Conséquence directe d’une motion de censure qui ferait tomber le gouvernement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est plus que jamais menacé. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau (Union centriste), rappelle l’importante de voter une disposition permettant à la Sécu de pouvoir emprunter.
La division, effet secondaire du passe vaccinal chez les sénateurs LR
Par Public Sénat
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Ça passe ou ça ne passe pas ? Après les députés, qui ont terminé dans la nuit de mercredi à jeudi l’examen du projet de loi sur le passe vaccinal, au tour des sénateurs de plancher sur ce texte sensible. Des sénateurs qui, vu les circonstances, ont décidé de se donner un peu plus de temps. Le texte sera en séance mardi prochain, même si le premier ministre espérait ce matin une accélération, que refuse le Sénat. « Il ne faut pas trop nous prendre pour des cons ! » s’énerve un sénateur LR, qui rappelle que les retards sont d’abord dus à « l’absence » des députés LREM en séance.
Chacun ses difficultés. Car à l’Assemblée, lors du vote sur l’article 1 sur le passe vaccinal, les députés LR ont brillé par leur désunion, avec 26 pour, 33 contre, 11 abstentions. Autrement dit, la candidate LR, Valérie Pécresse, qui a appelé à voter le passe, n’est pas suivie par les parlementaires de son camp. Ça fait mauvais genre. Qu’en sera-t-il au Sénat, où les LR détiennent avec les centristes la majorité ?
« Certains se disent à quoi bon modifier le passe sanitaire en passe vaccinal »
Mardi dernier, lors de la réunion de groupe, on constatait déjà que la grogne était bel et bien là. Depuis, Emmanuel Macron a décidé d’« emmerder » les non-vaccinés. Ça n’a rien arrangé. Dans les rangs des sénateurs LR, le camp des opposants pourrait grandir. « Il y a sûrement chez nos collègues une forme de lassitude. Et certains se disent à quoi bon modifier le passe sanitaire en passe vaccinal », confirme Catherine Deroche, présidente LR de la commission des affaires sociales. « Lors du dernier vote sur le passe sanitaire, une vingtaine de collègues n’étaient pas favorables. Les propos de Macron ne vont pas améliorer les choses », ajoute François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois.
Ce vote du 28 octobre dernier sur le passe sanitaire donne en effet une idée du rapport de force. 21 sénateurs LR (sur 146) avaient voté contre et 13 s’étaient abstenus. Chez les centristes, 15 avaient voté contre (sur 56). On devrait, a minima, retrouver cet étiage. Un sénateur prédit aujourd’hui plutôt « un tiers de sénateurs LR remontés », ce qui voudrait dire près de 50.
« J’ai un doute sur mon vote, entre abstention et rejet »
Jérôme Bascher fait partie de ces sénateurs remontés. « Le mot du Président n’a pas aidé. Comme a dit Hervé Marseille, lors des questions d’actualité, l’exposé des motifs a changé. Moi-même, j’ai un doute sur mon vote, entre abstention et rejet. Et je pense que beaucoup de mes collègues sont dans la même situation », dit le sénateur LR de l’Oise.
Plusieurs réfléchissent encore et compte laisser passer le week-end. « On va voir le climat, ce qui se passera d’ici là aidera beaucoup », dit un sénateur. « Très honnêtement, je suis assez circonspect », reconnaît également Cédric Vial, sénateur (rattaché LR) de la Savoie, qui ne peut « pas dire aujourd’hui quelle sera (sa) position finale. Ça peut changer selon les amendements ». Il attend des « éclaircissements ». Il avait voté « pour le passe sanitaire la première fois, mais contre son extension ». Stéphane Piednoir a déjà arrêté lui son choix. « On est hors délais, sur le plan sanitaire, et hors propos, avec une déclaration qui n’est pas la bonne pédagogie. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur ce texte », annonce le sénateur du Maine-et-Loire.
« Il ne faudrait pas que les sénateurs tombent dans le piège de Macron »
On le voit, le groupe devrait être loin de voter unanimement le passe. « Quelques sénateurs s’énervent. Mais c’est le but du président. C’est une façon de diviser. Il ne faudrait pas que les sénateurs tombent dans le piège », met en garde un sénateur de la majorité. « Nous sommes en faveur du passe vaccinal mais on voit bien le piège qui est tendu », constatait aussi jeudi Bruno Retailleau, à la tête du groupe LR du Sénat.
