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Fin de vie : renforcer l’accès aux soins palliatifs, l’autre enjeu du projet de loi

Le projet de loi sur la fin de vie, qui doit être présenté en avril en Conseil des ministres, entend également s’attaquer aux disparités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire national. Le gouvernement a déjà annoncé un « plan décennal » sur ce sujet. La droite sénatoriale, qui a travaillé sur ces questions, reproche au gouvernement de mêler accès aux soins et aide à mourir à des fins politiques.
Romain David

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Le projet de loi sur la fin de vie, dont les contours ont été dévoilés par Emmanuel Macron dimanche, dans un entretien accordé à La Croix et à Libération, comportera un volet consacré aux soins palliatifs. « Le projet de loi aura une première partie sur les soins d’accompagnement, une deuxième sur le droit des patients et des aidants, et une troisième sur l’aide à mourir. Pourquoi un seul texte et trois volets ? Pour ne pas laisser penser que l’on fait l’aide à mourir parce que la société n’est pas capable de prendre soin », explique le chef de l’Etat, mettant ainsi fin aux rumeurs selon lesquels l’exécutif souhaitait séparer aide à mourir et soins palliatifs.

Toutefois, en marge du projet de loi, le gouvernement présentera aussi son « plan décennal pour les soins palliatifs », qui viendra prendre la relève du plan national 2021-2024, mis en place pour renforcer l’offre d’accompagnement, notamment dans les départements dépourvus d’unités dédiées. À cette fin, un groupe de réflexion piloté par le professeur Franck Chauvin, ancien président du Haut Conseil pour la Santé publique, directeur de l’Institut de prévention et de santé globale à l’Université de Saint-Étienne, a été mis en place en mai dernier. Le déploiement de la nouvelle stratégie sera accompagné d’une enveloppe d’un milliard d’euros, annonce le chef de l’Etat, venant s’ajouter au 1,6 milliard actuellement consacré aux soins palliatifs.

Le « en même temps » d’Emmanuel Macron

« Beaucoup d’annonces, pour lesquelles on a du mal à y voir clair », commente auprès de Public Sénat la sénatrice LR de Charente-Maritime Corinne Imbert, co-auteure en 2021 d’un rapport qui tirait la sonnette d’alarme sur les difficultés d’accès aux soins palliatifs en France. À l’époque, 26 départements étaient dépourvus d’unités de soins spécifiques et seuls 30 % des patients pouvant y prétendre étaient pris en charge, alors que la loi du 9 juin 1999 reconnaît précisément le droit de toute personne dont l’état le requiert d’avoir accès aux soins palliatifs.

« J’aurais préféré un texte de loi séparé sur ce sujet. D’un côté vous avez la question des besoins en soins, qui fait plutôt consensus, de l’autre un sujet sociétal difficile. C’est une forme de stratégie politique de la part du président de la République, sur la base du ‘en même temps’. Mais je ne suis pas sûre que cela facilite les débats dans la mesure où il y aura de nombreux désaccords autour de l’aide active à mourir », explique Corinne Imbert.

« Le vrai progressisme, ce sont les soins palliatifs »

L’exécutif met volontiers en avant les efforts fournis ces dernières années pour renforcer l’accès aux soins palliatifs ; de 26 départements dépourvus d’unités dédiées, le compteur est passé à 21. Mais les avancées restent fragiles, en partie tributaire de la crise des vocations et d’attractivité qui frappe l’hôpital public.

Ainsi, depuis les annonces d’Emmanuel Macron, de nombreux élus de droite évoquent volontiers l’hôpital de Houdan dans les Yvelines, dont l’unité de soins palliatifs a fermé fin février faute de personnels. Une situation que plusieurs sénateurs comparent aux inégalités d’accès à l’interruption volontaire de grossesse, largement évoquées ces dernières semaines à droite de l’échiquier politique pour réduire l’inscription de l’IVG dans Constitution à sa seule portée symbolique. « Après l’IVG, Emmanuel Macron utilise le droit à mourir avant des élections difficiles. Deux sujets de société importants avec un calendrier choisi. Pendant ce temps-là, les centres IVG ferment tout comme l’unité de soins palliatifs à Houdan, faute de médecins », s’agace notamment Sophie Primas, vice-présidente du Sénat, sur X (anciennement Twitter).

« Le vrai progressisme, ce sont les soins palliatifs », estime pour sa part la sénatrice LR de Lot-et-Garonne Christine Bonfanti-Dossat, co-auteure du rapport sénatorial de 2021, et qui reproche au gouvernement de « brûler les étapes » avec ce nouveau texte. « Bien sûr, on ne peut que se réjouir des annonces et des efforts que le gouvernement semble vouloir faire en la matière. Mais il y a des besoins qui ne sont pas comblés, J’attends toujours les mesures effectives qui viendront soulager les patients », abonde Corinne Imbert.

Accorder une place plus importante à la fin de vie dans la formation initiale des médecins

« On évalue à environ 100 000 le nombre de Français qui n’accèdent pas aux soins auxquels ils devraient accéder en fin de vie, c’est beaucoup », indique le sénateur de Paris Bernard Jomier (apparenté PS), médecin de profession. « La réponse passe par des soignants formés, des revalorisations d’actes, la formation, l’organisation. Il faut un réseau ».

Le rapport sénatorial insistait précisément sur le volet formation, relevant un important déficit d’intérêt pour les soins palliatifs lors des études de médecines. Il recommandait l’introduction d’un stage obligatoire durant l’internat de médecine « dans une unité ou équipe mobile » pour les futures généralistes et les spécialités médicales ayant à prendre en charge des malades atteints de pathologies graves ou chroniques.

Concernant le milliard d’euros supplémentaire annoncé par Emmanuel Macron, Bernard Jomier salue un effort « significatif ». Corinne Imbert, en revanche, invite à relativiser cette somme : « Ramener à chaque département, c’est 100 millions d’euros. Certes, c’est mieux que zéro, mais je ne suis pas sûr que cela règle le problème ».

Développer les soins palliatifs à domicile

Un rapport de la Cour des comptes publié en juillet 2023 rappelle que le vieillissement de la population française doit conduire à une augmentation de la dépense publique en matière de soins palliatifs. Mais les sages de la rue Cambon s’interrogent aussi sur les capacités de l’hôpital pour absorber le choc démographique à venir. « Celui-ci doit conduire les pouvoirs publics à développer une offre complémentaire à l’hôpital, en particulier à domicile et en établissement médico-social, plus efficiente et permettant un parcours de soins gradué, de façon à répondre aux besoins sans augmenter les coûts de façon proportionnelle », écrivent-ils.

Emmanuel Macron, toujours dans les colonnes de La Croix et Libération, évoque « un continuum avec la médecine de ville » et des investissements « sur l’accompagnement à domicile appuyé sur les réseaux de soins ».

« Les soins palliatifs doivent se faire prioritairement au domicile quand c’est possible – l’Ehpad est un domicile – et par défaut dans les unités de soins palliatifs en milieu hospitalier », souligne Bernard Jomier. Pour Corinne Imbert, ce chantier implique « de multiplier les équipes mobiles, mais aussi de renforcer le lien avec les libéraux et les infirmiers ». « J’ai quelques idées en la matière, que j’aurais l’occasion d’exprimer pendant les débats », glisse l’élue.

Des débats qui devraient occuper le Parlement durant de longs mois : le gouvernement ne souhaitant pas enclencher la procédure accélérée sur un sujet aussi délicat, il y a fort à parier que la navette parlementaire multiplie les allers-retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Coup d’envoi des débats : le 27 mai au palais Bourbon.

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