En juin dernier, la dissolution a interrompu les débats en cours à l’Assemblée nationale autour du projet de loi sur la fin de vie. Un sujet épineux, sur lequel les députés avaient déjà avancé en adoptant notamment les articles définissant l’ « aide à mourir », suicide assisté et euthanasie, et les conditions pour y accéder.
La présidente de l’Assemblée nationale avait déjà exprimé son regret que les discussions aient été brutalement interrompues, mais elle est allée plus loin sur le plateau de BFM TV ce 24 septembre, en affirmant sa volonté de voir ce projet de loi « réexaminé à l’Assemblée avant la fin de l’année ».
La nouvelle proposition de loi à l’Assemblée trouve des soutiens au Sénat
Sans attendre une nouvelle initiative gouvernementale, le député MoDem Olivier Falorni, rapporteur général du texte abandonné en juin, a de son côté déposé une proposition de loi reprenant largement son contenu. Une initiative qui rencontre un certain succès dans la nouvelle Assemblée, signée par 166 députés dont les trois présidents de groupe de gauche, mais aussi Yaël Braun-Pivet et l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne.
La proposition trouve déjà un écho au Sénat. Du côté des socialistes, la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie confirme son soutien à l’initiative de son collègue de l’Assemblée, ajoutant que les sénateurs du groupe « se mobiliseront » pour que le texte arrive jusqu’à l’hémicycle de la chambre haute. En mars 2021, la sénatrice de Paris s’était déjà cassée les dents sur le sujet, sa proposition de loi « visant à établir le droit à mourir dans la dignité » avait été rejetée avant même la fin des débats.
Sa collègue écologiste Anne Souyris, qui avait également déposé une proposition de loi sur le sujet au Sénat en avril dernier, est aussi déterminée à faire aboutir le texte. « Il y a eu un débat social intense, puis un tel travail avec toutes les parties prenantes sur le sujet, ce serait une grande déception et même un déni de démocratie de s’arrêter là », déplore-t-elle.
« Il y a d’autres urgences, le Sénat n’est pas pressé d’aborder ce texte »
Du côté de la majorité sénatoriale, on ne semble cependant pas pressé de rouvrir le débat. « Je ne dis pas que ce n’est pas un sujet important, il y a effectivement des attentes des citoyens sur le sujet. Mais, il y a d’autres urgences, le Sénat n’est pas pressé d’aborder ce texte », estime la sénatrice Les Républicains Corinne Imbert.
Dans un rapport d’information publié il y a un an, l’élue considérait déjà l’introduction d’une « aide active à mourir » comme « ni souhaitable, ni opportune », plaidant plutôt pour une « application pleine et entière » de la loi Claeys-Leonetti et l’amélioration de l’offre de soins palliatifs.
Une position partagée par son collègue des Républicains Alain Millon, médecin de profession : « Il n’y a pas d’urgence pour une proposition de loi sur la fin de vie, l’urgence c’est la mise en place de soins palliatifs convenables. Il y a encore des citoyens qui meurent sans avoir pu bénéficier de ces soins, faute de services ou d’équipes itinérantes dans tous les territoires. »
Une position gouvernementale indéterminée
Si un nouveau texte devait arriver au Sénat, les débats seraient en tout cas nourris. Comme souvent sur les enjeux de bioéthique, les divisions au sujet de la loi sur la fin de vie vont en effet au-delà du clivage entre groupes de gauche et de droite. Pour le sénateur socialiste Bernard Jomier, l’adoption d’un texte sur le sujet est « évidemment une priorité », mais le médecin de profession s’oppose toutefois à une reprise des débats dans les termes déjà votés à l’Assemblée au mois de juin.
« Je suis favorable à une légalisation du suicide assisté, à l’image du modèle suisse, mais en cours d’examen la porte a été ouverte à l’euthanasie. Si on continue sur ces bases, on n’y arrivera pas, le jusqu’au-boutisme du texte servira d’excuse à ceux qui ne veulent pas d’une loi sur la fin de vie pour tout bloquer », observe le sénateur. Bernard Jomier plaide ainsi pour le dépôt d’un nouveau projet de loi, « la meilleure méthode pour aboutir à un consensus ».
Toutefois, rien n’indique que le gouvernement souhaite remettre le sujet sur la table. D’autant plus que l’exécutif compte désormais plusieurs opposants notoires à une nouvelle loi sur le sujet, à l’image de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet qui avait pris position contre le texte lorsqu’elle était députée, ou encore du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Ce 23 septembre, la ministre de la Santé Geneviève Darieussecq a affirmé que les parlementaires « doivent terminer le travail », ajoutant devoir « en parler avec le Premier ministre ». Mais, de son côté, Michel Barnier n’a pour le moment donné aucun signal en la matière.