À l’heure où la température monte dans les débats budgétaires à l’Assemblée nationale, Stéphanie Rist a assuré aux sénateurs que le gouvernement était animé d’un « esprit de dialogue ». La ministre de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, entendue ce 29 octobre par la commission des affaires sociales, a d’abord rappelé ce qui est devenu un leitmotiv dans les auditions budgétaires depuis deux semaines. « Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le Premier ministre l’a dit, est une copie de départ. Le texte final sera ce que le Parlement en fera, et il sera nécessairement bien différent du texte initial », s’est engagée l’ancienne députée Renaissance. C’est la conséquence de l’engagement de l’exécutif à ne pas faire passer le texte en bout de course selon les modalités de l’article 49.3 de la Constitution.
L’opération déminage n’avait rien de superflu compte tenu des dispositions crispantes inscrites dans le texte, dont la version initiale doit permettre de réduire le déficit des comptes sociaux de 23 milliards en 2026 à 17,5 milliards en 2026. La branche maladie, dans « une situation financière préoccupante » selon la sénatrice LR Pascale Gruny, vice-présidente de la commission, est fortement mise à contribution, avec sept milliards d’économies.
Dans ce texte, le gouvernement propose de limiter la progression des dépenses de l’Assurance maladie à seulement 1,6 % (soit 5 milliards d’euros), alors qu’elles progressaient en moyenne de plus de 4 % ces dernières années. Les hôpitaux comme des syndicats de médecins ont fait part de leurs craintes, face aux besoins. « On peut se demander si cela est bien tenable », s’est inquiétée la sénatrice Pascale Gruny. « On s’interroge sur la crédibilité de cet objectif », a ajouté sa collègue Florence Lassarade (LR), relayant les critiques du Haut Conseil des finances publiques. Cette instance, placée auprès de la Cour des comptes, a jugé que les économies liées aux mesures d’efficience étaient « peu documentées ». Stéphanie Rist a reconnu que ce relèvement de l’Ondam en 2026 devrait être « un des plus bas depuis longtemps ». Selon les fédérations hospitalières, il s’agit de « la pire cure d’économies depuis les années 2010 ».
Franchises médicales : « une augmentation modérée », selon la ministre
« Nous devons maîtriser, malgré tout, ces dépenses, si nous voulons soutenir cette protection sociale », a martelé la ministre, estimant qu’il fallait « regarder la réalité en face » et en particulier la perspective d’un « déficit durable » pour les dépenses de santé. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), avait été augmenté de 3,5 % dans la dernière loi de financement, adoptée en février. Ce qui n’a pas empêché un dépassement de 0,5 point, et le déclenchement d’une procédure d’alerte, et donc de mesures d’urgence laissée à la main du gouvernement.
Les patients vont être mis à contribution, avec le relèvement des franchises sur les médicaments ou encore des participations forfaitaires, payées sur les consultations médicales. Le doublement de ce « forfait de responsabilité » devrait rapporter près de 2,3 milliards d’euros.
La ministre de la Santé a estimé que la hausse serait de l’ordre de 42 euros par patient, que le reste à charge en France resterait l’un des plus faibles des économies développées. 18 millions de Français (mineurs, femmes enceintes, bénéficiaires de la contribution santé solidaire, bénéficiaires des minima sociaux), sont d’ores et déjà exonérés des franchises. « On peut donc ensemble s’accorder sur le fait que la participation demandée aux assurés reste encore modérée », a fait valoir la ministre. « Je n’utiliserais pas ce qualificatif. Ce sera un quadruplement de ces franchises et participations en trois ans », a rétorqué la sénatrice Céline Brulin (communiste). La ministre a cependant ouvert la porte à étendre les cas dans lesquels ces franchises ne sont pas dues. « Il y a un débat intéressant qui pourrait être de dire : est-ce qu’il faut rajouter des gens qui ne payent pas ces franchises ? Je trouverais que ça pourrait être un débat intéressant. »
Stéphanie Rist revendique de faire participer tous les acteurs du système. Les laboratoires de l’industrie pharmaceutique sont mis à l’effort – ce qui inquiète la rapporteure générale Élisabeth Doineau (Union centriste) « dans un contexte de fragilisation de certaines lignes industrielles ». La ministre a également été interpellée par la sénatrice de la Mayenne au sujet de l’alourdissement de la taxe prévue sur les complémentaires. D’un rendement initial d’un milliard d’euros, elle a été augmentée de 100 millions d’euros, après la lettre rectificative proposant la suspension pour deux ans de la réforme des retraites de 2023. « N’y avait-il pas d’autres manières de financer cette mesure ? » a demandé Élisabeth Doineau.
Surcotisation sur les dépassements d’honoraires : « il faut faire évoluer probablement cet article »
Là encore, la ministre de la Santé a laissé le champ ouvert à des modifications. « Le gouvernement est ouvert aux évolutions de ce texte du budget de la Sécurité sociale, en restant dans un cadre de déficit global en dessous des 5 % du PIB », a-t-elle cadré. Pour rappel, les textes budgétaires prévoient dans leur version initiale un retour à 4,7 %, ce qui laisse moins de dix milliards d’euros de marge de négociation, budget de l’État compris. La ministre a, par ailleurs, annoncé le lancement dans les prochains jours d’une mission, confiée à « deux personnalités qualifiées » sur les relations entre les organismes complémentaires et l’Assurance maladie.
Le gouvernement veut aussi demander un effort aux secteurs « dont la rentabilité peut être qualifiée d’excessive » – c’est-à-dire avec des marges anormalement élevées – mais également appliquer une surcotisation sur les dépassements d’honoraires dans les consultations. Or, « les syndicats de médecins alertent sur le fait que le secteur 1 [sans dépassements, ndlr], à l’heure actuelle, n’est plus très rentable », a alerté Florence Lassarade. Sur ce sujet sensible également, la ministre fait aussi le pari de certains aménagements. « On a cet article qui, à mon avis, va être modifié au fur et à mesure du débat parlementaire […] il faut faire évoluer probablement cet article. »
S’il fait la part belle aux mesures d’économies et d’efficience, le PLFSS comporte néanmoins quelques dispositions allant dans le sens d’une amélioration de certains aspects. C’est par exemple le cas des 65 millions d’euros fléchés pour la santé mentale, des 200 millions d’euros pour investir dans la formation et l’attractivité des métiers à l’hôpital, des mesures de revalorisation pour les garder astreintes des professionnels, ou encore de la prise en charge par l’Assurance maladie de prestations aujourd’hui non remboursées, et permettant d’éviter le développement de maladies chroniques.
« Ce qui relève du courage politique ne doit pas tourner à l’acharnement »
La ministre a donc insisté sur la « nécessité d’avoir un budget pour notre Sécurité sociale, à la fin de l’année », et « si nous voulons des mesures nouvelles produites dans ce budget ». « Qu’il soit voté oui, mais pas à n’importe quel prix », a prévenu la sénatrice socialiste Corinne Féret. Selon la sénatrice du Calvados, ce texte propose des mesures « totalement injustes ». Le gel de l’ensemble des prestations sociales, à l’article 44, est revenu à plusieurs reprises au cours des débats.
Si le sénateur LR Laurent Burgoa considère qu’un gel uniforme renforce « l’acceptabilité et la lisibilité de la mesure », il considère également que « ce qui relève du courage politique ne doit pas tourner à l’acharnement ». Le sénateur du Gard a donné pour exemple la disposition supprimant la prise en compte de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) en revenu professionnel dans le calcul de la prime d’activité. Il a prévenu qu’un « débat » aurait lieu sur le périmètre de ce gel.