La Sécurité sociale fête ses 80 ans : les principaux chiffres de notre modèle social
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La Sécurité sociale fête ses 80 ans : les principaux chiffres de notre modèle social

Pilier fondamental de notre modèle républicain, la Sécurité sociale est née au lendemain de la guerre et fête cet automne un anniversaire marquant. Focus sur les chiffres principaux de cette solidarité, dont le déséquilibre financier s’est aggravé ces dernières années.
Guillaume Jacquot

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Elle fait partie de l’héritage du Conseil national de la résistance. La Sécurité sociale, créée par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, s’est imposée depuis l’après-guerre comme l’un des ciments de la société française. Ce régime de protection sociale, à travers ses cinq branches, protège les Français à diverses étapes de leur vie. Santé, famille, retraite, accidents du travail ou encore prise en charge du grand âge et du handicap : ce système de solidarité répond à de nombreux risques ou besoins de la population.

Cette protection sociale est de loin le premier budget dans la dépense publique. Cette année, les régimes obligatoires de la Sécurité sociale représentent 666,4 milliards d’euros de dépenses, selon la dernière loi de financement adoptée par le Parlement le 17 février, une progression de 3,4 % par rapport à l’année précédente. Les dépenses de la Sécurité sociale pèsent une fois et demie celles de l’Etat, inscrites chaque année dans le projet de loi de finances. Les dépenses sociales représentent en moyenne 9 714 euros par habitant.

Près d’un quart du produit intérieur brut finance la Sécurité sociale

Selon la commission des comptes de la Sécurité sociale, les dépenses des régimes de base représentent 69 % des dépenses totales de protection sociale dans le pays, soit 22 % du PIB. Le total des dépenses de protection sociale en France s’est élevé à 888 milliards en 2023, selon cette même instance, soit 31,5 % du PIB. Un récent rapport sénatorial rappelle que la France ne se situe qu’au sixième rang des 38 pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) en euros par habitant. Rapportée en proportion du PIB, la France a toutefois les dépenses les plus élevées au sein de l’OCDE.

La majorité des interventions de la Sécurité sociale reposent sur sa branche maladie et sa branche vieillesse. La santé et les retraites constituent près de 83 % des dépenses de la Sécurité sociale. Ce sont celles qui expliquent l’essentiel du déficit prévu pour 2025. Ce dernier est attendu à près de 22 milliards d’euros, soit 0,7 % du PIB. La trajectoire annexée à la dernière loi de financement ne prévoit pas de retour à l’équilibre dans les prochaines années. Dans l’état actuel des choses, ce déficit devrait continuer à se creuser pour atteindre 25 milliards d’euros en 2025.

Une prise en charge des dépenses de santé par la Sécurité sociale qui a augmenté ces dernières années

En matière de santé, la solidarité nationale ne s’est pas réduite. Contrairement à une idée reçue, la part des dépenses de santé financée par la Sécurité sociale a augmenté ces dernières années, passant de 76 % en 2012 à 79,6 % en 2022. Cette tendance s’explique par le développement des maladies chroniques, dont les soins sont pris en charge à 100 % au titre des affections de longue durée (ALD). La Caisse nationale de l’Assurance maladie propose d’ailleurs de transférer 3 milliards d’euros de charges vers les complémentaires santé, ce quoi maintenir une répartition constante, de l’une et des autres, dans la prise en charge des dépenses de santé reste d’ici 2030.

Une autre évolution marquante de la période récente est à souligner : le montant total supporté par les ménages (après intervention de la Sécurité sociale et des assurances complémentaires) dans la consommation de soins et de bien médicaux a constamment diminué (exception faite de 2021). Le reste à charge des Français représentait en 2023 7,5 % du total des dépenses, soit 18,6 milliards d’euros. Parmi les 38 membres de l’OCDE, c’est le troisième plus faible reste à charge derrière la Croatie et le Luxembourg. Rapporté à la population, cela représente en moyenne 274 euros par habitant, nous apprend la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques).

La dimension protectrice de la Sécurité sociale est donc notable, même si ce reste à charge moyen cache de profondes disparités. Par exemple, pour un patient en affection de longue durée, son reste à charge annuel s’élève à 840 euros par an.

Déserts médicaux, mortalité infantile : des données qui se sont dégradées

Par rapport à ses voisins européens, en termes d’effets du système de santé, la France reste dans le haut du panier. Selon le dernier rapport de l’Institut national d’études démographiques (Ined), avec une espérance de vie moyenne de 83,1 ans, le pays se situe au sixième rang européen, derrière l’Espagne, l’Italie ou la Suède, mais devant des pays comme les Pays-Bas, le Danemark ou l’Allemagne. L’Hexagone se situe également au même niveau concernant l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans. Une ombre au tableau toutefois : la France enregistre un retard notable en matière de mortalité infantile : elle se situe désormais au 23e rang sur 27. Cet indicateur s’est dégradé depuis plusieurs années et a dépassé la moyenne de l’Union européenne, à 4 pour 1 000.

