Etienne Klein : « On a organisé des controverses prématurées sur le covid-19 »
Longtemps il a cru que mettre les citoyens au contact de la chose scientifique était le meilleur remède à l’ignorance. Fort de l’expérience liée à la crise sanitaire du covid-19, le physicien et philosophe Etienne Klein avoue avoir changé de point de vue, et plaide désormais pour une transmission plus politique de ces sujets. Cette semaine Etienne Klein est l’invité de Rebecca Fitoussi dans l’émission « Un monde, un regard ».

Etienne Klein : « On a organisé des controverses prématurées sur le covid-19 »

Longtemps il a cru que mettre les citoyens au contact de la chose scientifique était le meilleur remède à l’ignorance. Fort de l’expérience liée à la crise sanitaire du covid-19, le physicien et philosophe Etienne Klein avoue avoir changé de point de vue, et plaide désormais pour une transmission plus politique de ces sujets. Cette semaine Etienne Klein est l’invité de Rebecca Fitoussi dans l’émission « Un monde, un regard ».
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Avec la crise sanitaire rarement l’exposition médiatique des scientifiques n’aura été aussi importante. Une aubaine au départ pour Etienne Klein qui rapidement y voit l’opportunité de transmettre des concepts scientifiques utiles pour décrypter la crise collective que le pays traverse: « Au début moi je pensais qu’on avait là, l’occasion historique de faire de la pédagogie scientifique d’expliquer, jour après jour, comment on travaille : Quelles sont les questions qu’on se pose ? Quelles sont les expériences, les mesures, les protocoles qu’on met sur pied pour répondre aux questions que nous nous posons. Expliquer ce qu’est un essai en double aveugle, s’agissant des traitements, qu’est-ce qu’un essai randomisé ? Pourquoi il ne faut pas confondre coïncidence, corrélation et causalité. Qu’est-ce que c’est qu’une exponentielle ? Pourquoi la théorie des probabilités, parce qu’on utilise beaucoup de probabilités dans ce genre d’affaires, elle est parfois contre-intuitive ! »

Une conception plus politique de la transmission des connaissances

Mais le physicien avoue avoir rapidement déchanté : « Disons que je suis passé, grâce au covid-19, d’une conception intellectuelle de la vulgarisation -je pensais qu’il fallait transmettre des idées- à une conception plus politique ». Au lieu d’une explication scientifique massive poursuit-il « On a dans beaucoup d’endroits, organisé des controverses prématurées, entre gens pas d’accord, à propos de questions dont on ne connaissait pas encore les réponses […] pourquoi quand on ne sait pas répondre à une question, on ne dit pas : "Je ne sais pas" ? Pourquoi on fait semblant de savoir ? »

« On ne peut pas, rejeter les connaissances scientifiques, comme ça, facilement en disant : Je ne le sens pas ou ça ne me parle pas ! » 

Quand le doute utile à la recherche pollue les connaissances scientifiques établies

Pour le philosophe des sciences, ce débat autour de la crise sanitaire, comme beaucoup d’autres, a rapidement quitté les rives de la connaissance pour se perdre dans une confrontation tumultueuses de valeurs. Et si, pour le physicien, le doute est bien le moteur de la science Etienne Klein l’assure que cette remise en question permanente est venue polluer les connaissances scientifiques établies, basées sur des recherches dûment documentées : « On a confondu la science et la recherche. La science c’est un corpus de connaissances qu’on a du mal à remettre en cause, sauf si on a des arguments scientifiques pour le faire. Par exemple, la terre est ronde. C’est un résultat scientifique ! L’atome existe. C’est un résultat scientifique ! Vous pouvez les contester, mais il faut des arguments très solides, que personne ne connaît à ce jour. La science c’est un corpus de connaissances qu’on ne peut pas rejeter comme ça, facilement en disant : « Je ne le sens pas, ou ça ne me parle pas". Par contre, cette science, elle constitue un corpus de connaissances qui est par nature et par construction incomplet, et donc qui pose des questions dont nous n’avons pas les réponses ! Et c’est pour cela qu’on fait de la recherche. Et quand on confond les deux : la science et la recherche, le doute, qui est le moteur de la recherche vient coloniser l’idée même de science. Et on dit « la science c’est le doute ». Et comme on voit des experts qui ne sont pas d’accord entre eux, on se sent d’autant plus encouragé à dire ce qu’on pense, avec son ressenti, son bon sens, ses croyances des questions qui font controverse pour les experts. »


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