Fin de vie : Agnès Firmin-Le Bodo s’engage à « coconstruire » le projet de loi avec les parlementaires et les soignants

La ministre des professions de santé a indiqué au Sénat que le travail d’élaboration du projet de loi sur la fin de vie serait engagé la semaine prochaine. « On prendra le temps », promet-elle également pour la phase des débats au Parlement.
Guillaume Jacquot

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À quoi faut-il s’attendre sur le projet de loi sur la fin de vie, que le gouvernement devra présenter d’ici à la fin de l’été ? Agnès Firmin-Le Bodo, ministre chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, a détaillé les intentions de l’exécutif devant la commission des affaires sociales du Sénat. Le 3 avril, Emmanuel Macron promettait un projet de loi sur une aide active à mourir, sur la base de l’avis de la Convention citoyenne sur la fin de vie qui s’était majoritairement prononcée pour cette évolution, sous conditions.

Pendant que les 184 citoyens tirés au sort s’attelaient à leurs travaux, le gouvernement a mené en parallèle son propre travail préparatoire, ses propres auditions. L’été à venir sera le moment de l’écriture d’un projet de loi, qui servira de base aux débats parlementaires. Dans cette optique, le travail de co-construction, « à la fois à l’écoute des soignants et à la fois avec les parlementaires » commencera la semaine prochaine, a précisé Agnès Firmin-Le Bodo devant les sénateurs.

Pas de procédure accélérée au Parlement

L’ancienne députée, proche d’Édouard Philippe, a rappelé les limites voulues par le chef de l’État : l’ouverture d’une aide active à mourir uniquement aux personnes majeures, dont le pronostic vital serait engagé « à moyen terme », et qui disposent de leur « plein discernement ». Tout l’enjeu du moment est donc désormais de fixer les modalités exactes du dispositif. Quelle forme prendra cette aide active à mourir ? Une euthanasie ou un suicide assisté ? La question est encore loin d’être tranchée à cette heure. « Le travail de co-construction nous amènera à choisir le chemin pour y arriver », a indiqué la ministre.

Comme ce fut le cas pour les précédentes lois de bioéthique, le gouvernement ne bridera pas le nombre d’allers-retours entre les deux chambres du Parlement. « Je ne crois pas que sur ce sujet il y ait de procédure accélérée possible […] Je dois aussi pouvoir dire qu’on ne part pas de nulle part, qu’il y a eu déjà beaucoup de travail, mais il faudra prendre le temps, on est le prendra », a indiqué Agnès Firmin-Le Bodo en réponse à l’interrogation de Catherine Deroche, la présidente LR de la commission des affaires sociales.

Après plusieurs déplacements à l’étranger pour se nourrir de l’expérience des États ayant légiféré dans cette direction, Agnès Firmin-Le Bodo plaide pour un « modèle français de la fin de vie », estimant qu’aucun « modèle n’est duplicable in extenso dans notre pays ».

« La société a évolué » depuis 2016

Plusieurs sénateurs LR se sont interrogés sur cette opportunité de légiférer à nouveau alors que la loi Claeys-Leonetti de 2016 n’est pas encore pleinement appliquée. Ce texte a approfondi le rôle des directives anticipées des patients et autorise le recours à sédation profonde qui altère la conscience, à la demande d’un patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme. Sur la base de rapports d’évaluation, la ministre a elle aussi concédé qu’il restait « beaucoup de chemin » à parcourir pour une application pleine et entière de la loi. Tout en rappelant que ce même texte ne répondait « pas à toutes les situations ».

Pour autant, le sénateur et médecin Alain Milon (LR) s’est interrogé sur le retour d’un texte dès cette année, alors que onze ans ont séparé la loi Claeys-Leonetti de la loi Leonetti de 2005, laquelle avait indiqué que certains traitements ne devaient faire l’objet d’une « obstination déraisonnable ». Pourquoi revenir huit ans à présent après le précédent texte ? « Le Comité consultatif national d’éthique a émis un avis, c’était important de se caler sur l’avis. La société a évolué aussi pendant cette période, assez rapidement. Il y a un pourcentage assez constant de concitoyens qui souhaitent que la loi évolue », a remis en perspective Agnès Firmin-Le Bodo.

Fin 2024, tous les départements auront une unité de soin palliatif, s’est engagée la ministre

L’audition a également permis d’aborder la question des moyens accordés pour les soins palliatifs, ces actes qui visent à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies graves ou en phase terminale, en prévenant ou soulageant leurs souffrances. Un sujet que la ministre ne souhaite pas voir s’opposer au nouveau droit de l’aide active à mourir. Alors que l’actuel plan de développement de ces soins (2021-2024) arrive progressivement à son terme, la ministre a répété son intention de développer une stratégie sur un horizon plus long, de dix ans. « Nous pensons que c’est par ce moyen que nous allons pouvoir réussir à apporter des réponses », a-t-elle expliqué. D’ici là, Agnès Firmin-Le Bodo s’engage à rattraper le retard dans certains territoires. « Nous essayerons de faire en sorte, qu’à la fin 2024, les 20 départements qui n’ont pas actuellement d’unités de soins palliatifs, en aient une. » Lors de son intervention, la sénatrice Laurence Cohen (communiste) a fait observer que les soins palliatifs dépendaient de « moyens humains et financiers ».

La « première brique » du prochain plan décennal se matérialisera par la refonte de la circulaire du 25 mars 2008, relative à l’organisation des soins palliatifs. La nouvelle instruction devrait être publiée « dans les jours prochains », a annoncé la ministre. Elle estime qu’il est désormais « urgent » d’en « rénover le pilotage ». L’enjeu principal consistera, selon elle, à développer une « culture palliative », en formant les étudiants en médecine à ces questions.

S’il faudra réunir une majorité de parlementaires sur un sujet qui transcende les clivages et qui touche aux convictions personnelles de chaque élu, la ministre en chargé des professions de santé devra également gérer les craintes et les attentes des soignants. L’Ordre des médecins s’est par exemple dit « défavorable » à la participation de la profession à l’euthanasie. Agnès Firmin-Le Bodo a rappelé qu’il était « important » de prévoir une clause de conscience. Et d’ajouter : « Il est nécessaire de trouver un équilibre entre une ouverture d’un nouveau droit pour les Français et les préoccupations légitimes des professionnels. »

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