Installation des médecins, déserts médicaux… Le Sénat adopte la proposition de loi pour « améliorer l’accès aux soins dans les territoires »

Les sénateurs ont voté à une large majorité un texte porté par la droite qui encadre la liberté d’installation des médecins dans les zones déjà bien dotées. Ils ont également intégré à leur texte une « solidarité territoriale obligatoire » en faveur des déserts médicaux, un dispositif défendu par le gouvernement.
Romain David

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Les sénateurs ont adopté mardi soir, avec 190 voix pour et 29 contre, une proposition de loi visant à « améliorer l’accès aux soins dans les territoires », qui comporte plusieurs mesures encadrant la liberté d’installation des médecins. L’examen de ce texte, porté par le sénateur LR Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, intervient dans un contexte d’inflation législative autour de la problématique des déserts médicaux. Le 7 mai, l’Assemblée nationale a adopté en la matière la proposition de loi du député socialiste Guillaume Garot. Un texte jugé coercitif, qui limite la liberté d’installation dans certains territoires, et qui soulève de vives inquiétudes chez les professionnels de santé.

Sous l’impulsion de la droite sénatoriale, qui a longtemps été opposée à toute régulation dans ce domaine, la Chambre haute a voulu proposer une législation plus souple. Au cœur du texte : deux dispositifs d’encadrement. Le premier conditionne l’installation des médecins dans les zones dites « sur-denses » à un engagement de leur part : réaliser un certain nombre d’actes dans les territoires moins bien dotés. « L’ampleur de l’aggravation d’accès aux médecins justifie désormais pleinement ces dispositions », a indiqué la rapporteure LR Corinne Imbert. Aujourd’hui, plus de 10 % des Français n’ont pas de médecins traitants.

Deux jours de consultations dans les zones « prioritaires »

Le second dispositif, introduit par un amendement du gouvernement sur la base du « pacte de lutte contre les déserts médicaux » présenté par le Premier ministre fin avril, vise quant à lui l’ensemble des médecins déjà installés. Il leur impose une « mission de solidarité territoriale obligatoire » dans des zones considérées comme « prioritaires » par les Agences régionales de santé. Ces médecins devront réaliser jusqu’à deux jours de consultations par mois dans les territoires concernés. Ils bénéficieront d’une indemnisation supplémentaire pour leurs missions, mais seront aussi passibles d’une pénalité financière en cas de refus.

Avec cette mesure, le gouvernement entend « demander peu à beaucoup de professionnels, afin d’alléger la charge individuelle », a résumé Yannick Neuder, le ministre chargé de la Santé, évoquant à plusieurs reprises « une responsabilité collective ». Ce texte est particulièrement bienvenu pour l’exécutif qui, privé de majorité à l’Assemblée nationale, n’a pas pu empêcher l’adoption de la proposition de loi Garot. En s’appuyant sur le Sénat, le gouvernement espère parvenir à imposer une législation moins restrictive.

« La pénurie est une vraie difficulté mais la régulation n’est pas une réponse »

Les oppositions de gauche ont tenté en vain d’amender le texte pour le rapprocher du dispositif voté par les députés. « L’article 3, qui prévoit un engagement partiel en zone sous dense, est un tout petit pas. […] Mais ce texte ne va pas assez loin, les réponses proposées sont mitigées, trop timides », a estimé la socialiste Annie Le Houerou. « Il reste une digue, celle de la liberté d’installation des médecins, même si elle se fissure », a ajouté son collègue Jean-Luc Fichet.

Fait rare : une partie des élus centristes, d’ordinaire alliés des LR au Sénat, se sont désolidarisés de la proposition de loi, considérant qu’elle ne s’attaque pas vraiment au manque de médecins. « Je pense qu’on ne peut pas distribuer ce que l’on n’a pas. La pénurie est une vraie difficulté mais la régulation n’est pas une réponse », a pointé Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.

Les élus ont également adopté le principe d’une rémunération forfaitaire calculée selon la part de patientèle traitée en zone sous-dense. Il s’agit de relancer l’attractivité des consultations réalisées dans ces territoires aux yeux des jeunes médecins. Mais là aussi, la gauche a manifesté sa défiance, évoquant le risque de « financiarisation » de la profession.

Une vingtaine de dispositions

Largement salué, l’article 9 simplifie le dispositif d’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), et raccourcit le délai d’octroi de leur autorisation d’exercer. À l’article 12, les élus ont élargi les compétences des pharmaciens, en les autorisant à prendre en charge des patients dans certaines situations et à les orienter dans le parcours de soins, mais aussi à délivrer, sous conditions, des médicaments sous prescription médicale obligatoire.

La proposition de loi, qui contient une vingtaine d’articles, comporte encore plusieurs dispositifs techniques, visant notamment à renforcer le rôle des départements et des élus locaux dans l’offre de soins. Ce texte, pour lequel le gouvernement a engagé une procédure accélérée, doit désormais être transmis à l’Assemblée nationale.

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