Un sénateur LR ne partage pas l’analyse. Selon lui, le piège ne serait pas là où l’on croit. « Politiquement, on n’a pas intérêt à voter ce truc-là. Le piège, ce serait de le voter », estime, sous couvert d’anonymat, ce sénateur LR. Il continue :
A-t-on intérêt politiquement à être alignés sur Macron ? La moitié des gens ne le suivent pas. C’est le moment de se démarquer.
« L’idée n’est pas du tout de faire une fronde mais ce passe vaccinal ne sert plus à rien »
« L’idée n’est pas du tout de faire une fronde », s’empresse d’assurer ce même sénateur LR, qui avance des arguments sur le plan sanitaire : « Ce passe vaccinal ne sert plus à rien, il arrive beaucoup trop tard. A quoi ça sert de nous faire légiférer alors qu’il y a 300.000 contaminations par jour ? Je ne vois pas du tout pourquoi il faudrait voter ce texte. Il ne sert à rien. On est utilisés, on va faire les moutons de Panurge. Donc je n’ai pas très envie d’aller dans le troupeau… »
Face à cette tentation de rejeter le texte, le président de la commission des lois met en garde quant aux conséquences politiques. « Imaginez un seul instant que nous votions contre le texte. Quelle sera la réaction de l’exécutif ? Et à qui profite le crime ? Au Président, qui dira heureusement que je suis là et que près de 90 % des Français sont vaccinés. Il aura beau jeu de dire que la droite sénatoriale ne vote pas la protection des Français », alerte François-Noël Buffet, qui appelle à garder la tête froide. « La sortie de Macron crée une tension dans le débat politique. Après, est-ce que ça a une incidence sur le fond du texte ? Ne mélangeons pas tout. Il faudra faire la part des choses. Ne nous laissons pas embarquer dans des chemins où nous ne voulons pas aller », tempère le sénateur LR du Rhône.
« Quand tout le monde s’aligne sur la position du chef, on nous dit vous êtes des béni-oui-oui… »
Reste qu’en se divisant sur ce sujet très clivant, députés comme sénateurs LR ne font pas les affaires de la candidate Valérie Pécresse. Certains assument, comme Laurent Duplomb. « Je vais voter contre en mon âme et conscience », disait-il mardi, avant d’ajouter dans un sourire : « Moi, ça ne me gêne pas… même si ça la gêne ». Un sénateur s’étonne du soutien au passe exprimé par la candidate. « Je ne vois pas pourquoi Valérie Pécresse s’est empressée d’aller à la télé pour dire qu’on allait voter le passe, alors qu’elle n’est pas parlementaire et ne savait pas ce qu’il allait se passer », confie cet élu.
Face à cette droite aux multiples visages sur le passe vaccinal, Stéphane Piédnoir tente de raccrocher les bouts et défend cette liberté de vote. « Quand tout le monde s’aligne sur la position du chef, on nous dit vous êtes des béni-oui-oui… », lance-t-il. « On respecte la liberté d’opinion, on a des groupes qui s’autorisent à avoir une diversité de vote », défend le sénateur, qui vient pourtant d’intégrer l’équipe de campagne de Valérie Pécresse, en tant qu’orateur régional de la candidate dans les Pays-de-la-Loire… « C’est notre candidate. Je suis orateur dans les Pays-de-la-Loire. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on doit mettre un mouchoir sur un certain nombre de convictions et d’analyses », avance celui qui avait soutenu Michel Barnier à la primaire.
« La grande majorité des membres du groupe suivra la commission »
Malgré ces quelques turbulences, le texte devrait être adopté. « La position du groupe est dans la droite ligne de ce que dit Valérie Pécresse. C’est de ne pas bloquer ce texte et donc d’éviter de voter contre », précise Stéphane Piednoir. « On sait qu’il y en a au moins une vingtaine qui ne soutiennent pas, il n’y a pas de surprise, ni de difficulté à l’égard de notre candidate », minimise François-Noël Buffet, qui pense aussi que « la grande majorité des membres du groupe suivra la commission. Il y a une certaine forme de responsabilité à avoir ». D’autant que Gérard Larcher, soutien de longue date de la candidate, veille au grain. « Le Président Larcher nous appelle à la sagesse du Sénat », confie un sénateur LR. Au final, le vote sur le passe vaccinal ne devrait être pour les LR qu’un mauvais moment à passer, vite oublié. Un peu comme une piqûre de vaccin.