t-on pour l’alcool ce qu’on ne tolère plus pour la cigarette ? » s’interroge-t-elle, « ce qu’on a pu faire en 1991, pourquoi ne pas le faire en 2025 sur les réseaux sociaux ? ».

« La lutte contre la promotion de l’alcool ce n’est pas la lutte contre la filière viticole »

Le caillou dans la chaussure de ceux qui cherchent à proposer ce genre de mesure prend plusieurs formes. Des industriels des alcools forts aux représentants des filières viticoles, les oppositions sont organisées. « Dès qu’on parle de la moindre contrainte législative autour de l’alcool, on nous traite d’hygiéniste » se désole la sénatrice, « on n’est pas contre l’alcool, on veut encadrer la publicité qui incite à consommer de l’alcool ». Particulièrement au Sénat, les propositions récurrentes émanant de plusieurs côtés de l’hémicycle de taxer davantage l’alcool pour financer la prévention, par exemple, sont systématiquement rejetées au motif que cela nuirait aux producteurs locaux et au terroir français. Un argument que peine à entendre Claude Evin, qui a dû s’y opposer pour faire adopter sa loi en 1991. « Ce qu’il faut avoir en tête, quand on veut réguler la publicité sur l’alcool, c’est que ce ne sont pas les grands crus qui font de la publicité. Ce sont soit les alcools industriels, comme la bière, soit les alcools forts comme le whisky ou le cognac ». La proposition de loi de Marion Canalès risque donc de susciter de fortes oppositions dans l’hémicycle du palais du Luxembourg. Elle indique elle-même que ce texte qu’elle porte ne sera pas repris par son groupe, mais sera co-signé par plusieurs membres d’autres groupes politiques de la Chambre haute. Signe que ce sujet divise au sein des partis politiques. « Il faut se faire des alliés de la filière du vin, parce que c’est ce qui empêche d’avancer. La filière viticole voit les actions de prévention comme la menace sur l’avenir du vin. Or, cette menace, c’est le changement climatique, la financiarisation, … La lutte contre la promotion de l’alcool ce n’est pas la lutte contre la filière viticole », veut-elle croire.

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