Malgré des moyens en constante hausse, l’Assurance maladie fait cependant face à des difficultés dans l’accès au soin, du fait d’une démographie médicale qui n’a pas suivi les besoins de la population. L’an dernier, six millions de Français n’avaient pas de médecin traitant et 87 % du territoire était classé en désert médical.

Retraites : un niveau de vie relativement élevé en proportion

Les dépenses de retraites représentent elles aussi une part majeure de la Sécurité sociale. Selon le rapport de la Cour des comptes publié en février, au terme d’une mission flash demandée par François Bayrou, la France consacre 13,8 % de son PIB aux retraites, soit 388,4 milliards (dont les trois quarts par les régimes de base), ce qui en fait le premier poste de dépenses de la protection sociale.

Avec une pension moyenne de 1 626 euros brut par mois fin 2022, les magistrats financiers avaient souligné que les retraités bénéficient « d’une situation financière relativement favorable par rapport au reste de la population, avec notamment un taux de pauvreté inférieur, même si de fortes inégalités existent ». Sur les 11 pays étudiés par le Conseil d’orientation des retraites, seuls l’Italie et l’Espagne font mieux. Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2025, et en l’absence de nouvelles mesures, la branche vieillesse de la Sécurité sociale présenterait un déficit de 0,7 point de PIB en 2040 et de 1,6 point de PIB en 2070.

109 milliards d’euros de dépenses totales au titre de l’enfance, du logement et de la solidarité

La troisième intervention majeure de la Sécurité sociale tient dans sa branche famille. Installée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son objectif était d’améliorer le niveau de vie des familles, faciliter l’accès à un logement, d’atténuer les inégalités de revenus ou encore d’accompagner le mouvement de reprise démographique. Elle repose sur le versement de prestations financières, ou la mise en place de services collectifs (crèches).

Elle compte 5,2 millions de bénéficiaires pour l’enfance (principalement allocations familiales et allocations de rentrée scolaire), 5,6 millions pour le logement (sous forme d’aides), 6 millions pour la solidarité (RSA, allocation aux adultes handicapés, allocation d’éducation de l’enfant handicapé), pour un total de 108,8 milliards d’euros, soit 3,8 % du PIB.

La Sécurité sociale joue un rôle important dans la réduction de la pauvreté. Avant transferts sociaux et fiscaux, on estime le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté à 21,4 % (13,5 millions de personnes). Après les interventions de solidarité, ce taux est ramené à 14,5 % (9,1 millions de personnes). Les prestations sociales non contributives (qui ne sont pas liées à une cotisation antérieure) augmentent en moyenne le niveau de vie des personnes pauvres de 347 euros en moyenne, et permettent aux personnes vivant seules (sans emploi) de bénéficier d’un revenu disponible mensuel de 839 euros, détaille la Sécurité sociale.

Des enjeux financiers majeurs dans les années à venir

Véritable amortisseur social, notamment dans les crises, la Sécurité sociale à l’aube de ses 80 ans est cependant confrontée à d’immenses défis d’ordre financier, pour la branche vieillesse et surtout pour l’Assurance maladie.

« Sans action sur la dynamique tendancielle des dépenses ou des recettes, le déficit de la Sécurité sociale pourrait atteindre 3 points de PIB en 2040, et 9 points en 2070 », a averti la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) au Sénat, dans un rapport très détaillé sur la situation financière et le financement de la protection sociale. Cette dégradation annoncée est en grande partie la conséquence du vieillissement de la population, qui pèse sur les dépenses mais aussi les recettes, 56 % du financement de la Sécu étant assurés par les actifs via les cotisations sociales, donc le travail. Selon les prévisions de l’École nationale supérieure de Sécurité sociale, le ratio entre cotisants et retraités, qui était de 3,17 en 1975, pourrait passer de 1,77 en 2022 à 1,2 en 2070.

La Sécurité sociale rappelle elle-même que la démographie actuelle n’est plus celle de 1945 et que pour préserver notre modèle, « des réformes ont été et continueront d’être nécessaires ». La semaine dernière, le Premier ministre a d’ailleurs invité les partenaires sociaux à se pencher sur le financement de la Sécurité sociale, premier des cinq thèmes cités dans son courrier.

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