La commission des affaires sociales a examiné les différents rapports de branche sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 ce 15 novembre, ainsi que les différents amendements des rapporteurs qui seront soumis en séance à partir du 19 au 24.
La majorité sénatoriale ambitionne de « nettoyer » le texte revenu de l’Assemblée nationale, mais également de ramener le déficit des comptes sociaux à 15 milliards d’euros, soit 9 de moins par rapport à la copie examinée partiellement par les députés. Voici le tour des principaux amendements à attendre au cours des prochains jours, qui devraient être approuvés par la majorité de droite et du centre.
Trois modifications majeures attendues
La principale modification que défendra la commission des affaires sociales en séance est, sans surprise, la suppression de la suspension de la réforme des retraites de 2023. « Elle relève plus de l’effet d’annonce que d’une véritable avancée », considère-t-elle.
Elle veut réintroduire l’article 44, c’est-à-dire la mesure de gel des prestations et des pensions pour l’année 2026, mesure supprimée par l’Assemblée nationale. Elle constituait la mesure d’économie la plus importante du projet de loi. Seule différence avec le texte initial : la commission des affaires sociales exclut l’allocation adulte handicapé et les pensions de retraite inférieures à 1 400 euros, qui seront donc revalorisés de l’inflation en 2026. La commission n’a pas repris le mécanisme de sous-indexation des pensions au titre pour les années 2027 à 2030. Le rendement de cette mesure est estimé à 1,9 milliard d’euros en 2026.
Dans le volet recettes, la commission propose également de supprimer l’article 6 bis, qui prévoit de porter le taux de la CSG sur les revenus du capital de 9,2 % à 10,6 %.
Des amendements pour restaurer des recettes ou retirer certains prélèvements
La commission des affaires est ensuite favorable à remettre le gel du barème de la contribution sociale généralisée (CSG), à l’article 6, qui avait été supprimée à l’Assemblée nationale.
La commission veut aussi rétablir la taxe exceptionnelle sur les cotisations versées aux complémentaires santé, pour l’année 2026. L’article 7 avait été supprimé par les députés. Les sénateurs s’en tiennent toutefois à un rendement d’un milliard d’euros, ce qui était prévu dans le projet de loi initial. Elle ne réintégrera pas la majoration de 100 millions d’euros, introduite par la lettre rectificative pour financer la suspension de la réforme des retraites.
Un point dans le volet recettes agace aussi particulièrement la commission : la captation par l’État de trois milliards d’euros de TVA. C’est le montant qui aurait dû être normalement destiné à la Sécurité sociale, avec la réforme des allègements généraux de cotisations. Dans un amendement, la commission des affaires sociales veut annuler les mouvements de recettes entre les branches de la Sécurité sociale, en raison de cette moindre rentrée de TVA. Le rapport d’Élisabeth Doineau (Union centriste) précise toutefois qu’il reviendra au gouvernement d’augmenter de trois milliards d’euros la TVA affectée à la Sécu, dans le projet de loi de finances.
Les sénateurs de la commission veulent supprimer la nouvelle contribution sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques créée par l’article 10. Dans un contexte tendu, ils estiment qu’elle est « difficilement absorbable, notamment pour les TPE et PME du secteur » et qu’elle enverra un « signal négatif » pour l’investissement et l’innovation. En contrepartie, les sénateurs proposent de diminuer le seuil de la clause de sauvegarde en contrepartie. Il s’agit d’une contribution à l’Assurance maladie des laboratoires pharmaceutiques lorsque leur chiffre d’affaires, réalisé sur des produits remboursables, a progressé plus vite qu’un taux défini dans la loi de financement.
Plusieurs modifications importances dans le volet santé du texte
La révision du cadre de la prescription des arrêts de travail est une autre modification notable au Sénat. La commission appelle à supprimer, dans l’article 28, la limitation de leur durée. Il s’agit, pour la rapporteure (LR) Corinne Imbert d’une « atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de prescription ». D’autre part, cette disposition « mobiliserait plusieurs centaines de milliers d’heures de consultations pour prolonger des arrêts ».
Les sénateurs ont fait preuve de prudence en commission sur les mécanismes permettant de lutter contre la rentabilité « excessive » de certains actes médicaux. Si elle estime qu’il est légitime de tenir compte des gains de productivité et des taux de marge dans la négociation des tarifs, la commission juge toutefois « contre-productif » de baisser des prix de façon unilatérale « sur les seuls déterminants de la rentabilité ». Les sénateurs refusent d’attribuer à l’Assurance maladie et au gouvernement un pouvoir de baisse unilatérale des tarifs.
Toujours en matière de santé, un amendement de la commission propose de supprimer l’obligation de vaccination contre la grippe pour les résidents des Ehpad (à l’article 20). L’exposé des motifs de l’amendement rappelle que le taux de couverture était de 83 % lors de la dernière épidémie et que ce sujet soulève des « questions éthiques sensibles ».
Niet également de la commission des affaires sociales concernant l’article 31. Elle veut supprimer le projet de sanction des professionnels de santé en cas de non-renseignement ou de non-consultation du dossier médical partagé. Elle dénonce un « esprit de culpabilisation » et préconise un dispositif incitatif.
Enfin, la commission des affaires sociales du Sénat se montre très sceptique sur l’engagement du Premier ministre d’un réseau de 5 000 « maisons France Santé » d’ici à 2027 (article 21 bis). Les sénateurs s’opposent à une labellisation de « l’existant à marche forcée sans lutter concrètement contre les déserts médicaux », une « opération d’affichage », et appellent le gouvernement à revoir sa copie.
Les suppressions de dispositions sur lesquelles la commission ne veut pas revenir
Une majorité de la commission des affaires sociales va aussi dire non à l’élargissement du périmètre des franchises médicales, et confirmera la suppression de l’article 18, « afin de préserver l’accessibilité financière aux soins ».
Pas de modifications à ce stade sur le front de l’article 8, qui prévoyait une taxe de 8 % sur les compléments de rémunération (titres-restaurant, chèques-vacances, avantages financés par les CSE). Les rapporteurs veulent maintenir cette suppression. Seul le passage de 30 % au taux de 40 % du taux d’imposition des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite est conservé.
L’article 26, qui proposait d’augmenter la taxation des dépassements d’honoraires n’a pas non plus été rétabli par la commission des affaires sociales, qui juge le dispositif « inopportun » et comportant des « effets pervers évidents ».
La commission ne proposera pas non plus de ressusciter l’article 29, qui proposait de supprimer les règles dérogatoires en matière d’indemnités journalières permises par le régime d’affections de longue durée (ADL) dites non exonérantes (troubles musculosquelettiques et dépressions légères, principalement). Les rapporteurs estiment que cette suppression de ce régime plus protecteur que le droit commun est envisageable qu’à la condition de développer des mesures d’accompagnement « ambitieuses » pour faciliter le retour à l’emploi.